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VIOLENCES (II)

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

DEVENIR DES VICTIMES ET PRISE EN CHARGE DES TRAUMATISMES. Essais sous la direction de Fatima Moussa-Babaci (Préface de Farid Kacha et postface de Boris Cyrulnik), Casbah Editions, 317 pages, 900 dinars



Vingt six auteur(e)s-chercheurs, quatre thèmes et 18 sujets, sans compter les lectures d'ouvrages, la postface et la préface. Fruits de recherches, de pratiques cliniques sur le traumatisme et d'expériences en lien avec des moyens de prise en charge et d'interventions entreprises sur les plans institutionnels et associatifs en Algérie.

Dans une première partie, le passé et le présent forment une trame où l'atteinte traumatique est profonde et douloureuse. En Algérie, mais aussi au Cambodge avec le génocide commis par les Khmers rouges... Tout un travail d'élaboration du traumatisme pour atténuer le vécu de la souffrance et de l'horreur... la contestation pacifique avec le Hirak, entre autres, pouvant resserrer le lien social si précieux, distendu, cassé

Dans la seconde partie, c'est la parole des femmes victimes de violences qui s'exprime. En Algérie (durant la guerre de libération), au Rwanda... et, aussi, chez les migrants clandestins... Et, la résilience comme levier thérapeutique.

Dans la troisième partie, la santé mentale est questionnée dans ses liens avec l'activité des associations et des institutions.

Quant à la quatrième partie, des travaux universitaires sont entrepris autour de la question du traumatisme. Ils décrivent tous des situations où la souffrance est présente.

A noter que dans la préface, le Dr Farid Kacha a insisté sur le fait que la prévention ne saurait se réduire à la prise en charge précoce des victimes et leur accompagnement pour éviter les évolutions néfastes et leur impact sur l'avenir du traumatisé et sa famille... Il ne suffit pas de condamner la violence dans toutes ses expressions pour s'en prémunir. Le devoir de prévention et de vigilance doit être permanent et relever de chaque citoyen.

Dans sa postface, Boris Cyrulnik note que la lecture de l'ouvrage lui a permis de voyager dans les mondes mentaux des habitants de ce pays si souvent traumatisés et pourtant désireux de créer une autre culture à partager.

Les Auteurs : Farid Kacha/Fatima Moussa-Babaci/Anas Bahmed et Nadia Beddad/ Nassima-Nassiba Ouandalous et Lamia Tadala/Op Vanna et Odette Lescarret/ Dalila Samai-Haddadi/ Liliane Daligand/Zina Mouheb/Dan Schurmans/Ouarda Bougaci/Fadhila Boumendjel Chitour et Dalila Iamarene Djerbal/Nourreddine Khaled/Sabrina Gahar, Souhila Zemirline et Nadia Braoui/ Eugène Rutembesa/ Michèle Vatz-Laaroussi/ Mohamed Chakali et Achour Ait Mohand/Dalila Zouad/Elaine M.Costa Fernandez et Sidclay Bezerra de Souza/Ourida Belkacem/Nassima Ali Toudert-Slimani/Boris Cyrulnik

Sommaire : Préface/Introduction générale/Première partie :Travail de mémoire, transmission du traumatisme et devenir/ Deuxième partie : Culture, psychothérapie et résilience/ Troisième partie : Santé mentale et reconstruction. Travail des institutions et des associations/Quatrième partie : Souffrance, détresse et syndrome post-traumatique. Etudes et recherches/Cinquième partie : Lecture d'ouvrages (3)/Postface/Annexe.

Extraits : «Notre pays a une longue histoire traumatique et une courte existence (...) C'est au cours des années 90 que notre pays a brutalement été confronté à la réalité du psychotraumatisme» (Dr Farid Kacha, préface, p16), «L'Algérie, terre endeuillée, ne cessera peut-être pas d'écrire de nouvelles pages aux annales des histoires traumatiques vécues par son peuple, tant que le silence autour des drames qu'elle a connus plane encore, embrouillant toute visibilité d'un futur serein. L'absence de mots et de sens autour de ces événements violents (note : décennie noire) constitue un autre traumatisme que le traumatisme originel, car il inflige la non-reconnaissance de ce dernier, source de sentiment d'injustice et de désir de vengeance» (Anas Bahmed et Nadia Bedad, p 41), «Au moment où les Etats-Unis comptent plus de 152 centres de prise en charge médico-psychologique au profit de leurs anciens militaires, l'Algérie n'a encore conçu aucune infrastructure pour cette population , hormis les hôpitaux centraux qui ne comptent tout au plus qu'un service de psychiatrie» (Sabrina Gahar, p261)

