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Eléments de réflexion sur la profession et l'interprofession agricoles

par Mohamed Khiati (*)

D'emblée, disons que notre propos abordé ici, en quelques murmures, n'a nullement un quelconque caractère réprobateur porté illico sur les organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles, loin s'en faut, mais seulement d'engager la réflexion autour d'un segment porteur qui constitue le soubassement primordial dans la sphère du développement agricole et rural, à l'heure où le secteur connait de grandes mutations.

Il est à avancer sans ambages qu'en Algérie, les autorités publiques ont toujours suscité et encouragé la création d'institutions professionnelles pour mieux répondre aux besoins des agriculteurs, d'une part et des politiques agricoles et alimentaires adoptées, d'autre part et ce, depuis plus d'une trentaine d'années.

Depuis, on ne s'arrête pas d'évoquer la profession et l'interprofession dans la sphère agricole et leur rôle dans la dynamisation du monde agricole et rural. Ces deux composantes devraient en conséquence, affirmer leur position en tant que partenaires authentiques et incontournables des institutions publiques, dans tout processus de développement.

S'il est vrai que les pesanteurs sur ces composantes sont importantes dues à la diversification des catégories et des segments œuvrant dans le domaine de l'agriculture, il n'en demeure pas moins que seules la performance et l'efficience dont doivent faire preuve la profession et l'interprofession à répondre aux préoccupations des diverses franges agricoles, peuvent accroître leur pouvoir de négociation et étendre leur degré de participation à toute stratégie de développement.

Ces entités ne peuvent pas tirer leur force du nombre de leurs adhérents seulement, mais surtout de leur capacités de proposition et de leur contribution efficace et efficiente aux divers programmes et projets engagés par les pouvoirs publics, selon une approche fondée sur la rentabilité économique, l'acceptabilité sociologique et la durabilité écologique, quant à leur mise en œuvre.

Cela ne peut être obtenu que par la promotion au sein de la profession et de l'interprofession, d'une réflexion collective et de débats, libres de toute entrave qui les aideront à transformer les mentalités et s'adapter pour garantir leur efficacité en vue de s'intégrer amplement dans une démarche de développement du monde agricole.

La profession et l'interprofession ne sauraient prétendre à une démocratie participative que si, en leur sein, la démocratie prime, autrement dit, la réponse aux sollicitations des agriculteurs et de leurs associations est le principal élément à prendre en considération.

Cette évolution qualitative sera imaginable à condition que l'administration agricole poursuive fermement sa mutation. En bref, elle doit s'ouvrir plus à ses partenaires. Les administrations locale et centrale ont un rôle d'accompagnement et d'appui aux efforts et aux initiatives de la profession, ainsi que la promotion de l'interprofession.

L'adoption et la promulgation d'une législation appropriée aideront surement à transformer ces rapports et prendre en charge les intérêts de diverses strates du monde agricole pour lesquels l'administration devra veiller à ce que les décisions arrêtées par l'Etat soient vulgarisées pour être, in fine, appliquées.

La profession agricole (Les Chambres d'agriculture)

Emanation des réformes économiques et plus particulièrement de la réorganisation du secteur agricole, entamée depuis la fin des années 1980, les chambres d'agriculture de wilayas (CAW), et la chambre nationale d'agriculture (CNA) créées respectivement par le décret exécutif n° 91-118 du 27 avril 1991 et le décret exécutif n 92-379 du 13 octobre 1992 sont venues mettre en place un cadre de dialogue et de concertation à partir duquel, les producteurs agricoles, toutes spécialités confondues, auront à participer, à part entière avec les pouvoirs publics locaux ou nationaux, à la prise de décision dans les affaires qui les concernent directement, soit dans le domaine organisationnel ou dans celui du développement et de l'essor économique du secteur.

Dans ce contexte, nous avons été contemporains pour dire que la principale institution représentative de la profession agricole demeure la chambre nationale d'agriculture. Celle-ci coiffait au milieu des années 1990 quelques 47 chambres d'agriculture de wilaya (celle de Tindouf a été instituée plus tard, en 2001), lesquelles, se sont constituées depuis le début des années 1990, sous forme d'établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC).

