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Le bon grain et l'ivraie

par Belkcacem Ahcene-Djaballah

Je n'ai pas encore bien compris tout le remueméninges médiatique à propos d'un simple remaniement ministériel, pourtant annoncé comme «simple «. Généralement, dans la plupart des pays développés, ledit remue- méninges est surtout politique, au sein du monde des partis et des militants, les citoyens étant plus préoccupés par leur gagne-pain quotidien que par les gymnastiques politiciennes et journalistiques.

Souvenirs, souvenirs ! Chez nous, par le passé, un remaniement au sein d'un gouvernement n'était souhaité (et attendu avec impatience) que pour ses effets sur la carrière des jeunes fonctionnaires et cadres que nous étions : une autre organisation du travail faisant sortir de la routine, (au sein de l'Administration alors naissante et qui en avait toujours besoin, cependant bien que moins qu'aujourd'hui), une promotion qui améliorerait l'ordinaire, peut-être. Il est vrai que pour tout le reste, «unité de pensée et d'action obligeant «, il y avait des «responsables « qui «décidaient « si hauts placés, si inatteignables et respectables donc respectés. D'accord ou pas d'accord avec eux, point barre !

Aujourd'hui, et tout particulièrement depuis le début des années 2000, les choses ont é (in ?) volué. Autres temps, autres mœurs ! Il est vrai que l'atmosphère a changé, amenant, avec elle, des bouleversements dans les comportements des fonctionnaires et des cadres. Le politique (et il foisonne) n'est là que comme manipulateur s'il participe au pouvoir et comme observateur et (surtout) comme critique s'il est dans l'opposition. Il est vrai aussi que le nombre désormais important de diplômés a rendu de plus en plus difficile le tri des compétences d'autant que, bien souvent, l'ivraie a pris le dessus sur le bon grain, surtout lorsqu'on sait que la première est plus «bon diseuse « (la télé aidant à donner le change, les décideurs étant sensibles aux apparences et aux amitiés) que «bon faiseuse «. Il est vrai aussi que la gestion économique, sociale et politique est devenue encore plus difficile, la «mondialisation-globalisation « des activités rendant plus complexes les équations à résoudre, ceci étant aggravé par le passage d'une «économie dirigée « opulente -donc facile à gérer- à celle d'une «économie néo-libérale «, toujours «dirigée « en sous-main, mais aux moyens financiers qui se raréfient, et virussée par la corruption, donc extrêmement difficile à gérer. Au final, aujourd'hui, pour beaucoup de nouveaux «cadres «, peu importe ! L'essentiel est d'en être chacun, de celui bardé de diplômes (la préférence allant à l' «énarque «) au simple parkingueur, pense et veut en être. Être ministre ou Pdg ou Directeur exécutif de n'importe quoi, pourquoi pas ? Tant il est vrai que, bien souvent, la fonction a été confiée plus à des «brasseurs « de belles paroles qu'à des managers efficaces.Il est vrai, par ailleurs, qu'il y a des parkingueurs de circonstance, en tout cas très bons gestionnaires de leur surface d'intervention, car bien que diplômés universitaires, ils se trouvent réduits au chômage.

Avant-hier, les postes étaient confiés à des anciens combattants ou supposés l'avoir été (il y a encore quelques rares «restes« qui s'agrippent aux fauteuils), l'engagement politique (révolutionnaire !) primant sur toute autre considération. Hier, seule la fidélité à une personne bien plus qu'à une idée a compté. Aujourd'hui, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur les critères des choix d'hommes chargés de manager (plus économiquement que politiquement) des secteurs parfois stratégiques nécessitant plus de savoir-faire que de savoir-dire ou de savoir-être. Et, surtout de s'interroger sur les va-et-vient organisationnels qui donnent, au peuple, une image dépréciée de la chose publique et aux contempteurs habituels du «système « du «grain à moudre «.A votre serviteur aussi !