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L'excès d'optimisme pourrait déconnecter un responsable de la réalité

par Reghis Rabah*

Dans les conditions normales, les psychologues industriels encouragent la pensée positive qui est un concept sur lequel voir le verre à moitié plein serait mieux que d'aller droit vers sa moitié vide conduit à un plus grand épanouissement dans la vie quotidienne de tout un chacun. Mais dans les périodes de crise lorsqu'on compte ses efforts, le pragmatisme et le réalisme prépare mieux le sujet à la situation la plus pire pour mieux résister aux difficultés quotidiennes selon le principe qu'il n'y a de plus exécrable que la pire situation. On cite dans ce scenario souvent le choix que dispose quelqu'un entre la peste et le choléra.

Ou celui de ce stratège militaire et gouverneur Omeyyade d'origine berbère qui conduisait 7000 combattants dans une offensive pour les motiver, il leur disait «la mer est derrière vous, et l'ennemi devant vous, et vous n'avez par Dieu que la sincérité et la patience.» Lorsque le leader pousse trop le bouchon du positivisme disent ces psychologues, il empêche les sujets qu'il coache d'utiliser leurs énergies d'une manière productive en fonction de la situation qui se présente à eux mais souvent poursuivent leur fantasmes sur leurs idées de réussite et se sentent alors accomplis et relaxés. Cette projection imaginaire de ces agréables perspectives qu'on leur fait miroiter, les rassure et les comble tout en minant leur schème motivationnel pour faire face aux changements de situation. Ces sujets dans ses conditions se projettent dans des rêves qui ne leur permettent pas de se donner les moyens de surmonter les difficultés non prévus dans leur prévisualisation et donc deviennent sonnés voire même amorphes. Ensuite l'optimisme constant fragilise leur psychologie, du fait qu'ils refusent de voir et de considérer les mauvais aspects de la vie, il les plonge dans une sorte d'apathie aux événements et n'agissons plus pour provoquer le changement. Tout porte à croire que le président de la république qui refuse d'être « sacralisé et glorifié » ou poliment servir d'appuie- main, veut que ces ministres prennent des décisions en menant leur équipes par une adhésion à leur projet quelque soit l'issue bonne ou mauvaise en les mettant face à leur responsabilité et non les mener à travers une conjugaison permanente de toutes les actions au futur.

Or, que dit le ministre de l'énergie lorsque l'occasion lui est donnée ?

Il soutient que sur la base de rapports d'experts, les prix augmenteront progressivement au deuxième semestre 2020 au fur et à mesure que la levée de confinement. (01) Juste après il se confond dans des contradictions, comment ? Il lie la baisse des prix à une faible demande due à la crise de la pandémie du coronavirus puis plus loin il découple le prix de l'offre et de la demande en estimant que la crise que traversent les marchés est « exceptionnelle car elle réside dans la demande et non l'offre. « Si le problème était lié à la production, la crise aurait été endiguée.» Alors que dans son analyse de la situation actuelle du marché, le ministre a expliqué la chute des prix « par le net recul de la demande ?prévisible- face à une offre importante d'où la saturation des stocks». Dans l'entretien qu'il accordé la chaine 3(02), il va plus loin en regrettant la guerre des prix du pétrole déclenchée par la Russie et l'Arabie Saoudite qui ont ouvert les vannes à fond la caisse pourquoi ? En offrant un brut pas cher qui gonfle justement cette offre. Les analystes du monde entier craignent que cette offre sous forme de stock qui a rempli tous les tankers puisse retarder de quelques mois la reprise. On estime actuellement à 1 milliards de tonnes le stock reparti dans plusieurs continents dont les principales zones d'activités la Chine et les Etats Unis.       

Les raffineurs ont fait aussi le plein profitant d'un pétrole moins cher et donc dés la reprise de l'activité transport, ils reprennent le procède de raffinage d'abord en utilisant le surstockage pour éviter de supporter un coût de possession tant que le marché des produits pétroliers évolue progressivement mais lentement. Cela explique en grande partie la faible demande du brut Algérien le Sahara Blend très sollicité par les raffineurs est passé de 22,21 dollars le baril le 9 avril en cours à 11,28 dollars le baril le 21 avril pour remonter à 14, 06 dollars le baril le 24 du même mois soit juste au seuil de rentabilité (Break even point). Notre ministre se réunit avec les membres de l'OPEP faiblement producteurs pour tenter réduire leur production bien avant le premier mai comme parade à la faiblesse des prix, d'abord comment et est-ce la solution ? En adoptant un plan qui prévoit des travaux de maintenance dans les champs pétroliers, dont la réalisation était prévue dans les prochains mois ainsi que la modification des programmes d'investissement pour préserver les équilibres financiers de Sonatrach.         