La chambre nationale d'agriculture est consultée sur tous les textes réglementaires et législatifs se rapportant à l'agriculture. Elle est cependant limitée dans ses activités par les capacités d'étude et par sa capacité à faire réaliser des études qui conditionnent ses aptitudes à faire des contre-propositions raisonnablement fondées, aux décideurs de la tutelle.

En outre, tant la CNA que les chambres de wilaya devraient voir leurs statuts et leurs prérogatives précisées sur la base de leur expérience. En particulier, le régime électoral qui devrait être revu pour assurer une meilleure représentativité de la grande masse des agriculteurs. C'est, en effet, de la confiance de cette masse en les chambres que dépendent, la crédibilité et l'efficacité de ces dernières.

Ainsi donc, la politique agricole, depuis la fin des années 1980, et particulièrement depuis l'institution des chambres a fortement encouragé la constitution d'associations de professionnels de l'agriculture et de l'alimentation afin que les autorités publiques agricoles et alimentaires à la fois puissent s'appuyer sur elles pour la conception des politiques et pour leur mise en œuvre et évaluation.

En 1997, on comptait 1.123 associations regroupant plus de 105.000 adhérents, répartis au niveau de toutes les wilayates du pays et couvrant aussi bien des activités de production agricole que de services. Certaines des associations ont constitué des unions au niveau national.

Cependant, il est à relever que les principaux problèmes des associations résident en la représentativité d'un certain nombre d'entre elles, de leur fonctionnement au quotidien (absence ou faiblesse des activités) et enfin, celui de leur financement.

Quelques années plus tard, la loi d'orientation agricole n°08-16 du 3 août 2008, a inscrit l'action des chambres d'agriculture, en raison de leur vocation professionnelle, dans le cadre de la politique participative de l'Etat. En 2010, le décret exécutif n° 10-214 du 16 septembre est venu fixer le statut des chambres d'agriculture de wilayas, conformément aux dispositions de l'article 58 de la loi d'orientation agricole.

Les chambres constituent le lieu de consultation et de concertation entre les autorités administratives et les représentants des intérêts professionnels. La loi reconnaît à leurs activités, le caractère d'utilité publique et sont par ailleurs fédérées en une chambre nationale d'agriculture (CNA).

Au vu de la législation, les chambres d'agriculture sont chargées de développer les services et les prestations utiles dans tous les domaines liés à l'activité agricole, notamment l'organisation des foires, les expositions, les concours agricoles et la diffusion de l'information scientifique, technique et économique et de la mise en place d'un système d'observation et d'analyse de l'état des filières agricoles et de leur marché, de la mise en œuvre de programmes de formation à l'adresse des agriculteurs et des éleveurs.

Elles ont également pour missions de contribuer à la promotion des produits agricoles et des labels ainsi qu'à l'encouragement et l'accompagnement des opérations d'exportation, de la promotion de toute action susceptible d'améliorer les performances des producteurs agricoles au plan de la production et de favoriser la fourniture des services dont ils ont besoin, enfin de l'édition et de la diffusion de revue et de tout support d'information se rapportant à leur objet. Elles sont, en outre, chargées d'assurer les sujétions de service public prévues dans le cahier des charges.

Elles constituent le lieu de consultation et de concertation entre leurs membres et entre ceux-ci et les institutions publiques ou privées dont les activités sont en rapport direct ou indirect avec l'agriculture. Elles peuvent, à ce titre, être consultées sur tout projet ayant des incidences sur les intérêts de leurs membres, notamment en matière d'aménagement et d'équipement de l'espace rural et peuvent entretenir des relations avec les institutions nationales ayant un rapport avec leur objet et conclure des accords de coopération avec les institutions étrangères à but similaire après avis de la chambre nationale d'agriculture et accord du ministre chargé de l'Agriculture, en coordination avec le ministère des Affaires étrangères.

Dans le principe, l'émergence de la profession agricole (quoique relativement récente) sous-entend, dans l'arène du développement, la participation des agriculteurs aux diverses activités agricoles. Certes elle (la participation) reste d'une portée révolutionnaire, mais elle ne saurait être complète sans se décharger de sa conception linéaire favorisant les plus nantis.

