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Quelle justice pour quel monde?

par Kamal Guerroua

Des missiles tombent sur Gaza en même temps que l'Ukraine brûle. Décidément, le motif trouvé par Israël n'est qu'un fallacieux prétexte pour tuer des civils par dizaines, dans une large opération militaire considérée comme « préventive ». En début de semaine, Tel Aviv a mis aux arrêts un chef de Djihad islamique en Cisjordanie, et pour empêcher toute réplique, frappe le territoire palestinien, bouclé depuis trois jours. Bref, le monde assiste dans l'impuissance totale à deux foyers de tension simultanés (Ukraine et Palestine) qui en disent long sur l'inefficacité des organismes onusiens en temps de crise majeure. Au-delà de cet amer constat, c'est surtout le traitement médiatique et diplomatique « partial » de ces deux dossiers épineux qui pose, sérieusement, problème. Quand Vladimir Poutine a pris la décision d'envahir l'Ukraine à la fin du mois de février dernier, toute l'Europe s'est mobilisée comme un seul homme pour imposer et sanctions économiques et sanctions diplomatiques sur Moscou.

La célérité d'une telle réaction amène, en toute logique, tout un tas de questions dont la principale sera la suivante: pourquoi cette même Europe ne manifeste-t-elle pas, à présent, le même degré de consternation concernant les récents bombardements israéliens sur la bande de Gaza? Cela interpelle d'autant plus les consciences qu'en un rien de temps, la Russie, première puissance nucléaire mondiale, se retrouve presque sous embargo occidental, à cause de son invasion de l'Ukraine. Et si ce n'était pas le dossier de l'exportation du blé ukrainien et la question énergétique, auxquels la Communauté européenne tenait à cœur pour assurer sa sécurité géostratégique, la Russie serait peut-être rapidement à terre, sans aucun autre moyen de défense, à part celui de la confrontation militaire directe avec les USA et leurs alliés européens.

La première question amène nécessairement une deuxième, encore plus douloureuse, qu'on peut formuler ainsi : Israël est-il plus influent militairement, politiquement et diplomatiquement que la Russie, pour être épargné par les critiques, les avertissements et les menaces occidentales? Foutaise! Puis, pourquoi les quelques réactions occidentales à propos de Gaza se résument-elles à des appels à l'apaisement, alors que dans le cas ukrainien, elles s'insèrent plutôt dans la catégorie des casus belli? Deux poids, deux mesures, qui mettent à mal toute la conception droits-de-l'hommiste et des libertés promue par ce monde dit libre.

L'Etat hébreux impose, pour rappel, depuis 2007, un blocus strict à Gaza, enclave de 2,3 millions d'habitants, minée par la pauvreté et le chômage. L'OMS signale qu'outre les dégâts humains et matériels, la fermeture des passages frontaliers (ce qui contraint des milliers de Gazaouis, titulaires de permis de travail à rester chez eux), environ 50 personnes qui quittent Gaza pour des soins sont affectés par ces frappes-là. En outre, cette fermeture a ralenti la livraison de diesel, acheminé depuis l'Egypte, nécessaire à l'alimentation électrique. En gros, le calvaire palestinien continue dans l'indifférence générale.