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Algériennes de mère en fille. Roman de Hind Soyer. Casbah Editions, Alger 2024, 236 pages, 1300 dinars Elle est née à (Colomb-)Béchar, alors coupée en deux (une « moitié d'un blase emporté dans leurs valises par les colons déchus en 1962 ») aux portes du désert algérien, d'un père qui a vite abandonné la maman... et l'enfant. Heureusement, il y a, plus de 827 km plus loin, Alger où habitent au centre-ville, dans un bel et grand appartement, des arrières-grands- parents déjà très âgés qui vont l'élever et la chouchouter. Elle découvre, peu à peu (et c'est ce qu'elle nous raconte), le déroulement de la vie de la famille...: ses origines, la solidarité, les carrières, les heurs et malheurs, l'école, la réappropriation de la langue, les études et surtout la guerre de libération nationale avec ses femmes courage de la Bataille d'Alger dont des parents, les Lakhdari (surtout les iconiques Samia et sa maman), les Hassani et les Boutaleb. Une lignée qui remonte à l'Emir Abdelkader. En fait, nous avons là une bonne et belle de l'Histoire de l'Algérie contemporaine racontée aux descendants de manière en apparence anecdotique, à travers des moments et des évènements clés, mais très instructifs et facilement retenus. Dits et transmis avec une certaine retenue, chaque étape étant importante dans la vie de la Nation. Sans condamner. Sans louer. C'est aussi, racontée avec une pointe de nostalgie, ce que fut la vie trépidante à Alger (et en Algérie) des années 60 et 70... et sur les espoirs déçus. Partie importante, mais peut-être un peu trop car déséquilibrant l'économie générale du texte, la partie réservée à « l'Algérie de Kheira » et à l'épopée de l'Emir Abdelkader. L'Auteure : Née à Béchar. Ayant grandi entre l'Algérie, la France et le Brésil. D'abord ingénieure agronome puis professeur des écoles (en France). Quatre enfants. Déjà auteure d'un roman (« Née Enfant du Diable », en 2021) et d'un recueil de nouvelles (« Les Intraitables », en 2023). Table des matières : L'Algérie de Hind (8 chapitres)/ L'Algérie de Samia (8 chapitres)/ L'Algérie de Kheira (9 chapitres/ L'Algérie d'Aurore (1 chapitres) Couverture : uvre de Paul Klee (Fairy Tale, 1929) Extraits : « En cette année 1405 de l'Hégire, l'Algérie et moi sommes en pleine adolescence. La liberté n'attend que nous, mais elle ne trouve personne. Comme si on l'avait mise à la porte à coup de pieds aux fesses en lui demandant de se démerder. Elle tambourine à la porte du pays et observe, désolée, le vide, la pénurie » (p 43), « Lorsque je me sentais algérienne, elle (note : la peau) me rappelait que je n'en avais pas la posture .Quand je lui disais que j'étais française, elle prenait possession de moi » (p 49), « Je porte un prénom à la sonorité de l'Orient. Sur mon identité, rien ne me rattache à la France et à son Histoire que je connais. Sur mon identité, tout me rattache à l'Algérie et à son Histoire dont j'ignore presque tout » (p64), « Quinze mille chrétiens damascènes auront la vie grâce à lui (note : L'Emir Abdelkader)... De nombreuse médailles reconnaîtront ses mérites : la grande croix de l'Aigle Blanc de Russie, celle de l'Aigle Noir de Prusse, celle du Sauveur de Grèce, le Medjidié de première classe de la Turquie, le grand cordon de la Légion d'honneur de la France, celui de la Sardaigne et de l'ordre du pape Pie IX du Vatican » (pp 226-227), « Nos aïeux nous ont fait découvrir des tempêtes dévastatrices, mais aussi des clairs de lune enchanteurs. Ils nous ont plongées au plus profond de leurs émotions et, avec eux, nous avons pleuré, nous avons ri et sommes allées jusqu'à pleurer de rire et rire à en pleurer. Il persiste des zones d'ombre dans l'histoire de nos ancêtres, sur lesquelles nous ne pouvons qu'esquisser des hypothèses au gré de nos envies. Nous ne connaîtrons jamais la raison de cette peur... » (p 233). Avis - Une belle et bonne écriture de l'histoire contemporaine du pays si originale et si attractive pour ne