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Le temps du pouvoir et le pouvoir du temps en Algérie

par Mohamed El Bachir Louhibi

7ème partie



Les statistiques du gouvernement général de l'Algérie mentionnent 25.000 enfants scolarisés en 1900, 53.000 en 1914 pour arriver difficilement à 87.000 garçons et 17.000 filles en 1938 sur une population de 6 .200.000 algériens. soit un taux de scolarisation de 6,2% et cela 40 ans après le début du 20ème siècle !

En 1938 il y avait aussi 1.000.000 d'enfants illettrés par manque de locaux et d'enseignants autrement dit sur plus de 1.100.000 enfants scolarisables (un sixième de la population) il y en avait seulement 100.000 qui le furent soit 0,06 %.

Ce qu'il y avait de paradoxal c'est que les parents algériens étaient plus déterminés que jamais à envoyer leurs enfants filles et garçons à l'école.

La carence et un sabotage avéré répondaient à leur légitime souhait, leur soif d'apprendre, de connaître, de s'instruire donc d'évoluer davantage.

Rechercher le savoir par l'instruction publique pour les enfants, filles et garçons confondus était une forme d'évolution significative.

A la veille de la deuxième guerre mondiale et quoique ces demandes pressantes étaient anciennes, répétées et jamais satisfaites alors que les femmes en France n'avaient pas encore le droit de vote accordé seulement après celle-ci.

La condition scolaire des enfants algériens à la même époque était tout à fait significative du décalage qu'il y avait entre les promesses et les actes concrets traduisant la réalité d'une situation discriminatoire.

Si elle avait réellement existé , la volonté de réaliser une émancipation intelligente, qui restait bien entendu à définir pour rapprocher le plus possible au mieux de l'intérêt commun et bien compris les communautés, c'était évidemment par la biais d'un programme d'enseignement librement accepté par tous.

Dans ce cas il aurait intégré aussi l'enseignement des langues arabe et amazigh.

Sans vouloir regarder les réalités d'hier avec des lunettes d'aujourd'hui,

comment pouvait il être concevable de parler d'enseignement en ignorant délibérément celui relatif à la langue arabe parlée par la quasi-majorité des algériens et par le moyen de laquelle ils communiquaient avec leurs autres compatriotes berbérophones et juifs.Il aurait fallu même aller encore plus loin.

Enseigner les mérites de la civilisations arabo-musulmane et l'histoire de l'Algérie depuis ses origines berbères ,aurait permis aux jeunes européens en général et aux français en particulier de mieux connaître toutes les réalités identitaires, civilisationnelles du peuple algérien avec lequel ils auraient pu partager le même destin sous réserve d'une autre politique.

Système exécrable, le colonialisme a été partout attentatoire à la vie des individus, des peuples, à leurs cultures, leurs civilisations donc à l'histoire et à la civilisation en général.

L'histoire est une partie essentielle de la mémoire de l'humanité.

Mais alors,que fallait il penser de ce que malgré le fait de scolariser très peu d'enfants, les falsificateurs de l'histoire nous faisaient dire à l'école, comme à nos petits camarades noirs africains «Nos ancêtres les Gaulois»

Fallait il en rire ? Certes non ! Cela était aussi triste que scandaleux mais plus encore vraiment désespérant et attentatoire de nous l'imposer .Pourquoi ?

Tout simplement parce que le projet colonial était aussi un faussaire de l'histoire.

Mais cela ne nous empêchait pas d'avoir conscience de nous mêmes, de savoir qui nous étions et ce n'étaient pas de telles imbécilités, qui pouvaient nous faire changer, ni encore moins ignorer la dimension et la qualité de la civilisation arabo -musulmane et la richesse identitaire arabo-berbère de l'Algerie.

Les musulmans n'ont jamais fait commencer le monde avec la révélation de leur religion a Mohamed le prophète de l'Islam (QSSL)

Ils n'ont eu de cesse à comprendre tout ce qui s'était passé durant le millénaire

antérieur, c'est à dire en remontant jusqu'à Alexandre le grand puis, le monde depuis sa création.

L'islam a puisé dans un passé profond et extrêmement ancien.  

Les racines des dogmes et en particulier celles des religions monothéistes n'ont pas été extirpées de l'esprit religieux islamique qui s'est toujours attaché à comprendre le pourquoi et le comment des choses, l'itinéraire entre le profane et le sacré , l'antinomie entre le fétichisme et Dieu l'unique. Les relations entre Dieu et les faits de l'homme.

L'arbre des trois religions monothéistes a des racines et des branches multiples, différentes, mais elles n'en sont pas pour autant indissociables.

En soulevant le voile on découvre au moins un dogme commun et capital ; l'immortalité de l'âme et la croyance en un Dieu unique.

L'islam consacre l'effort millénaire des hommes qui ont cherché à comprendre qu'est ce que l'au-delà sans jamais perdre de vue de quoi est fait le monde au quotidien.

Les arabes intellectuellement parlant contrairement à certains autres peuples ne sont pas restés chez eux et entre eux.

Ils furent les adeptes de la curiosité désintéressée et marquée par le goût de l'exploration.

Enfermer la naissance de l' Islam et son développement dans un cadre étroit, inadapté et sans se référer aux sources lointaines et divines c'est être à côte de la question.

A ce propos l'américain LOTHROL. STODDART dans le Nouveau monde de l'Islam (traduction française édition PAYOT, PARIS) a dit :

«La diffusion de l'Islamisme est peut être l'événement le plus étonnant de l'histoire humaine. Sorti d'un pays et d'un peuple qui étaient tous deux négligeables auparavant, l'Islamisme s'est répandu dans l'espace d'un siècle sur la moitié de la terre, mettant en pièces de grands empires, renversant des religions établies depuis longtemps, coulant dans son moule l'âme des races et construisant tout un nouveau monde, le monde de l'Islam. Plus on examine cette situation avec soin, plus elle parait extraordinaire».

Si ce point de vue est en partie exact il pèche par l'absence de toute référence au passé, à l'avènement d'une morale totalement épurée, démocratique et mystique qui reste très proche de celle des deux autres religions sœurs monothéistes.

La lecture de l'Islam montre à l'évidence que l'effort immense de tous les hommes à travers les siècles n'a pas été vain pour comprendre la vie, lui donner un sens élevé, transcendant, éthique, supérieur, pratique et fonctionnel.

L'évolution de la civilisation arabo -musulmane, si elle fut fougueuse et rapide

comme l'éclair, n'a pas pour autant obéi à une unité et une régularité remarquables. S'étendant sur un immense empire, allant des bords de l'Océan Indien à l'Atlantique, occupant toute la côte méridionale de la Méditerranée, l'Espagne en passant par la Sicile ,celui ci s'était peu à peu étendu à l'époque Abbaside.

Mais si comme tous ses prédécesseurs il n'avait pas tardé à se démembrer en états et dynasties indépendants en Espagne et en Iran d'abord, son morcellement territorial et politique n'avait ni porté atteinte ni modifié l'unité morale des nombreux peuples islamiques des différents continents.

A suivre