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Sur quoi pouvons-nous compter ?

par Arezki Derguini

Tout le monde n'est pas la Corée du Sud, ni la Suède ou l'Allemagne. Et tout le monde ne veut pas voir ses faiblesses affichées. Si certaines sociétés peuvent assumer le coût de leurs faiblesses, d'autres ne le peuvent pas sans grande remise en cause. Une chose cependant reste certaine : aucun pays ne peut faire indépendamment de ses ressources, de ses capacités et de ses valeurs. Plus tôt, il le reconnaîtra, y mettra de l'ordre, mieux il se portera.

Si la crise épidémique compare les performances des systèmes sociaux et politiques, si la supériorité de certains d'entre eux est mise en évidence, cela ne permet pas de dégager une stratégie universelle de lutte contre l'épidémie. Un modèle idéal s'il peut être dégagé dans les exemples coréens et taiwanais - celui du dépistage massif, de l'isolement des malades et de la distanciation sociale, ne peut servir de référence pour toutes les sociétés, ne peut être mis en œuvre par tous. Tout le monde ne peut pas présenter un nombre conséquent de lits pour accueillir les malades à l'hôpital, ne peut pas mener de nombreux tests pour isoler rapidement les malades, n'a pas l'industrie nécessaire pour fabriquer tests, masques et respirateurs.

L'OMS a beau conseiller dépister, dépister et dépister, une telle démarche est à la portée de très peu de sociétés. Rares sont les sociétés qui ont la capacité de production voulue par une politique de dépistage systématique. En Europe seule l'Allemagne ose se comparer aux sociétés de l'Est asiatique [1].

Le mythe du confinement

À défaut de pouvoir dépister massivement avec les premiers signes d'apparition de l'épidémie, la majorité des pays ont eu recours au confinement. La Suède a eu une autre réaction.

«La Suède a décidé de renoncer au confinement de sa population, qui lui paraît exagérément autoritaire. Elle prétend maintenir l'essentiel de ses activités sociales et économiques, en faisant confiance à sa population pour respecter les mesures nécessaires à la non-prolifération du virus : «distanciation sociale», confinement des personnes infectées, recours au télétravail chaque fois que cela est possible. [2] »

Cette stratégie qui a été définie par l'Agence de la santé publique de Suède, plus haute autorité sanitaire du pays et institution indépendante de l'exécutif, est fondée sur le raisonnement suivant : en l'absence d'un vaccin ou d'un traitement efficace, le confinement est un mythe. Il permet seulement de gagner du temps et de soulager provisoirement le secteur hospitalier, là où il est insuffisamment préparé. Retarder l'échéance signifie repousser la hausse exponentielle plus loin sur l'abscisse de la courbe ... Confiner c'est de plus assumer des dégâts économiques et sociaux considérables. Les Suédois estiment qu'en fin de parcours, le coronavirus ne tuera pas davantage chez eux que dans le reste de l'Europe [3]. Et davantage dans les populations immigrées que dans les populations souches si on n'y prend pas garde.

La majorité des sociétés ne peuvent donc pas compter sur des capacités industrielles et sanitaires pour déconfiner une fois la surprise passée, l'impréparation dépassée. Les pays qui ont opté pour le confinement doivent envisager maintenant le dé-confinement qui les ramènera à cette question de capacités de dépistage, d'isolement des malades, d'application des mesures de distanciation sociale, de tracking et d'hospitalisation. On aura confiné inutilement, on ne pourra pas dé-confiner convenablement, si on ne connaît pas, ne peut pas contrôler la circulation du virus.

Le confinement a juste été la réponse des pays industriels à leur impréparation en matière de capacités de production de tests, de masques, de respirateurs, etc.[4].

Mais on ne peut pas non plus appliquer la stratégie de non-confinement comme la Suède pour cause d'absence du second facteur de réussite de la stratégie de non-confinement : la confiance sociale mutuelle et les conditions de vie et d'hygiène. En Suède les arguments évoqués contre une telle stratégie évoquent le changement de la composition de la société suédoise : un quart de la population est désormais d'origine immigrée et elle vit dans des banlieues densément peuplées ou les consignes de distanciation sociale ne peuvent pas être respectées [5].

Le modèle idéal (en vérité des pays riches) suppose de la haute technologie (tests, tracking, respirateurs), des conditions de vie non précaires (absence de promiscuité) et une société vertueuse (confiance mutuelle). Trois choses rarement réunies dans la plupart des pays riches, toujours déficientes chez les pays postcoloniaux. Alors où en est-on et quelle solution peut-on préconiser ?