Se départir des vieux réflexes dans la gestion des activités agricoles, constitue également un gage pour leur réussite de concert effectif avec les populations concernées par le développement. Les organisations professionnelles telles les chambres d'agriculture, censées promouvoir la participation, n'ont pas, à l'heure actuelle, repensé leurs approches pour atteindre les objectifs escomptés.

Le constat fait, est que les chambres d'agriculture s'inspirent encore des modèles à caractère administratif, fondés sur des principes bureaucratiques, sans pouvoir cristalliser sur le terrain des formes plus mobilisatrice des populations qu'elles sont censées les organiser dans un forum à caractère de promotion et de développement.

La politique envisagée par les chambres d'agriculture s'inscrit, pensons-nous, dans le général et "des généralités " sans pour autant consacrer des études centrées sur le particularisme que vit la majorité des agriculteurs. Il y est constaté une tendance qualifiée de "pessimisme méthodologique ", autrement dit, on a du mal à identifier les obstacles et les malentendus profonds auxquels peut se heurter la stratégie du développement participatif.

Il s'agit de rendre explicite les critiques qui restent le plus souvent diffuses et implicites, mais qui prévalent souvent dans les milieux chargés de promouvoir la participation qui, en fait, constitue l'essence et l'essentiel des chambres d'agriculture.

Les critiques concernent généralement les difficultés pratiques résultant des conflits d'intérêt, d'information insuffisante sur des contextes spécifiques, du manque de temps et des procédures administratives. C'est toujours le cas lorsque la participation en est, est considérée comme une panacée, dans ce milieu où la communication doit être de rigueur, estimons-nous mordicus.

Pis, les chambres d'agriculture ne doivent pas être en marge de l'évolution des conceptions, mais constituer elles-mêmes un forum de concertation, pour pouvoir prendre en charge les préoccupations des agriculteurs et concrétiser leurs attentes. L'engagement dans des études approfondies et des analyses faites sur le monde rural constituent également l'une des tâches nobles dévolues aux chambres d'agriculture.

Aubaine de dialogue et fondation pour la représentation de la profession, les chambres d'agriculture, considérées ainsi, peuvent elles aller au-delà, du général pour s'intégrer dans le particularisme caractérisant les plus démunis des zones rurales, lesquels s'attendent à une promotion collective et individuelle à la fois.

Dans cet ordre d'idées nombreux sont ceux qui parmi les agriculteurs voient en l'aide qu'on a tendance à apporter aux plus nantis comme une profonde " injustice ", c'est dire que les chambres doivent être le lieu où s'entrecroisent toutes les catégories, petits ou grands exploitants, sans différence aucune.

Dans une étude consacrée à la vulgarisation et la à professionnalisation de l'agriculture en Algérie, J.C Derongs, expert de la firme " Fertile " fait remarquer, voila quelques années que "le mouvement professionnel apparaît aujourd'hui en Algérie comme une construction très institutionnelle (la création des organisations s'appuie jusqu'à ce jour, sur l'initiative de l'Etat que sur les producteurs eux-mêmes) et de façade (la profession est représentée à tous les niveaux de décision, mais trop souvent par un cadre de l'administration détaché auprès de l'institution), pourtant d'une part, la volonté politique de voir émerger des interlocuteurs et des partenaires du développement est bien réelle et d'autre part, de nombreuses initiatives à la base, de la part d'associations, de chambres ou de coopératives démontrent que les agriculteurs ont la détermination et la capacité de construire des outils nécessaires à leur développement."

Et de conclure que " sur un plan plus global, le dispositif professionnel n'est toutefois pas aujourd'hui un opérateur capable d'assumer la charge de définir et de mettre en œuvre un programme de développement et de vulgarisation. La construction de ce dispositif est en cours, le chantier sera long et difficile et doit s'attacher à soutenir l'initiative organisée des producteurs autour de fonctions concrètes et basiques telles que l'approvisionnement, les services, la collecte ou la mise en marché de la production afin de consolider et d'élargir la base de ce mouvement".

