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Après la récente polémique concernant la réouverture des mosquées en Europe: Pourquoi le respect et l'application stricte des réglementations sanitaires

par Mohamed Mustapha Habes*

Après l'annonce de certains pays pour alléger graduellement le confinement selon les régions et contrées d'Europe, certains réseaux sociaux ont cité les déclarations de responsables de centres islamiques en Occident concernant la réouverture des mosquées et lieux de prières (ou le maintien de leur fermeture). Ainsi que la reprise de la prière collective et la prière du vendredi en cette période de pandémie.

Sachant que la plupart des pays européens ont laissé entendre que la responsabilité incombe aux directeurs de ces lieux de culte, certains ont décidé de reprendre l'ouverture graduelle avec des conditions et restrictions assez compliquées comme l'inscription des noms des fidèles sur une liste avant leur entrée dans les espaces réservés à la prière laisser leurs numéros de téléphone pour un contact en cas de contagion que l'âge des fidèles ne soit pas inférieur à 12 ans qu'ils apportent avec eux un tapis de prière personnel qu'on observe une distance de 2 mètres entre les personnes l'obligation stricte du port de masques en tissu et des gants l'exigence de faire l'ablution rituelle (woudou') chez soi l'interdiction d'utiliser les toilettes et robinets des lieux de prière la stérilisation des salles avant et après leur utilisation

Ainsi que d'autres conditions sanitaires incapacitantes, dont la négligence entraîne des amendes à payer selon l'infraction plus la non observation de la jurisprudence Islamique suite à la nuisance individuelle et collective, ainsi que l'anarchie qui régnera par cause d'entrée et sorties par deux issues différentes, et une interminable queue gênant la libre circulation des personnes et des voitures, avec le risque d'accolades avant et après la prière et le soupçon chaque fois qu'on entend un éternuement ou un toussotement, ou même une allergie pour contacter un pseudo-malade. L'obligation pour les fidèles d'apporter un tapis de prière (qu'on oublie souvent à la mosquée), avec ce qui s'ensuit comme stérilisations et hantises est une autre contrainte psychologique. Sans oublier la probabilité qu'une personne contaminée peut très bien se faufiler à l'intérieur de la salle de prière (peut-être inconsciemment) sans que personne n'ait un brin de doute, ou même dissimulant la chose, ce qui peut être source de conflits entre fidèles qui vivent déjà une période difficile.

Ce qui a poussé quelques savants musulmans et imams actifs au sein de nombre d'instances et institutions Islamiques en Europe à l'étude de cette «Calamité» (Nazila) du point de vue juridique ayant trait aux finalités des textes religieux (maqasid). Étude globale et patiente loin de tout sentiment et désir circonstanciels, guidés par compassion et bonne volonté envers leurs coreligionnaires. Conseillant leurs frères avec douceur et tolérance, comme il a été mentionné dans la déclaration du Conseil européen de la fatwa et des recherches, celui-ci et d'autres instances crédibles de par le monde qui ont aussi émis des fatwas attirent l'attention sur la nécessité de la fermeture provisoire des lieux de culte afin de barrer le chemin et limiter la propagation de la pandémie, et la nécessité pour les musulmans de prendre en considération les décisions émanant des autorités de leurs pays d'origine.

Cependant, quelques frères ont voulu exercer une contrainte sur les responsables des centres Islamiques et des mosquées pour les obliger de les ouvrir aux fidèles malgré les conséquences fâcheuses qui peuvent en résulter.

Disant que c'est Allah qui guérit et qui protège, et qu'Il nous a ordonné d'aller y prier et autres arguments non fondés. Oubliant les preuves irréfutables du fiqh musulman comme la célèbre citation du grand calife Omar:

«Nous fuyons d'une providence à une autre meilleure»

Voilà que les musulmans des Pays-Bas ont été obligés de fermer une mosquée à La Haye après que 21 de ses fidèles ont été infectés par le virus Corona.

Selon les journaux locaux, il y a eu une propagation de l'infection parmi les fidèles, après qu'ils soient venus à la mosquée pour effectuer leur prière communautaire en un groupe de 30 personnes.

Les mêmes sources ont déclaré que l'un des fidèles est décédé d'infections graves au niveau de son système respiratoire.