Se tourner vers nos capacités et nos valeurs

Où en est-on ? On continue de mimer les pays occidentaux quand on n'est pas tourné en ridicule. De faire semblant que confiner ça sert à autre chose qu'à gagner du temps que l'on ne gagnera pas. Car il faudra déconfiner quoi qu'il en soit, même si on n'est pas en mesure d'adopter la stratégie de non-confinement est-asiatique (dépister massivement, respecter les consignes de non-transmission, traquer le virus et traiter les malades). Tout simplement parce que le confinement deviendra insupportable aux conditions de vie. Tant pis pour les conditions sanitaires, on produira les statistiques nécessaires. Eh oui, les statistiques ça sert comme la géographie, ou presque dirait le géographe Yves Lacoste.

Certaines sociétés et dirigeants de pays d'Amérique Latine en particulier, du Pakistan se sont tournés vers Dieu. Malheureusement, on y a opposé scientifiques et religieux. Ou plutôt les médias ont tout de suite opposé les deux valeurs scientifiques et religieuses, celles auxquelles sont le plus attachés les citoyens, celles qui sont les plus capables de leur faire faire de bonnes et belles choses. Quelle meilleure façon de neutraliser une société que celle d'opposer ces valeurs fondamentales, ce qu'elle croit et ce qu'elle sait ? Quand elle ne peut pas compter en particulier sur la Science et ses objectivations.

Oui, il faut que les sociétés qui ne peuvent pas compter sur certaines conditions de vie (d'habitat, de revenu), sur des « institutions invisibles » crédibles et performantes (confiance sociale et responsabilité individuelle), sur des infrastructures et une industrie performante, trouvent leur voie. Se tourner vers Dieu, n'est-ce pas le meilleur moyen d'aller chercher ce que l'on n'a pas (les conditions de vie, la technologie, les services publics et la confiance sociale) ? Mais au lieu d'y aller seulement en prières pourquoi ne pas s'efforcer d'y aller réellement ? Pourquoi se démettre en s'en remettant à Dieu ? Pourquoi ne pas faire suivre l'acte à la parole ? Pourquoi demander à Dieu de changer notre état quand nous ne faisons rien pour cela ? Se tourner vers Dieu signifierait d'abord être honnête avec soi-même, cesser d'être partagé entre ce que nous faisons et ce que nous disons vouloir, cesser de vouloir ceci et de faire cela.

Aller chercher ce que l'on n'a pas, en réalité et non pas en seules paroles, n'est-ce pas redonner la place aux compétences scientifiques, n'est-ce pas activer une foi dans l'avenir, dans la volonté de bien faire ? Nous ferons ainsi face à l'épidémie avec les moindres coûts et nous fabriquerons le meilleur ordre social qui puisse nous convenir si nous comptons effectivement sur nous-mêmes, nos capacités réelles et les valeurs qui nous attachent vraiment.

La crise épidémique renverse un rapport entre des jeunes à l'avenir incertain et des vieux actionnaires spéculateurs, elle fait dépendre la société des jeunes davantage que des propriétaires. Ne pas prendre en considération ce renversement en bridant la jeunesse plutôt qu'en l'exaltant va nous coûter extrêmement cher.

Mettre à jour nos capacités et nos valeurs

Ce qu'il faut bien voir, c'est que l'état des capacités et des valeurs va différer d'un milieu à un autre et va devoir évoluer dans chaque milieu.

Je vais prendre comme exemple de valeurs, le rapport à la mort, très variable d'un milieu à un autre dans une même société. Les anciennes sociétés industrielles ont réussi à repousser la mort, réussite qui leur donne jusqu'au sentiment de pouvoir triompher un jour de la mort (transhumanisme). Cette valeur qui tend à devenir universelle en théorie ne l'est pas pratiquement toutefois. Dans les sociétés aux conditions de vie précaires, les individus côtoient la mort quotidiennement, ont rendez-vous avec elle à chaque tournant de leur existence. On ne peut pas dire que tout le monde à la même expérience de la présence de la mort. Loin de là, certains en ont une expérience familière, d'autres une expérience lointaine. Ce facteur en plus du facteur objectif (promiscuité sociale) peut expliquer la conduite de nombreux citoyens. Et il serait criminel de ne pas en tenir compte, car ce serait programmer l'échec (faire ce que l'on ne dit pas et dire ce que l'on ne fait pas).