pas dire succulente (Pédagogie quand tu nous tiens !), ... malgré quelques (rares) jugements à l'emporte-pièce de certains moments. Une manie -pardonnable- de bien de nos écrivains « exilés » qui émettent des critiques politiques en veux-tu, en voilà. Heureusement un certain humour fait passer les pilules. A lire absolument. Citations : « Je viens de découvrir qu'ils ne sont pas d'accord, ceux qui habitent de part et d'autre de l'eau, au sujet de l'organe des émotions. Du côté du plus froid, il s'agit du cœur, tandis que, du côté le plus chaud, du foie » (p24), « Dans l'Algérie française, on ne supplicie plus uniquement dans les caves de sinistres villas. Les sévices sont servis à domicile, au vu de tous » (p128), « L'Histoire n'est qu'un éternel recommencement. Les décors et les acteurs changent, c'est tout. Il en a toujours été ainsi » (p177), « En politique, les décisions du cœur y ont très peu de place » (p 181), «Ne demandez jamais quelle est l'origine d'un homme. Interrogez son courage, ses qualités et vous saurez ce qu'il est. Si l'eau puisée dans une rivière est saine, agréable et douce, c'est qu'elle vient d'une source pure » (L'Emir Abdelkader cité, p 234). Derrière les larmes de ma grand-mère. Récit de Ferroudja Ousmer (préface de Daho Djerbal). Koukou Editions, Cheraga Banlieue, 2021, 124 pages, 600 dinars (Fiche de lecture déjà publiée le 3 janvier 2022. Extraits pour rappel. Fiche complète in www.almanach-dz.com/société/bibliothèque dalmanach) Une autobiographie ? Pas totalement puisque s'y mêlent la mémoire et l'histoire, individuelle et collective à la fois. C'est une histoire racontée à travers celle de Lolodj... qui vouait une admiration sans bornes à sa grand-mère Yaha. Yaha est aux Ath-Yenni ce qu'est mémé aux Français. Un bout de femme pas plus haute que trois pommes ; si petite, si blanche... au regard chargé d'une ombre de mélancolie ne la quittant jamais... En fait, elle portait bien des douleurs et des déchirures, les fantômes du passé, un pénible vécu, une indépendance conquise par le sang, la hantant sans cesse. C'est aussi une histoire racontée à travers les vies des membres de la famille (dont l'un d'entre-elle fut un héros, le commissaire Ousmer, qui avait « retourné » et exploité, au bénéfice du Fln/Aln, durant la guerre de libération nationale, l'opération colonialiste des services psychologiques français, dite « Oiseau bleu » qui avait permis l'équipement en armes et munitions la zone 3 alors commandée par Krim Belkacem.) C'est, enfin, le récit de vie de l'écrivaine, au départ jeune fille luttant à sa manière (dont les études réussies en économie) pour se construire une vie émancipée (...) L'Auteure : Née en 1955 à Ath Yenni. Enseignante d'économie au lycée Amirouche durant 25 ans (...) Table des matières : Préface/ Introduction/ 14 chapitres Extraits : « Maudite société patriarcale ! Respectueuse des aînés aux vues parfois étroites, incapables de s'asseoir sur leur virilité, même dans les moments les plus cruciaux !(...) Maudite, cette tradition scélérate qui maintient la femme sous le joug de son père, de son frère ou de son homme ! » (p39), « Ces aïeux avaient le sens du verbe, ils en usaient et en abusaient pour distiller à leur progéniture une horrible culpabilité qui freinerait un éventuel envol. Ils savaient s'y prendre pour vous assurer de ces paroles vitriolées qui vous brisent les ailes, vous réduisent à néant: pouvoir des mots qui maintient la progéniture mineure à vie » (p43) (...) Avis - «Une vraie leçon de choses sur la Kabylie des Ath Yenni» (Daho Djerbal) Citations : « L'histoire d'Algérie, finalement, est émaillée d'histoires singulières. N'est-ce pas les petites histoires mises bout à bout qui font la grande Histoire» (p 21), (...), « Tout doit rester en dedans ; souffrir en silence, rester digne. C'est ça une vraie femme kabyle ! Ne pas se lâcher même dans ces circonstances atroces, le self-control est de mise » (p57). |
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