Ainsi donc, et en vertu de la législation en vigueur régissant les chambres d'agriculture, il semble que la problématique est que le législateur n'a pas tranché la question du statut juridique des chambres d'agriculture. Aussi, la question qui se pose est telle que: faut-il reconduire le statut actuel qui accorde à l'administration une forte représentation ? Puisque d'une part, l'assemblée générale est composée principalement des représentants de ministère et d'autre part, un organe principal des chambres d'agriculture à savoir le secrétaire général est nommé par le ministre chargé de l'agriculture.

De ce fait, les chambres d'agriculture, dans leur organisation et leur fonctionnement s'apparentent beaucoup plus à des annexes de l'administration centrale et locale de l'agriculture, des structures para administratives qu'à des institutions défendant les intérêts des agriculteurs et donc de la profession.

Ou encore, faut-il revoir les statuts des chambres d'agriculture sur le plan organisationnel et fonctionnel dans une perspective d'en faire des organismes " pour les agriculteurs, par les agriculteurs et avec la représentation effective des agriculteurs ". Dans ce sens, il s'agira de renforcer leur rôle dans la perspective d'une meilleure défense de la profession agricole toute entière. Elle devra alors agir de façon à faire prendre conscience aux agriculteurs qu'il s'agit d'une institution de type corporatif et non fondatif comme c'est le cas actuellement.

Dans tous les cas, le statut des chambres de l'agriculture doit faire l'objet d'une mure réflexion, en vue d'évoluer dans le sens d'une participation plus efficace dans le processus de développement agricole et rural, sur la base d'une réelle intégration fondée sur une adhésion des producteurs.

Cela suggère alors l'idée de redéfinir clairement les attributions spécifiques des chambres d'agriculture par rapport à celles des directions des services agricoles afin de créer des complémentarités et supprimer les sources de conflits possibles, et les relations entre chambre nationale de l'agriculture et les chambres de wilayas. La relation actuelle est informelle et ne répond à aucune mesure législative. Il ne s'agit pas, estimons-nous, de l'élaboration d'un statut type pour l'ensemble des chambres d'agriculture mais plutôt permettre une certaine souplesse qui tient compte des spécificités agricoles des différentes régions.

Ces entités professionnelles doivent être impliquées beaucoup plus dans la formation technique des agriculteurs ainsi que la réalisation de certaines prestations au profit des exploitations agricoles, alors que les services de l'Etat doivent garder la main sur la distribution des deniers publics.

On pourrait alors regrouper l'action des chambres d'agriculture autour de 4 missions portant sur l'information et le conseil, ainsi que la consultation, l'organisation et la promotion. La première mission est celle d'informer, de conseiller et de fournir aux pouvoirs publics et aux organismes d'appui, les avis et renseignements qui leur sont sollicités, sur les questions d'intérêt agricole et la collecte, la production et la diffusion des informations économiques et professionnelles agricoles.

La seconde est celle de consultation, dans la mesure où elles sont à caractère consultatif, elles doivent être obligatoirement consultées sur tout texte qui les concerne. Dans ce cadre, elles doivent faire valoir leurs positions sur les moyens d'assurer la promotion de l'agriculture et les améliorations à introduire dans toutes les branches de la législation agricole, telles que la réglementation des prix des productions, les tarifs douaniers, l'acquisition des facteurs de production et la politique agricole en général et de présenter aux pouvoirs publics des propositions sur les moyens de développer les activités agricoles et d'assurer l'autosuffisance alimentaire des populations.

La troisième est celle de l'organisation des professions. Il s'agit de participer à l'organisation et à la promotion des filières agricoles; d'appuyer la création des associations professionnelles ou interprofessionnelles, de groupements, de syndicats et toutes autres formes d'organisations en vue de la promotion des activités agricoles et d'animer, informer, former et conseiller dans les domaines dont l'objectif est de concourir à la promotion de l'agriculture et à l'entrepreneuriat agricole.