On le voit déjà en Suède, on ne peut pas faire abstraction de la différenciation des milieux sociaux, entre centres urbains et banlieues, entre villages et villes. Dans les cas de sociétés postcoloniales à propos de leur effectivité en particulier : discordances entre « compétences » et performances, actes et propos. Le choc va exiger des ajustements entre compétences et performances, pratiques et théories, désirs et capacités. Nous avons pris l'habitude de nous disputer les premiers rangs pour nous approprier la rente. Nous ne connaissons pas nos capacités réelles, les performances de nos compétences, nous en avions besoin qu'à titre de prétexte. Les valeurs qui ont été favorisées correspondaient aussi à un certain type de réussite. Ces « compétences » et ces « valeurs » ne peuvent plus avoir cours si nous voulons sortir de la crise. La corruption à mon sens a beaucoup à voir avec la différence entre ceux qui savent (les premiers de la classe qui ont investi l'Etat : exemple des énarques) et ceux qui peuvent (les derniers de la classe qui ont profité de la médiocrité du secteur public en investissant le marché). La richesse des seconds ne peut être acceptée par les premiers autrement que comme leur étant subordonnée. Il n'y a ici qu'une seule façon de remettre le mérite au principe de la distinction c'est de redonner à la compétition et à l'égalité des chances la fonction ordinale.

Il faut donc tenir compte des capacités - ce dont on est vraiment capables, et des valeurs - ce à quoi on est réellement attaché, de chaque milieu. Impossible donc de développer une stratégie nationale, sinon celle du confinement dont l'unique objectif consisterait à protéger les capacités sanitaires de la société d'un choc violent, mais pas de l'usure. Car confiner pour que le pic épidémique ne submerge pas les structures sanitaires c'est étaler, étendre dans le temps le confinement. Et cela ne pourra pas durer indéfiniment, les réserves consommées, il faudra lever le confinement. Et au sortir du confinement, il faudra faire confiance aux milieux sociaux, pour remettre de l'ordre dans leurs valeurs et leurs capacités quoiqu'il en coûte. Et le coût sera d'autant plus élevé que la société ne sera pas préparée à une telle remise en ordre.

On ne s'étonnera pas de retrouver l'exemple des pays de l'est-asiatique et de la Suède au-delà de leurs moyens matériels. Abstraction faite ou compte tenu de leurs conditions matérielles, ils réussissent parce qu'ils se sont préparés à accueillir le virus. Nous ne sommes plus dans l'exception, mais dans le cas général : on en revient toujours aux capacités et aux valeurs des milieux sociaux. Et l'état d'esprit d'une société dépend moins de l'importance de ses ressources que de la pente sur laquelle elle évolue : elle fait bon usage de ses ressources et en tire satisfaction ou inversement. Il faut mettre notre jeunesse sur la bonne pente.

Nos milieux sociaux ne font pas preuve de capacités et de valeurs stables. On peut dire le contraire, les milieux auront à faire le tri puis à stabiliser leurs capacités et leurs valeurs. Il va falloir qu'ils les identifient, les reconnaissent et les promeuvent. C'est cela la perturbation que l'épidémie va causer dans les milieux sociaux. Ils vont être perturbés et vont chercher à stabiliser leurs rapports. La crise épidémique est l'occasion d'une remise en ordre que les catégories favorisées auraient eu du mal à accepter dans une autre conjoncture.

La politique de l'État algérien peut consister à opposer les capacités scientifiques aux valeurs religieuses pour achever de défaire la prise de la société sur ses biens publics. C'est bien la politique d'équilibre qu'il a adopté pour préserver sa position extérieure aux rapports sociaux quand il jouait islamistes contre communistes et inversement. C'est celle qu'il a adoptée ensuite avec l'échec de l'industrialisation publique. Il a privatisé de manière rampante face à l'hostilité de principe de la société. Il n'avait pas les moyens de suivre d'autres caps que celui de la libéralisation. Il n'en est plus de même aujourd'hui, le choc épidémique accentue la fragilité d'un tel choix libéral. Persistera-t-il ? Peut-être faudra-t-il tout d'abord condamner les mariages incestueux entre milieux politiques et milieux d'affaires.