En ce qui concerne les poids lourds de l'OPEP+, la Russie et l'Arabie Saoudite, ils n'assistent même à ses réunions de concertation sans afficher ouvertement leur hostilité à ce genre de rencontres mais comme avait justifié le président de la conférence de l'OPEP+ « les deux pays n'ayant pas décliné une invitation officielle, précisant que la réunion constitue une plateforme de concertation ouverte, créée dans le but de répondre à toute préoccupation, question ou proposition, organisée à la demande du président de la conférence. » une manière politiquement correcte de dire au petits producteurs, ces concertations sont vos problèmes pas les nôtres.

2-Les alliées de l'OPEP+ ne partagent pas l'optimisme du ministre de l'énergie Algérien le Mexique qui a joué le trouble-fête lors de la réunion OPEP+ début avril pour contester le quota qui lui est fixé de 400 000 barils par jour et qui semble selon une source d'experts américains maitriser ses coûts de production du baril de pétrole bien au dessous de ceux Algériens, vient de prendre la décision de fermer les puits qui sont pas rentables, même si le deconfinement mondial aura lieu et les activités reprendront.

Parce qu'il a jugé que la reprise effective de l'économie mondiale prendra plusieurs mois et les prix resterons confinés entre 30 et 35 dollars le baril jusqu'au début 2023. Le jeune demi frère du prince du royaume wahhabite, chargé du portefeuille de l'énergie de son pays dans un entretien qu'il a accordé a Energy Intelligence avait fait appel aux pays consommateurs de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) d'aider la démarche de l'OPEP+ par un déstockage d'un minimum de 200 millions de tonnes de brut s'ils veulent voir l'économie repartir.

Le président américain, quant à lui, artisan principal de la réunion d'avril, n'y croit même pas à cette ponction de 9,7 millions de barils que l'OPEP+ compte opérer à partir du premier mai. Il faut reconnaitre d'emblée que les Tweets du président américain ont toujours influencé le marché pétrolier au point où de nombreux analystes constatent la mise en place d'un nouveau modèle de détermination des prix que Trump a crée et semble fonctionner depuis son élection. En effet, quand les prix sont très hauts, ce qui induit un carburant cher pour ses électeurs, il actionne l'Arabie Saoudite pour ouvrir les vannes mais lorsqu'il est trop bas pour la rentabilité de ses producteurs de schiste, il appelle plutôt son allié pour freiner un peu la production pour permettre au prix de remonter.

Dans cette démarche, les prix du baril notamment du Brent proche de celui Algérien le Sahara Blend sont restés confinés dans une moyenne de 64,15 dollars le baril du 8 novembre 2016, date de son élection à ce jour avec un pic qui n'a jamais été dépassé de 86, 14 en septembre 2018. Dans cette fourchette de nombreux pays comme la Russie et les producteurs de schiste américains trouvent leur compte pour un équilibre de leur budget à l'exception de la majorité des pays de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) qui se sont adaptés à ce modèle voilà un peu moins de quatre ans.

Depuis l'avènement du coronavirus, suivi le début mars par une guerre des prix, le prix de la même référence pour ne prendre que celui là est descendu au plus bas, frôlant les 20 dollars le baril ce qui a fait mal à tout le monde. Le début avril, le président américain, devait intervenir toujours par Tweet et dit avoir contacté les deux protagonistes dans cette guerre des prix pour se réunir et réduire leur production de 10 à 15 millions de barils, le marché lui a été très sensible pour faire remonter les prix au delà de 20 dollars le baril et grâce à lui qu'on a évité le pire de voir les 90% des gisements dans le monde produire au dessous de leur seuil de rentabilité.

Cette réunion a bien eu lieu, le jeudi 9 et une partie du vendredi 10 avril 2020, l'accord est scellé le dimanche 12 avril après une intervention de Donald Trump auprès du président mexicain qui avait joué la veille le trouble fête en claquant la porte car il n'était pas d'accord de réduire sa production de 400 000 barils par jour mais voulait se limiter à 100 000 barils par jour. En effet, on apprendra le vendredi vers 15 h par une déclaration solennelle du président mexicain, Andrés Manuel Lopez Obrador, que lui et Donald Trump sont parvenus à un accord pour réduire la production de pétrole du pays, question qui bloquait un accord en gestation entre pays producteurs pour une baisse massive de l'offre d'or noir. Il a précisé que son pays allait réduire ses pompages de 100.000 barils par et que les États-Unis allaient de leur côté diminuer les leurs de 250.000 barils jour supplémentaires par rapport à leurs engagements précédents pour compenser la part mexicaine.

