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Retards, blocages et fausses informations de l'administration: Tebboune accuse des «forces d'inertie» de provoquer la «contre-révolution»

par M. Mehdi

Lors de son discours d'ouverture de la (2e) rencontre «gouvernement-walis», le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, est sorti plusieurs fois de la version écrite sous ses yeux pour fustiger des «forces d'inertie» qu'il accuse d'être responsables des «retards» et des «blocages» au sein de l'administration, dans l'exécution des décisions prises, ainsi que des «fausses informations» et autres «rapports falsifiés» qui lui parviennent.

Son discours écrit était plusieurs fois émaillé d'allusions à des «forces» qu'il accuse d'œuvrer «contre la stabilité du pays» et de «parvenir à une situation de chaos dans le pays», allant jusqu'à faire état de «complicités au sein de l'Administration» et de promettre que les «enquêtes en cours», dont il a refusé de donner les détails, ne «s'arrêteront pas à ce niveau». Abdelmadjid Tebboune a rappelé que cette «deuxième rencontre» gouvernement-walis est appelée à faire une «évaluation» de celle du 16 février 2020 qui avait abouti à «l'élaboration de plus de 130 recommandations». Une évaluation dans le sens de «restauration de l'intégrité de l'Etat», d'apporter des réponses au «vécu des citoyens» dans les «zones d'ombre», de «réduire les inégalités sociales» et «d'équilibrer le développement entre les régions». «Nous sommes là pour l'évaluation de ce qui a été fait pendant les six derniers mois. Nous sommes là pour comprendre pourquoi l'opération de numérisation a été retardée localement, pour enlever le flou qui entoure la gestion publique, et pour éviter les soupçons sur les objectifs. Des questions qui ne demandent pas seulement des explications mais des solutions pour récupérer le retard enregistré», a déclaré le président de la République. Pour M. Tebboune, ces solutions doivent se baser aussi sur l'intégration de «société civile» comme «premier allié» pour «l'édification de l'Etat». Il a appelé à accorder «toutes les facilités» aux associations pour les aider à s'organiser davantage. « J'exige, pour la énième fois, qu'on associe la société civile et à l'aider à s'organiser au niveau national, régional ou local» pour exercer son rôle «dans la résolution des problèmes quotidiens des citoyens».

Une «contre-révolution»

Evaluant ce qui a été fait depuis la rencontre du 16 février, le président de la République note que «la plus grande partie de ces six derniers mois a été consacrée» à la «lutte contre le coronavirus», un «problème inattendu».

Précisant au passage que «quatre walis sont (actuellement) touchés par le Covid-19». «Mais, malheureusement, dans certaines wilayas, nous n'avons pas perçu des efforts dans cette lutte, ni dans l'amélioration des conditions de vie des citoyens», ajoute-t-il, estimant que «cette situation est due au fléau de l'attente des directives».

Sortant, encore fois, de son discours écrit, Abdelmadjid Tebboune dénonce des «comportements» de certains responsables locaux (sans les désigner) qui, selon lui, s'adonnent à du «cinéma» et font de la «comédie» devant les caméras de télé. Il cite l'exemple, sans préciser le lieu exact, d'une délégation officielle qui «inaugure devant les caméras la mise en place d'un compteur d'eau», qui «signifie approvisionnement en eau des citoyens» et que, «dès le départ des officiels», «il n'y a plus rien», dénonce-t-il.

«Ce jeu doit s'arrêter»

Pour Tebboune, ces «actions» s'apparentent à du «sabotage», les assimilant aussi à la «poursuite des actions de la 3issaba». «Ce jeu doit s'arrêter. Ce cinéma doit s'arrêter», a-t-il averti, estimant que la prise en charge des «zones d'ombre» ne signifie pas forcément lancer des projets gigantesques d'adduction à l'eau potable ou l'introduction de l'électricité, mais des solutions intermédiaires, comme «installer des citernes d'eau» et des «systèmes d'électricité solaire», pour améliorer le quotidien des citoyens de ces régions. «Parfois, il s'agit de blocages volontaires», affirme-t-il, précisant que les «personnes suspendues», allusion aux fins de fonctions prononcées contre un certain nombre de responsables locaux, dont des présidents d'APC, ce n'est qu'un «début» et qu'un «processus» sera lancé pour «exiger des comptes», via des enquêtes, à ceux qui ont montré de la «passivité» en matière de prise en charge des préoccupations et des problèmes des citoyens dans les zones d'ombre.