La quatrième mission est celle de la promotion qui suggère aux chambres de s'impliquer et d'assurer l'émergence, la réalisation et l'évaluation de tous les projets de développement rural, de représenter, protéger et assurer la promotion du secteur agricole auprès des pouvoirs publics et de tout autre organisme, de l'accès à l'acquisition des intrants et équipements au profit de tous les corps et métiers agricoles, aux crédits de tous genres et de faciliter l'accès des ressortissants aux services sociaux et d'assurance agricoles et aux formations, participer à l'étude, la réalisation et l'évaluation des projets et grands travaux d'intérêt agricole, de recevoir les notification de l'inscription des entreprises agricoles au registre de commerce et la reconnaissance officielle des associations professionnelles agricoles.

2. L'interprofession agricole

Tout d'abord dans les acceptions de la littérature, une organisation interprofessionnelle est un "groupement d'organisations professionnelles représentatives de la production agricole, de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles ". Cette définition ne devrait pas faire obstacle à l'inclusion des services techniques ou des services de l'Etat en qualité de membres observateurs, associés de plein droit.

Historiquement, les conseils interprofessionnels en Algérie, ont été érigés en forme d'associations professionnelles conformément aux dispositions de la loi n° 90-31 du 4 décembre 1990 relative aux associations, alors que les offices interprofessionnels sont créés sous formes d'établissements publics.

Ils sont constitués de représentants des associations professionnelles de producteurs et des opérateurs économiques intervenant dans les activités agricoles, notamment dans les domaines de fourniture de facteurs de production, de transformation, de stockage et de distribution des produits agricoles.

Par ailleurs et conformément aux dispositions du décret exécutif n° 96-64 du 27 janvier 1996 fixant le cadre d'organisation de l'interprofession agricole, cette forme d'organisation devrait assurer la complémentarité des intérêts de toutes les professions qui composent la filière agricole et partant, contribuer au développement de la production agricole et à la promotion de l'équilibre et de la stabilité des marchés des filières agricoles.

A l'époque et à l'initiative des pouvoirs publics, cinq (5) conseils interprofessionnels nationaux (CNIF) pour les filières : pomme de terre, céréales, lait, aviculture et dattes ont été initialement crées au cours des années 1994-1995 et ce, par arrêté du ministre de l'agriculture.

Ces conseils de première génération d'avant 1996 ont été constitués paritairement de producteurs de filière spécialisée et de représentants des pouvoirs publics, mais en dehors des dispositions du décret exécutif susvisé et de la sorte, ils n'avaient pas pour base organique les conseils interprofessionnels de wilaya.

Dès lors, la question de crédibilité de ces conseils restait posée. Le seul conseil national interprofessionnel actif sur le terrain était, à cette époque, est celui de la filière pomme de terre. En raison de multiples contraintes, les autres conseils demeuraient presque inactifs voire à l'arrêt.

Les tentatives d'exécution de la circulaire ministérielle n°00455 du 13 octobre 2001 relative à la mises en œuvre de l'interprofession agricole, n'ont pas permis de mettre en place, dans les filières souhaitées, des conseils interprofessionnels de wilaya conformes à la réglementation en vigueur du fait que leur composition ne comporte que les producteurs de la filière.

Il fallait attendre la promulgation de loi 1206 du 12 janvier 2012, relative aux associations et la circulaire n°159 du ministère de l'Agriculture, pour " rappeler le dispositif réglementaire instituant le cadre d'organisation de l'interprofession agricole et apporter les précisions quant à constitution des conseils dans les différentes filières ".

Le secteur de l'agriculture et du développement rural s'inscrit résolument dans l'édification d'une économie diversifiée hors hydrocarbures, avec pour objectif de créer de nouvelles opportunités commerciales, sur le marché local et à l'exportation.

Cette démarche exige la concertation régulière avec les acteurs du développement pour identifier leurs attentes et leurs besoins, en veillant à réunir les conditions nécessaires pour le renforcement et l'ajustement du cadre incitatif et d'accompagnement de tous les segments d'activité.

C'est à ce titre que l'accent a été mis, sur la création des conseils interprofessionnels pour nombre de filières agricoles. Ce processus a permis l'installation de 23 conseils interprofessionnels au niveau national pour nombre de filières stratégiques de production, avec leur démembrement au niveau local.

