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![]() ![]() ![]() ![]() Dans
sa contribution dans le Quotidien d'Oran du samedi 02 août 2025 intitulée
"De la bio psychiatrie à la phénoménologie psychiatrique", une contribution
philosophico-médicale éminemment humaine, le Dr Abdelkader Benarab
y disait entre autres "l'orientation thérapeutique est soumise à la
relation du soignant à son patient dans une mutualité d'égards sur la base d'un
protocole déontologique". Il résume plus loin:
"Cette attention particulière est l'Empathie". Je me suis permis de
relever ces deux remarques de cet admirable et précieux article qui m'a
particulièrement ému par une sorte d'émotion à la fois scientifique,
thérapeutique, et surtout très humaine. Emu parce que cette contribution si
généreuse a coïncidé avec mes rencontres occasionnelles avec des situations de
détresses devenues parfois irréversibles faute de cette empathie. L'absence
d'un sentiment qui peut détruire le cours d'une vie.
Car beaucoup de thérapeutes oublient ou omettent par lassitude ou négligence que derrière chaque détresse il y a un être humain où dans le magma de sa vie bouillent d'innombrables questionnements irrésolus qui attendent une simple écoute. Etre entendu... être écouté, car toute guérison passe par le respect et la dignité. Par une simple écoute. Être respecté et écouté rend fort dans ce combat contre l'infortune. Eddenya ghaddara dit-on. La vie est cruelle. Avec une cruauté à plusieurs facettes : vieillesses abandonnées, faillites économiques, divorces brutales, maladies, échecs, chômage, trahisons, etc. Des échecs et des séparations avec des répliques sur les équilibres sur la santé, sur les enfants, les parents, la famille, le travail... les uns plus durs que les autres... Mais que faire ? Comment et où panser ces blessures du corps et de l'âme ? La religion ? La médecine ? Le paranormal quand tout s'est avéré inefficace ? Que faire aussi quand tout ce qui relève du psychique est tabou. A la moindre dépression et on est sans pitié traité de mahboul. Flen hbel. Comme si tous ceux qui fréquentent assidument les psys en Europe sont des fous. Mais chez nous si certains ont la chance de trouver des réconforts chez les proches et les amis qu'adviendra-t-il de tous les autres ? Car si tout peut arriver dans la vie, les destins diffèrent et la plus dure peut-être des destinées reste certainement celle de cette solitude dans la détresse. Une solitude qui entraine cet abandon de soi dans la dérive, vers les abysses de ce mauvais temps ?? De tout temps l'homme a cherché à courir derrière des instants de paix bravant le fait établi que les joies, les peines et les chagrins ne relèvent que d'un mystère appelé destin, el mektoub. Il s'est demandé comment choisir dans le cours de sa vie ? Quelle était la part de sa liberté et celle du sort qu'il subit. Beaucoup de gens ont cru bien faire et l'ont regretté. Beaucoup ont pris la route pour un voyage mais ne sont jamais arrivés. Nous décidons de prendre le chemin vers une destination mais nous ne savons pas ce qui va nous arriver en cours de route. Nous rendant ainsi à l'évidence que notre liberté en tant qu'humains est partielle. L'inconnu appartenant incontestablement a Dieu, car la vie exige certainement sa part d'incertitude pour valoir d'être vécue. Mais pourquoi exposez-vous cette philosophie de la vie me diriez-vous ? Je vous répondrai alors que l'humanité de ce thème a réveillé en moi des constations de choses vécues soit personnellement, soit en témoin de la vie courante. Témoin impassible de bonheurs fugaces, de chagrins, de larmes de joies et de peines... de chagrins aussi. Avec des degrés différents de résignation ou de révolte. Par exemple d'un ami qui a un enfant autiste. Un enfant qu'ils aiment. Dont ils ont tout fait pour améliorer son équilibre. Très souvent en vain. Mais dans un courage inimaginable. Témoins aussi d'autres devant d'autres défis qui se sont inclinés par épuisement et ont perdu pied. Si dans une société certaines malchances sont parfois