Elle peut par contre, face aux conséquences désormais prévisibles de la politique de libéralisation, faire confiance aux milieux sociaux et les inciter à accorder leurs capacités et leurs volontés sociales. Avec une politique libérale, l'État préserverait sa centralité et son extériorité sur les ruines des milieux sociaux et le triomphe d'une minorité sociale d'accapareurs. Dans le cas d'une construction par le bas, il réhabiliterait la responsabilité individuelle et collective face à celle publique. D'un point de vue théorique ce serait rendre à la société sa segmentarité et conjurer la formation de classes sociales.

L'État algérien ne pourra plus protéger les milieux sociaux des chocs extérieurs, il n'en a plus les moyens. Il en tirera ses conclusions, elles ne seront pas publiquement assumées nécessairement. La crise épidémique nous oblige à adopter une stratégie d'immunisation collective qui ne sera pas que sanitaire. Certains milieux sont plus vulnérables que d'autres et l'Etat ne pourra aider les plus faibles que pour développer leur capacité à se protéger. Certains milieux pourraient connaître de forts dégâts du fait de la grande distance qu'ils entretiennent entre leurs propensions et leurs capacités (penser à celles d'importer) et donc de leur dépendance à l'État. Il n'en reste pas moins qu'ils devront réussir leur ajustement pour se stabiliser. Ce qui importe sera de savoir à quel coût, tout compte fait, le milieu aura réussi à se protéger, à quel coût il pourra repartir sur de bonnes bases ?

Je peux maintenant me permettre d'être un peu cru. La seule politique possible pour les pays non industrialisés c'est la politique d'immunisation collective. Ils ont le choix : y aller franchement ou à reculons. En assumant ou en refusant d'assumer les conséquences de leur choix. Par ailleurs, on ne peut pas demander à des jeunes que le virus n'agresse pas de rester indéfiniment cloîtrés. On dira que le gouvernement ne pense qu'à brider sa jeunesse et finalement ne fait que la dresser contre lui. Une politique d'immunisation collective faisant appel aux responsabilités collective et individuelle est la politique qui peut garantir non seulement de mieux faire avec le virus, mais de se préparer à mieux faire face aux défis sociaux, économiques et écologiques qui attendent le pays. Il s'agit de s'immuniser contre bien des maux et le virus nous en fournit les meilleures conditions sociales dans la mesure où il impose une remise à plat des rapports sociaux.

Une politique d'immunisation collective n'est donc pas synonyme d'absence de politique. Sauf quand on y va à reculons ou les yeux bandés, ce qui revient au même. Chaque territoire devra se responsabiliser, responsabiliser les uns vis-à-vis des autres, les jeunes vis-à-vis des vieux, ceux qui doivent confiner et ceux qui ne peuvent pas, etc..

Les sociétés industrielles et leurs maisons de retraite s'occupent mieux des vieux que leurs enfants, pourrons-nous en dire autant ? Nos jeunes ne peuvent-ils pas prendre soin de leurs vieux ? Pourquoi ne pas laisser les jeunes répondre à la question : que veulent-ils ? N'est-ce pas cela - le rapport qu'entretiennent jeunes et vieux, que cachent tous les discours sur les stratégies de lutte sanitaires ? Ensuite, du point de vue des vieux, ne faut-il pas mourir un jour ? Ce qui compte est-ce quand ou comment ? N'est-il pas préférable de mourir aimés, entretenus, que délaissés, abandonnés par les siens ? Notre incapacité à accueillir le virus ne signale-t-elle pas notre incapacité à faire la juste place à nos vieux, à nos jeunes ? Ces circonstances particulières ne soulèvent-elles pas ces questions ?

On le devine, la difficulté d'une telle politique de responsabilisation qui redonne confiance à la société dans ses capacités est qu'elle exige une remise en cause profonde de son fonctionnement. La construction de la société doit procéder autant par le bas que par le haut. L'État ne peut représenter qu'une responsabilité globale qu'il ne peut plus s'arroger indépendamment d'autres, individuelles et collectives. Les individus et les territoires doivent se poser sérieusement la question sur quoi, quelles interdépendances sociales, ils peuvent et devraient compter pour subsister d'abord, bien vivre ensuite. Quels collectifs, sur quels territoires, ils souhaitent construire pour bien vivre ? L'Etat et les collectifs doivent atterrir, vivre à crédit en dissipant les ressources des générations futures devient difficile.