La construction de ces espaces de concertation regroupe l'ensemble des opérateurs économiques et institutionnels. Elle est fondée sur une volonté des acteurs des différents maillons d'une filière à s'impliquer dans les problématiques collectives et enjeux de la filière aux stades de la production, de la transformation, de la commercialisation, de la régulation, de la distribution y compris de l'exportation.

Dans cette tendance et pour promouvoir l'interprofession, il est de pleine mesure d'entrevoir une vision élargie de son organisation de telle sorte que les fournisseurs d'intrants ou de services doivent être inclus dans les interprofessions dans la mesure où dans un grand nombre de filières, le rôle des industries de l'amont ou des sociétés de services est déterminant.

On peut citer par exemple l'importance des sociétés semencières, des fournisseurs d'engrais ou de produits phytosanitaires, des industries productrices de poussins ou d'aliments de volailles, des fournisseurs de produits et services vétérinaires et autres. Cela n'apparait pas, outre mesure, dans les conseils interprofessionnels actuels.

Une compréhension large du concept d'interprofession serait plus appropriée pour inclure les associations ou le cadre de concertation regroupant des entreprises ou des organisations représentatives des différents métiers d'une filière donnée, des fournisseurs d'intrants jusqu'aux consommateurs.

Il s'agit par ailleurs de la diversité des formes d'organisation, tel qu'on peut envisager de nombreuses formes d'organisations interprofessionnelles qui peuvent être, soit des organisations interprofessionnelles privées au sens strict, soit des comités interprofessionnels incluant des services techniques ou des services d'encadrement, qui constituent des démembrements de l'État, en tant que membres associés ou de plein droit ; soit des organisations exclusivement publiques.

Il serait judicieux, pour mieux rendre compte de la diversité des formes, d'utiliser le concept ou le terme "organisations interprofessionnelles" plutôt que celui " d'interprofessions ", souvent réduit au seul cas des organisations interprofessionnelles privées.

Il est alors de pleine mesure de procéder à l'adaptation institutionnelle pour une interprofession mieux encadrée. Il s'agit de constituer des interprofessions mieux encadrées et représentatives pour conforter le rôle des producteurs dans le développement de démarches porteuses de valeur ajoutée pour l'agriculture.

Il s'agit aussi d'adapter les rôles et les capacités d'intervention des différents acteurs et le rôle et les capacités d'intervention des organisations interprofessionnelles à l'évolution du contexte économique national et international, en tenant compte des difficultés pratiques d'intervention qui sont apparues au cours des dernières années et enfin, d'entrevoir une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation, qui constitue un enjeu fondamental.

Pour ce faire, il s'agit d'avoir une interprofession plus représentative, avec une nécessaire complémentarité entre les acteurs, la représentation des agriculteurs, des transformateurs et des entreprises de commercialisation au sein des instances représentatives actuelle a montré ses limites.

L'interprofession ne sera en mesure d'assurer l'équilibre des intérêts que si elle se dote d'organes qui sont l'émanation de l'ensemble des intervenants et ce, grâce à un système électif qui garantit cette représentation.

L'insertion de l'interprofession dans le processus décisionnel. L'interprofession doit devenir une instance de dialogue et une force de proposition au niveau territorial et à l'échelle nationale. La représentation des professions au sein des organes de décision des offices constitue un atout majeur pour développer les synergies indispensables entre les différents acteurs et en particulier entre le ministère et les intervenants dans les filières organisées.

Dans notre système juridique, les prérogatives de puissance publique demeurent entre les mains de l'administration, aucun système de délégation n'est prévu par la loi au profit des organisations interprofessionnelles. Pour que les accords interprofessionnels puissent être appliqués et donc efficaces, la réglementation doit prévoir le caractère réglementaire des accords interprofessionnels. Ils doivent être obligatoires pour l'ensemble des acteurs ou intervenants des professions concernées.

Dans ce cas précis, la réglementation doit indiquer que la délégation de l'État aux interprofessions, la possibilité d'élaborer des accords qui ont force juridique impliquant le respect de certains principes fondamentaux :

La représentativité des groupes professionnels au sein de chaque interprofession, la parité de la représentation de chaque profession, l'unanimité pour la prise de décision.