Juste après cette réunion par visioconférence entre pratiquement tous les pays producteurs de la planète, Donald Trump qui semble tout contrôler, tente d'envoyer un signal fort à son électorat dans une Amérique rongée par le coronavirus « Le grand accord pétrolier avec l'OPEP Plus est terminé. Cela permettra d'économiser des centaines de milliers d'emplois énergétiques aux États-Unis. Je voudrais remercier et féliciter le président Poutine de Russie et le roi Salman d'Arabie saoudite. Je viens de leur parler du bureau ovale. Beaucoup pour tous! » Il se trouve que le marche caractérise par une demande renfrognée et une offre surabondante, n'a pas réagit comme le président américain l'avait espéré, alors il accentue la cadence le lendemain « Après avoir été impliqué dans les négociations, pour dire les choses doucement, le nombre que l'OPEP + cherche à réduire est de 20 millions de barils par jour, et non pas les 10 millions qui sont généralement rapportés. Si quelque chose se produit près de cela, et le monde reprend ses activités à partir du Covid 19..... », Il se trouve que le marché reste toujours en berne.

Dans la mesure où la production actuelle de l'OPEP+ est supérieure à celle à la date de référence d'octobre 2018, c'est un total de 14,5 Mbj par rapport aux niveaux de production de début avril qui seront retirés du marché par l'OPEP+ c'est du moins ce que laisse entendre le secrétaire d'Etat américain à l'énergie.

Ainsi, selon d'autres sources citées par l'agence Reuters, ce sont près de 20 millions de barils qui devraient sortir du marché pendant les mois de mai et juin, ce qui correspond à environ 20% de la demande mondiale avant la pandémie de Covid-19. Donald Trump a lui aussi cité le chiffre effectif proche de 20 millions de barils par jour dans un Tweet publié lundi.

Les Etats-Unis, le Brésil et la Canada, vont contribuer à l'effort pour 3,7 millions par jour supplémentaires. Les États-Unis, premier producteur mondial, ne sont pas membre de l'alliance OPEP+ mais selon Alexander Novak, ils « soutiennent l'accord », favorable à leur industrie de pétrole de schiste, en grande difficulté. « Ils disent qu'ils sont prêts à contribuer à la baisse de la production : on a entendu des chiffres allant de 2 à 3 millions de barils par jour », a indiqué le ministre russe.

Il a dit ne pas attendre un retournement favorable de la conjoncture économique « avant la fin de l'année, dans le meilleur des cas ». «Lorsque vous additionnez toutes les réductions de production dans le monde, nous allons être beaucoup plus proches de 20 mb / j qui sortiront du marché.» précise le secrétaire américain à l'Énergie Dan Brouillette sur Fox Business.

Il se trouve désormais que ces effets d'annonce ici et là n'ont pas l'air de faire sortir le baril de pétrole de son confinement.

Tous les pays parlent de deconfinement mais aucun ne dit quand et comment ?

Il est établi pratiquement à l'unanimité que si le coronavirus a déjà provoqué un krach boursier, il va aussi attaquer durablement les relations économiques internationales. A l'échelle mondiale, la croissance sera négative et aucun pays ne sera épargnée, probablement, une situation bien pire que celle observée 2008. Qu'en est-il des prix de l'énergie ? L'OPEP et ses alliés se sont donc engagés à réduire la production de 10 Mbj à compter du 1er mai. Ensuite, la réduction portera sur 8 Mbj jusqu'à fin décembre et une autre de 6 millions par jours jusqu'en 2022.

C'est considérable, mais la baisse de la demande mondiale, en avril, est estimée à trois fois plus, 30 millions de barils par jour Un coup d'arrêt là aussi sans précédent. Les producteurs rechignent à fermer leurs puits.

Cela coûte cher. Le redémarrage peut être complexe. Mais le trop-plein d'or noir est tel et les prix si bas qu'entre les producteurs indépendants américains qui vont être poussés à la faillite et l'obligation de fermer des puits faute de stockage, la production devrait baisser d'ici juin, pronostique Goldman Sachs.

Côté demande, l'activité reprend progressivement dans certains pays. Mais le retour à un niveau de demande et à une consommation normale n'est pas pour demain .

Des économistes tablent désormais sur une baisse de la consommation de 10 Mbj pour l'ensemble de l'année 2020. Les pronostics sur le niveau des prix dans les prochains mois sont plus hasardeux que jamais. La solution donc est le réalisme sans faire rêver les citoyens d'une sortie rapide mais au contraire les préparer à une économie de guerre.

*Consultant, économiste pétrolier

Renvois

(01)-http://www.aps.dz/economie/104317-arkab-les-prix-de-petrole-augmenteront-progressivement-au-deuxieme-semestre-de-2020 (02) -https://www.youtube.com/watch?v=1aBJ9t1UREs&feature=share