Tebboune a également dénoncé des «rapports falsifiés» et des «fausses informations», les qualifiant de «traîtrise». «On ne peut plus continuer à gérer comme si rien ne s'était produit depuis deux ans dans le pays», a-t-il déclaré, faisant allusion au mouvement populaire du Hirak. Parmi les exemples cités hier par Abdelmadjid Tebboune à propos des «décisions non appliquées», celles prises dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Il s'agit des aides prévues pour les «personnes sans revenus» et les primes accordées aux personnels du secteur de la santé. «Ces décisions n'ont pas été appliquées pendant trois mois. Qu'est-ce que cela veut dire ? Sommes-nous devant une contre-révolution ?» s'interroge-t-il, promettant que les enquêtes sur ces «dysfonctionnements» ne «s'arrêteront pas ici». «Nous politisons peut-être beaucoup les choses, mais il y a des forces d'inertie, des gens de «takhlat» (qui veulent créer le chaos, ndlr), et des complicités à l'intérieur de l'administration», a-t-il dénoncé.

«Conscient des difficultés»

Modulant son discours, après cette série de critiques, Abdelmadjid Tebboune affirme cependant, s'adressant aux walis, qu'il a conscience des «difficultés que vous rencontrez», énumérant les effets de la crise du coronavirus, dont la «réduction des activités économiques» et des «comportements» dus à la «crise éthique» sous lesquelles «s'est développé l'argent sale». «Mais je sais que vous êtes capables de gérer la situation», leur a-t-il affirmé, et les assurant d'une «volonté sincère d'en finir avec les pratiques du passé». Les walis et l'ensemble des responsables locaux sont appelés à instaurer avec les citoyens un «dialogue», synonyme de «garantie de sécurité et de stabilité». «Certains veulent déstabiliser le pays», dit-il, pointant du doigt des «forces connues». «Parfois, notre attitude a laissé entendre aux citoyens qu'il doit se défendre tout seul. Le laissant comme une proie facile à l'argent sale et aux manipulateurs.

Le citoyen, Allah ghaleb 3lih, les rumeurs lui présentent les gens qui ont été mis en prison comme des victimes. Vous devez être à l'écoute des citoyens et de la société civile», dit-il encore. Pour le Président, le pays a vécu des «situations douteuses durant les dernières semaines». Il a cité le «phénomène de la violence dans les quartiers», n'écartant pas la possibilité que certains «peuvent être manipulés» alors que d'autres «ont des racines profondes».

Il s'interroge sur les raisons des coupures d'eau «le jour de l'Aïd El Adha», ainsi que les pannes d'électricité, mais aussi le manque de cash dans le circuit d'Algérie Poste. Pour le président de la République, il ne fait aucun doute qu'«il y a conspiration». «Les enquêtes sont en cours», à ce sujet. Citant «40 milliards (de centimes) de retraits de cash pour une seule personne» dans un bureau de poste à Alger et un «vieux de 111 ans qui fait des retraits deux fois par semaine». «Certains mouvements de protestation sont voulus et programmés.

Des gens veulent revenir en force. C'est un rêve. Le peuple est sorti dans la rue. Personne ne pourra l'arrêter», affirme Tebboune, estimant que «80% des Algériens remercient Dieu pour la paix civile». «C'est nous ou ce qui reste de la 3issaba. Il n'y a pas de retour en arrière», dit-il encore, dénonçant «d'anciennes pratiques» de désignation de responsables «par la chkara» (argent sale, ndlr) ou «autour d'un verre». S'adressant à ces parties, il affirme que la «porte du repentir est ouverte», leur demandant : «Pensez à vos enfants».

Les urgences de l'heure

A la fin de son intervention, Abdelmadjid Tebboune affirme que la «prise en charge des préoccupations de développement local est urgente». Il a réclamé, «à partir de samedi prochain», des «informations quotidiennes de la situation» locale, notamment en matière de crise sanitaire. «Et s'il faut revenir au confinement, on reviendra», dit-il tout en recommandant que les «décisions doivent être prises dans chaque wilaya en cas de recrudescence des nombres de cas de contamination». Le gouvernement et les walis sont également appelés à «se préparer à la période du référendum (constitutionnel)», affirme le président, sans toutefois annoncer une échéance précise.

«Le peuple doit choisir entre le changement profond de la Constitution ou maintenir l'actuelle loi fondamentale», dit-il. «Les gens qui veulent encore une «période de transition» c'est fini, il n'y a pas de marche arrière», a-t-il ajouté. A propos de la révision constitutionnelle, Abdelmadjid Tebboune a précisé : «Nous en sommes encore à récolter, article par article, les propositions de tout le monde (partis, personnalités, syndicats...)». Selon lui, un document portant ces propositions sera publié.