Si seulement ils avaient attendu quelques semaines et seraient restés prier chez eux, ils n'auraient pas été victimes de leur précipitation et leur improvisation, et n'auraient certes pas eu à subir cette peine ne serait-ce que pour faire plaisir à quelques jeunes pris d'euphorie, surtout parmi les nouveaux convertis, ou bien influencés par quelques prêches d'imams au maigre bagage de culture Islamique.

Parmi les règles d'or du fiqh islamique, comme le rappelle le Conseil européen de la fatwa et des recherches, il s'agit dans ce cas de «la fermeture des visées du mal» autrement dite l'attente pour ne pas courir le risque de contagion en s'aventurant à ouvrir les lieux de prière. C'est la règle générale: « l'interdiction du nuisible passe avant tout intérêt individuel ou collectif »

Une règle englobant tout intérêt de la communauté valable pour tous et pour chaque pays et dont on ne peut se passer dans le domaines des priorités (même pour les communautés des non-musulmans). Et l'on peut en résumer le sens comme suit:

« Le droit musulman s'intéresse plus aux interdits (manhiyyat) qu'aux commandements divins» à l'encontre de ce que croient nombre de gens. Mettre sa propre personne et celle d'autrui en face d'un danger réel ou probable, est un mal contre lequel le droit musulman a mis en garde, sans poser la question de la condition capacitaire. Par contre, la prière collective ainsi que la prière du vendredi et celles des deux fêtes (Aid) sont d'un intérêt commun (maslaha), que le droit musulman ordonne d'accomplir, mais cet ordre est lié à la capacité de chacun de le faire.

Et dans le Musnad de l'Imam Ahmad, les Sunan d'Ibn Madja, et autres références de hadiths, le prophète Mohammad a dit: « Si je vous ordonne de faire quelque chose, pratiquez-le autant que vous pouvez, par contre, si je vous interdis de faire une chose blâmable, alors abstenez-vous immédiatement ! »

Les frères qui ont agi très vite pour la réouverture des mosquées et lieux de prière en Europe , savent bien que les lieux de prière dont la surface est restreinte, dont l'aération laisse à désirer, sont des endroits où le risque de contagion est plus grand selon les rapports de l'OMS et des médecins spécialisés et fiables.

Sachant que la plupart des mosquées en Europe se trouvent dans des endroits souterrains, cela doit nous inciter à redoubler de vigilance et d'attention afin de sauvegarder les vies humaines, fermer les issues du mal et empêcher la propagation de la pandémie du virus mortel de peur de nuire aux fidèles et semer la panique parmi eux. Bref viser l'intérêt commun et sauver des vies.

L'histoire nous enseigne qu'il y a des siècles de cela les musulmans des pays du Maghreb ont étés affranchis de l'obligation d'accomplir le Hadj et la Omra (grand et petit pèlerinage), suite à de nombreuses fatwas d'érudits maghrébins, et plus précisément la fatwa d'Ibn Rushd (qu'Allah le comble de sa miséricorde), que les musulmans ont suivie pendant 80 ans. Il y'a aussi d'éminents juristes qui ont approuvé la fatwa d'Ibn Rushd comme Ibn Hamdin et Lukhmi dans le but de la préserver la vie et la sécurité des pèlerins contre les bandits de grands chemins et les pirates, ou bien lors des guerres qui se sont produites en Orient, comme cela a été mentionné dans la déclaration du Conseil européen de la fatwa et des recherches.

Et l'une des règles de ce Conseil est: « la peine apporte la facilité tout comme il est dit dans le Coran: « Allah veut pour vous la facilité, il ne veut point de difficulté pour vous » (Sourate Al-Baqara, verset 185). Il en découle la règle suivante: «Il n'y a pas de devoir sans la capacité (physique et morale) »

En nous référant à l'avis des experts et médecins, dans le contexte européen, on trouve d'un commun accord que le Covid-19 demeure présent tout en étant dissimulé. Ceci dit, la prévention est obligatoire, car, comme le soulignent les épidémiologistes, la plupart de ceux qui encourent le plus grand risque sont les plus âgés et ceux qui souffrent de maladies chroniques. Et ce sont ces personnes qui représentent généralement pour une large part celles qui fréquentent les lieux de prière, surtout au moment des cinq prières quotidiennes obligatoires.

La prévention demeure donc l'arme la plus efficace. L'autorisation légale (roukhsa) est une facilité pour éviter tout danger en attendant un retour tranquille à nos mosquées et espaces de prière dans des jours proches.

*Genève