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Une loi et des attentes

par Abdelkrim Zerzouri

Après deux ou trois moutures de loi de travail qu'on a vainement essayé d'adopter depuis 2014, on arrive à 2022 avec un nouveau projet inédit, qui veut faire des travailleurs des patrons. Du moins, c'est ce à quoi encouragent ses articles.

Ce projet de loi, selon le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Youcef Cherfa, vient «concrétiser un des engagements du président de la République, celui de permettre aux travailleurs et employés d'accéder à l'entrepreneuriat», en prévoyant un nouveau droit, à savoir : l'institution d'un congé pour la création d'une entreprise, le but étant de «promouvoir» l'esprit entrepreneurial et «motiver» les travailleurs à créer « leurs entreprises.» Dans ce cadre, les salariés, justifiant d'une ancienneté d'au moins 3 ans, souhaitant créer des entreprises économiques, pourront soit bénéficier d'un congé sabbatique d'une durée d'un an, prolongeable de 6 mois, soit continuer à travailler à temps partiel, tout en conservant le droit à la couverture sociale et au retour à leur poste de travail en cas d'échec de leurs projets. Un projet de loi innovant en matière de voies et moyens pour la création d'emplois, puisque le salarié qui réussira à créer son entreprise, en toute sérénité et sans craindre l'échec (puisqu'il a la possibilité de réintégrer son poste) participera à la création de nouveaux emplois et laissera son poste vacant qui profitera à un chômeur.

Et, il y a encore d'autres encouragements, en faveur des salariés qui souhaitent créer leur propre entreprise, sur le plan des aides financières et d'autres privilèges dans le cadre des dispositifs d'aide à la création d'activités, toutes formes confondues, dont l'exonération fiscale et autres crédits sans intérêts. Rien que des avantages pour les salariés dans l'esprit de ces articles, mis en avant par M. Cherfa pour appuyer cet avant-projet de loi modifiant et complétant la loi 90-11, du 21 avril 1990, relative aux relations de travail, lors de sa présentation devant les membres de la Commission de la Santé, des Affaires sociales, du Travail et de la Formation professionnelle, à l'Assemblée populaire nationale (APN). Mais, qu'en est-il des autres articles contenus dans cette mouture ? De fortes résistances ont été, pour rappel, opposées aux gouvernements précédents, depuis 2014, lors de leurs tentatives de changer la loi 90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail.

Et, il n'y a pas seulement que les employés et les syndicats qui appréhendent le changement sur ce plan, les employeurs également s'intéressent de près à ce Code de travail, particulièrement les investisseurs étrangers qui souhaitent composer avec une réglementation qui respecte les exigences managériales des multinationales et transnationales basées sur les principes du libre marché, allergiques au principe de la sécurité juridique des relations de travail, donnant lieu à la précarité de l'emploi, notamment à travers le recours au contrat déterminé qui offre une certaine flexibilité aux employeurs pour y mettre fin à tout moment. Dans ce contexte, de nombreuses interrogations restent suspendues, comme celle du maintien ou l'abandon des principes d'inspiration sociale.