Avis : «Un travail d'une grande utilité à tous les soignants et les responsables du pays, mais également à toutes les personnes intéressées par les approches humanitaires confrontées aux souffrances des populations victimes de violences sous toutes leurs formes» (Dr Farid Kacha), «Un livre nécessaire» (Dr Boris Cyrulnik)

Citations : «Il est tout à fait clair que ce qui anime le Hirak est d'ordre psychologique puisqu'il s'agit de désirs de liberté obéissant à des stratégies mettant en œuvre des conduites psychologiques (Samai-Haddadi, p 72) «Pourrait-on vivre sans violence ? La réponse est «oui», c'est ce qu'on espère. Sans violence, pourrait-on faire du social ? La réponse est «non», ce qui nous désespère» (Boris Cyrulnik, postface, p 315)

«La violence est une tentation pour ceux qui désirent imposer leur loi. La paix est une aspiration pour ceux qui aspirent à vivre simplement, le mieux possible (Boris Cyrulnik, postface, p 315)



La violence sociale en Algérie. Comprendre son émergence et sa progression. Essai de Mahmoud Boudarene (Préface de Fadhila Boumendjel et Dalila IamareneDjerbal). Editions Koukou, Alger 2017, 500 dinars, 126 pages (Pour rappel. Déjà publiée. Extraits)



«La violence est devenue ordinaire dans notre pays. Elle est, depuis plusieurs années (Note : en fait, beaucoup plus), en progression constante et s'est emparée du corps social pour devenir structurelle». C'est clair, net, précis et... dramatique. Tragique même, puisque «l'autorité ne constitue plus, de toute évidence, un obstacle au passage à l'acte.»

Mais, pourquoi et comment ?

L'auteur ne va pas se contenter de présenter la situation présente à travers bien des exemples : la vie dans les cités, le règne de la hogra et de l'indignité, l'état psychique des sujets, la criminalité, les enlèvements et assassinats d'enfants, les violences faites aux femmes... Il remonte aux sources principales du mal : à la période coloniale et à la guerre d'indépendance, aux évènements majeurs comme le Printemps berbère (chapitre assez long au demeurant et assez politique), et la décennie rouge, celle des années 90 et du terrorisme.

Il dévoile, enfin, quelques pistes pour combattre la violence. En insistant, tout particulièrement, sur le rôle (pédagogique) des médias et des réseaux sociaux. Puisse-t-il être... lu... et entendu... par les violents et les non-violents et, surtout, par ceux qui «gèrent» le phénomène !

L'Auteur : Psychiatre, Docteur en Sciences biomédicales, ancien député (2007-2012), déjà auteur de deux ouvrages («Le stress, entre bien-être et souffrance» en 2005 et «L'action politique en Algérie, un bilan, une expérience et le regard du psychiatre» en 2012)

Extraits : «La femme -de plus en plus présente dans l'espace social - est la victime «privilégiée», le bouc émissaire de la violence sociale» (p 13), «Le régime qui dirige le pays depuis l'indépendance a hérité de la brutalité des forces coloniales françaises et a fait sienne sa férocité «(p 14) , «Le discours religieux a interdit chez les sujets - qui se sont engagés dans cette violence (note : celle des années 90 et du terrorisme)- toute forme de sensibilité et d'empathie envers les victimes. Les meurtres collectifs, qui s'en sont suivis, ont pris l'aspect de rituels sacrificiels. Ils ont été exécutés sans état d'âme et dans une atmosphère déshumanisée (p 41), «L'allégeance a changé de maître ; ce n'est plus tout à fait au Fln, tout seul, qu'elle est due. Il partage, il sous-traite mais il continue d'abuser de son pouvoir. La légitimité historique est encore son alliée objective» (p 123)

Avis : Un ouvrage non académique ou universitaire. Non de sociologie ou d'anthropologie... de réflexion et d'observateur. Un mélange harmonieux (compréhensible par tout lecteur) de raisonnement médical et de pratique politique.

Citations : «Un Etat qui tourne le dos à la justice ne peut garantir la paix» (F.Boumedjel-Chitour et D. Iamarene-Djerbal, préface, p 11), «Le pardon ne se décrète pas. Il est la propriété exclusive des victimes» (p 45), «La souffrance apparaît quand l'individu a le sentiment qu'il a perdu l'initiative sur son existence et quand, malgré sa compétence, il ne peut ni faire de choix ni agir» (p 53), «Un peuple informé, éduqué, est un peuple cultivé, civilisé, apaisé» (p 116)