La crise du coronavirus interpelle nos relations intergénérationnelles. Elle sépare les jeunes et les vieux, comment les collectifs vont-ils réagir ? Laisser les jeunes s'auto-immuniser et laisser mourir les vieux qui ne peuvent plus compter sur leurs ressources ? L'État-providence a développé des systèmes de sécurité sociale qui ont déclassé les relations traditionnelles de solidarité entre les nouvelles générations et les anciennes. Les parents n'ont plus besoin d'être entretenus par leurs enfants. La solidarité nationale a pris la place de la solidarité familiale. Qu'avait-on besoin de les opposer ? L'individu n'aurait-il pas pu s'appuyer sur des proches et de lointains pour le bénéfice des proches et des lointains ? En ne diversifiant pas ses appuis et en pariant sur l'État, il se révèle perdant.

Ce n'est pas un hasard si les sociétés les plus résilientes face aux chocs sanitaires sont celles qui ont le plus de respect pour l'autorité, que celle-ci soit attachée à la performance et/ou à la tradition. Le respect des vieux que ne déclasse pas leur retraite professionnelle correspond à une volonté sociale qui permet de faire face de la meilleure façon à la nocivité du virus à l'égard des plus âgés. La société qui confie sa mémoire aux personnes âgées, à des personnes vivantes, plutôt qu'à des mémoires mortes, n'est-elle pas plus digne de confiance ? Comment faire confiance à une société qui ayant chassé la sagesse au profit de la philosophie et de la Science, ne se fait pas confiance, se défie du collectif, préfère faire confiance dans ses rapports interindividuels à des automates ? C'est lors de certains chocs que se révèle derrière leur performance, la fragilité de ces sociétés objectives qui se défient d'elles-mêmes et confient la confiance mutuelle à l'objectivité, à des objets. La Science qui tient la philosophie pour sa complice, qui nous aide à objectiver nos rapports ne peut pas remplacer la sagesse. La science-fiction peut bien rêver à de sages machines, le mal est dans le fruit.

Cessons donc de penser que le confinement peut nous aider autrement qu'à camoufler l'insipidité de notre système sanitaire. Allons franchement à une protection de nos personnes vulnérables et de notre système de santé. Cessons de mobiliser l'attention des gens avec les questions déconfiner quand, comment tout en laissant en suspens la question de savoir si l'on veut supprimer le virus ou s'immuniser[6]. Nous ne pouvons que choisir la manière dont nous déconfinerons pour aller vers une immunisation collective. Il faut que nous apprenions à vivre avec le virus parmi nous, sans qu'il agresse nos anciens et submerge nos capacités sanitaires. Ne peut-on pas dresser une muraille de Chine autour d'eux et vaquer normalement à nos occupations ? Les sociétés occidentales ne comptent plus sur la solidarité des jeunes à l'égard des vieux, les services à la personne ont pris le relais, même si on le voulait, peut-on leur emprunter le pas ?

Pour triompher des maux qui vont se succéder à la suite de l'épidémie, il faut libérer la jeunesse des différents cloisonnements dans lesquels elle est enfermée aujourd'hui. Il faut qu'elle puisse se porter là où l'exige la situation. Elle doit isoler le virus, protéger ses aînés, les structures sanitaires et productives. Elle doit protéger sa vie et celle de la société. C'est à la jeunesse que notre histoire a toujours fait confiance, une histoire faite de révolutions. Tant que notre société ne se sera pas dotée de capacités d'accumulation, n'aura pas ses sages, nous devrons notre adaptation aux coups de reins de la jeunesse qui est toujours dans l'air du temps à la différence de ses aînés qui appartiennent à un air du temps passé.

Notes:

[1] Coronavirus : pourquoi l'Allemagne s'en sort mieux. https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/monde/coronavirus-pourquoi-lallemagne-sen-sort-mieux-118033

[2] La confiance, clé de voûte du modèle suédois. https://www.franceculture.fr/geopolitique/le-modele-suedois-de-lutte-contre-lepidemie-repose-sur-la-confiance

[3] Ibid.

[4] Gaëlle Giraud. Dépister et fabriquer des masques, sinon le confinement n'aura servi à rien. https://reporterre.net/Depister-et-fabriquer-des-masques-sinon-le-confinement-n-aura-servi-a-rien

[5] La confiance, clé de voûte du modèle suédois, op.cit..

[6] Une démarche est ici proposée par l'auteur : « Déconfinons prioritairement les générations les moins en péril » https://www.telos-eu.com/fr/deconfinons-prioritairement-les-generations-les-mo.html.