Lorsqu'une famille professionnelle non agricole n'est pas en mesure de se structurer ou dont les membres sont en nombre insuffisant pour justifier la création d'une association, ces derniers peuvent se faire représenter au sein de ce conseil, à titre individuel.

Les conseils interprofessionnels doivent être constitués de tous les maillons et segments de la chaîne de valeur intervenant dans la filière et comportant des représentants de la profession agricole, des représentants des autres professions gravitant autour de ladite filière, d'un produit de base donné ou d'un groupe de produits. Mais le constat aujourd'hui est tel que l'action de ces conseils est réduite à la production agricole et donc, ils deviennent de la sorte, juste des associations relevant des chambres d'agriculture.

A l'échelle d'une wilaya donné, il ne peut être reconnu qu'un conseil interprofessionnel par filière, pour un produit de base ou un groupe de produits, comme à l'échelle nationale, il ne peut être créé qu'un conseil national interprofessionnel par filière. Celui-ci doit être l'émanation de conseils locaux ou régionaux.

Cependant et à ce chapitre, formulons y, une observation de taille qui parait indispensable à élucider. Actuellement, il n'existe aucun cadre réglementaire qui lie l'interprofession à la profession agricole, autrement dit, les conseils interprofessionnels œuvrent indépendamment des chambres d'agriculture alors que leur dénominateur commun sont les organisations agricoles réparties à travers le territoire national, dont émanent les conseils et les organes.

L'idée est comment entreprendre une connexion juridique et réglementaire entre ces deux entités (Chambres et conseils interprofessionnels). S'il est vrai que ces derniers ont des segments au-delà de la production, il n'en demeure pas moins que souvent, ils sont liés à la base par les associations par filière de production.

Dans l'orthodoxie, tant les chambres d'agriculture que les conseils interprofessionnels doivent être libres et indépendants de toute entrave et insertion de l'administration pour accomplir pleinement leurs rôles. Mais en retour, ils doivent rendre compte de leur implication dans tout projet de développement qu'engage l'Etat et justifier leurs subventions, comme ils doivent répondre à leurs adhérents parce qu'ils reçoivent les quotte part d'adhésion.

En parallèle se développe un réseau d'institutions de recherche développement, de formation et des offices d'accompagnement qui dans le fonds, font partie du monde professionnel agricole.

Ce développement conceptuel fait valoir l'idée d'intégration, c'est pour dire que la profession n'est pas seulement représentée par les chambres, les conseils interprofessionnels et leurs associations, mais toute la panoplie d'institutions œuvrant dans le domaine du développement agricole et rural. Et donc et par déduction, leur organes doivent faire intégrer les représentants de ces réseaux d'institutions de recherche/ développement, dans une large acception.

Il est aussi important d'intégrer des représentants des instituts et écoles agronomiques ou vétérinaires, relevant de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, car ils font partie de la profession agricole, estimons-nous.

Cependant, une observation qu'en est-on du domaine des forêts, ceux-ci font également partie de la profession agricole, sachant toutefois que des associations sylvicoles et forestières existent et donc, elles doivent rallier les chambres et l'interprofession agricoles.

En bref, aborder le monde professionnel agricole, c'est enfin aborder une grande problématique des catégories qui y œuvrent en amont et en aval, c'est dire que la profession tel qu'entendu dans les parterres se résume parfois, en les chambres d'agriculture et les conseils interprofessionnels par filière de production, alors que la notion est plus large, avec des ramifications et des diversifications.

En conclusion, il est peut être opportun de revoir la copie de la profession et de l'interprofession agricoles, dans sa globalité, après trente ans d'existence, car les choses ont pleinement changé.

Le monde agricole a subi, des années durant, des mutations certaines tendant à induire sa promotion, ce qui suggère enfin de compte, une certaine forme de réorganisation et réadaptation de la profession et de l'interprofession, au contexte actuel voire à celui du futur et delà, des assises en la matière sont pleinement souhaitées, dans la mesure ou le soubassement de toute politique agricole menée résident dans l'organisation de la profession qui enfin de compte nécessite une réelle professionnalisation.

(*)Agronome post-universitaire.