cachées dans le secret des familles, beaucoup échappent à cette omerta et se manifestent dehors. Dans les hôpitaux, dans les cabinets médicaux ou de psychiatrie et même par désespoir chez les rokay pour enfin finir dans la rue. Ceux dans la rue sont l'expression ultime de la désespérance. Les gens passent à côté d'eux ou les côtoient sans parfois percevoir leurs douleurs. Ils sont là dans les familles, chez les voisins ou dans le décor de la vie quotidienne. Chacun d'eux a basculé dans un vide médical, professionnel, psychologique ou social... dans une route vers la déchéance... Nous savons qu'ils sont entrés dans ce monde comme dans une dégringolade à la suite d'un coup du destin... Et d'où l'en sort très rarement, surtout sans aide. Avant, dans le monde de nos anciens la rahma procurait à défaut d'une assistance organisée comme aujourd'hui, une forme de réconfort mystique. Chaque quartier était d'abord une haouma. Une haouma comme espace de solidarité, d'entraide et de générosité. Une notion sociale propre à nous. Où le chagrin était soutenu et la joie partagée. Il y avait les jeddatt, les khallatt, les ammatt... les fêtes de mariages étaient simples et surtout authentiques. Les décès subis par toute la haouma. Les amis étaient des frères. On ne fumait pas devant les aînés... c'est dire... Aujourd'hui tout cela est parti... la solitude erre. Proliférant les drames. Elle règne d'abord dans le socle de toute société qu'est la famille, dans la rue, dans les mains de tout un chacun. Chacun y est pourvu dans son coin. Vivant seul dans une zounka appelée facebook. Accentuant la désintégration de la haouma et de la famille. Et proliférant telle une épidémie virtuelle qui ronge l'altruisme humain. Que faut-il alors faire devant cette invasion inévitable ? D'abord changer de vision... redéfinir la notion de thérapie pour la rapprocher davantage de l'âme que du corps, s'éloigner du superflu, et prévenir partout dans les structures sociales et médicales par une meilleure écoute du patient, rappeler surtout que derrière chacun il y avait une vie, parfois très belle... un foyer heureux, une douce famille... un avenir de jeunesse radieuse... une santé florissante. Et que soudain tout s'est écroulé par une succession insaisissable d'événements. Dire partout que toute sauvegarde ne passera que par l'adhésion de toute la famille, toute la société. Avec cette fameuse empathie. Dans les foyers, dans les mosquées. Car ces drames d'ordre sociétal relèvent de la rahma. Une rahma naturelle, spontanée humaine au-delà de toute structure organisée. Et surtout à chaque fois que vous passez devant une souffrance dans quelque lieu que ce soit sachez que vous êtes en face d'une désespérance humaine. Un câlin aux parents, un mot doux, un sourire, une bouteille d'eau offerte, un petit gâteau, ou même parfois une petite conversation n'ont pas de prix pour celui qui se sent seul. Combien de fois vous est-il arrivé dans un moment de fléchissement psychologique et de retrait, dans un moment où votre ciel s'est assombri, dans un moment où vous vous sentiez affreusement seul(e), abandonné(e) revivre soudainement devant la main tendue ou le sourire affectueux d'un parent ou d'un ami ? Ce réconforte vous retire de la noyade et vous fait renaitre à la vie comme si une étrange énergie s'est enclenchée pour vous ramener en terre ferme... Les sentiments chez l'homme comme dans l'énergie aérodynamique alternent entre le positif et le négatif dans une alchimie humaine encore inconnue par les chimistes... Alors faisons en sorte que ce soit cette énergie positive qui nourrisse tous les bons sentiments chez l'homme... et considérons tous les êtres souffrants comme des êtres humains qui nous tendent la main pour les sauver de cette noyade... Réconfortons avec notre empathie dans nos familles, chez nos amis et nos voisins, et chez tous ceux qui souffrent, par des gestes ou des paroles simples qui ne coûtent rien, à vivre un tout petit instant de bonheur... |
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