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Al-Sissi menace d'intervenir: La situation au bord de l'explosion en Libye

par R. N.

Le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a prévenu samedi que toute avancée des forces du Gouvernement d'union nationale (GNA), soutenues par Ankara, vers la ville stratégique de Syrte, en Libye, située à plus de 1.000 km des frontières égyptiennes, pourrait mener à une intervention «directe» du Caire. Cette déclaration intervient le jour même de la visite, à Alger, du chef du GNA, Fayez al-Sarraj qui a rencontré le Président Abdelmadjid Tebboune.

Les forces loyales au GNA, basé à Tripoli et reconnu par la Communauté internationale, ont engrangé d'importantes victoires depuis début juin, reprenant le contrôle de l'ensemble du nord-ouest de la Libye, aux troupes du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'est libyen, soutenu par l'Egypte, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes et la Russie. Les forces du GNA restent, néanmoins, freinées dans leur avancée vers la ville côtière de Syrte, sous contrôle du maréchal Haftar. Syrte et Al-Joufra plus au sud, représentent une «ligne rouge», a averti Sissi, lors d'un discours retransmis à la télévision. Si cette ligne est franchie, la sécurité de l'Egypte, qui partage une frontière poreuse avec la Libye, nécessitera une «intervention directe» des forces égyptiennes dans le pays, a-t-il déclaré. «Toute intervention directe de l'Egypte est devenue légitime, au niveau international, que ce soit au regard de la charte de l'ONU sur la légitime défense ou qu'elle se base sur la seule autorité légitime élue par le peuple libyen: le Parlement libyen, basé dans l'Est, a affirmé le président égyptien. «Si le peuple libyen nous demande d'intervenir, c'est un signal envoyé au monde que l'Egypte et la Libye partagent (...) des intérêts communs, la sécurité et la stabilité», a-t-il ajouté.

Les Emirats arabes unis ont affirmé samedi être «au côté de l'Egypte pour toutes les mesures qu'elle prend pour assurer la sécurité et la stabilité», face au conflit en Libye, selon le ministère des Affaires étrangères. Le ministère des Affaires étrangères d'Arabie saoudite a, lui aussi, manifesté son «soutien à l'Egypte quant à son droit à défendre ses frontières et son peuple contre l'extrémisme, les milices terroristes et leurs soutiens dans la région». Le GNA a réagit immédiatement, par la voix de Mohamad Amari Zayed, membre du Conseil présidentiel du GNA, qui a qualifié les propos de Sissi d' «ingérence dans les affaires (internes) et une menace grave pour la sécurité nationale de la Libye» et la «paix internationale». «Il ne peut y avoir de lignes rouges à l'intérieur de nos frontières et sur nos terres», a-t-il clamé. «Aucune partie étrangère n'aura d'autorité sur son peuple.» De son côté, Ankara, l'allié du GNA, a exigé samedi le retrait des troupes du maréchal Haftar de la ville de Syrte comme condition préalable à toute trêve. «Un cessez-le-feu doit être viable (...) ce qui veut dire que les forces de Haftar doivent se retirer de Syrte et d'Al-Joufra», a déclaré le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, lors d'un entretien avec l'AFP, à Istanbul. Ces avertissements successifs interviennent après l'invitation lancée par Le Caire et refusée, vendredi soir, par le GNA, d'assister à une réunion d'urgence sur la Libye de la Ligue arabe, dont le siège est basé dans la capitale égyptienne. Le GNA et la Turquie ont fait part de leur scepticisme, considérant l'initiative égyptienne comme une manière de faire gagner du temps au maréchal Haftar.

Ankara accuse, également, la France de soutenir Haftar. «Le gouvernement français soutient un chef de guerre illégitime», a dénoncé M. Kalin. «Malgré tout cela, ils (les responsables français, Ndlr) continuent de nous critiquer. Mais nous travaillons avec les acteurs légitimes et c'est la France qui travaille avec les mauvais acteurs. «Pour rappel, mercredi, lors d'une réunion en visioconférence des ministres de la Défense de l'Otan, la France avait reproché à la Turquie son comportement «extrêmement agressif» contre une de ses frégates, en Méditerranée, et martelé que l'implication d'Ankara sapait tout effort de trêve en Libye.