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Le FMI en deux tons

par Abdelkrim Zerzouri

En moins de deux mois, les experts du Fonds monétaire international (FMI) ont rendu deux conclusions aux intonations différentes sur l'économie algérienne. Le 8 octobre dernier, le chef de division du FMI pour le Moyen-Orient et l'Asie centrale, Geneviève Verdier, a rendu compte de ses conclusions préliminaires, avec des recommandations très circonspectes, conseillant aux autorités algériennes de «rétablir en urgence une stabilité macroéconomique» à travers un ajustement budgétaire général qui devrait être entamé en 2022 et se prolonger sur plusieurs années. En sus d'autres recommandations préconisant une meilleure flexibilité du taux de change pour renforcer la résilience de l'économie aux chocs externes, allant jusqu'à conseiller aux autorités algériennes de recourir à l'emprunt extérieur pour moduler ses sources de financement budgétaire, alors qu'on savait pertinemment que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait rejeté d'une manière catégorique cette solution.

Il s'agissait de conclusions très «prudentes» sur l'économie algérienne, voire alarmantes par certains côtés, comme lorsque le rapport en question conclut que «la croissance devrait s'essouffler en raison de politiques actuelles qui limitent le crédit au secteur privé». Cela laissait croire qu'une guérison de l'économie algérienne, pour espérer renouer avec la croissance, nécessiterait des efforts de plusieurs années. Mais les conclusions du rapport du FMI, rendu public le 30 novembre dernier, après l'achèvement des consultations de 2021 avec l'Algérie, ont salué les efforts consentis par le pays pour relancer la croissance économique et réduire la dépendance aux hydrocarbures, moderniser la gestion budgétaire et améliorer l'efficacité du secteur public, prévoyant une croissance réelle de 3,2 en 2021. L'économie algérienne devrait se rétablir en 2021 et 2022, considèrent encore les experts du FMI, non sans souligner que «les perspectives demeurent incertaines et difficiles». Ce qui est vrai pour l'Algérie et pour tous les pays, y compris ceux réputés forts économiquement. Car excepté le paramètre de l'évolution du cours du pétrole, tous se partagent des risques élevés liés à la pandémie et au contexte social et géopolitique.

Ce n'est certainement pas une vision qui a changé selon les humeurs de l'instant, donnant lieu à la distribution des bons et mauvais points sans aucun lien avec la réalité économique. Le changement de ton entre le rapport préliminaire et la conclusion finale pour l'année 2021, après achèvement des consultations entre le FMI et le gouvernement algérien, doit bien avoir des arguments économiques concrets. Qu'est-ce qui a bien pu changer entre le 8 octobre, date des conclusions préliminaires «défiantes» du FMI, et le 30 novembre, rapport final plutôt confiant pour la croissance du pays ? Le cours du pétrole ayant été relativement stable entre les deux dates, on ne peut que considérer la loi de finances 2021, signée dans ce laps de temps, comme évènement économique majeur ayant influé sur les observations et les conclusions du rapport du FMI. Le gouvernement a-t-il étudié soigneusement les recommandations du rapport préliminaire et établi une loi de finances 2022 «adhérente» aux conseils des experts de l'établissement de Bretton Woods ?