Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Pandémie Covid-19: the year after!

par Belkacem Ahcene-Djaballah

A quelque chose " malheur sera-t-il bon ? On l'espère beaucoup, bien qu'il ne faille pas trop y croire, tout particulièrement chez nous. Car, vraiment, depuis l'indépendance du pays, on en a vu de toutes les couleurs, et pourtant rien de fondamental n'a changé : des affrontements fratricides meurtriers, des inondations, des séismes, des sécheresses, des incendies, du terrorisme à grande échelle, de la corruption quasi-généralisée, des épidémies, des coups d'Etat, des fraudes, des émeutes, des meurtres de personnalités éminentes, des élections trafiquées, des mandats présidentiels qui bégaient. A chaque fois, c'est la même rengaine et les mêmes promesses : " Plus jamais ça ! ", " Plus rien ne sera jamais comme avant ! ". Plus personne n'y croit.

Donc, chacun y va, déjà, de son analyse :

Soufiane Djilali, président de Jil Djadid, partant du fait que " la crise sanitaire due à la pandémie que nous vivons aura des conséquences profondes sur le fonctionnement du monde et tablant sur la " dislocation géopolitique ", a expliqué qu'elle va engendrer un bouleversement planétaire, avec le remise en cause de tous les totems et tous les tabous. A l'Algérie de savoir exploiter et transformer "l'épreuve " ! En accélérant les " réformes politiques pour asseoir une légitimité de la direction du pays et rétablir une unité nationale mise à mal par l'ancien régime ". Amen !

Le Pr Chems Eddine Chitour, profitant du congé " spécial " imposé aux Universités, a tenté de décrire, dans une très longue contribution de presse, " le nouveau monde après le corona ", relevant qu'il y a déjà un succès enregistré " : " un virus de quelques microns a réussi à arrêter la machine du diable représentée par le laminoir néo-libéral basé uniquement sur le fossile " (résultat : la diminution drastique de la pollution en Chine). C'est " le début d'une déstabilisation en cours " et " rien ne sera plus jamais comme avant ". En Algérie, aussi, bien sûr. La solution ? Entre autres, suspendre les manifestations sans arrêter le mouvement populaire pour les " reporter à une date ultérieure ". Mais cela suffira-t-il à transformer un pays " en état d'ébriété énergétique " ? Qui vivra verra !

Jacques Attali (brillant écrivain, chroniqueur et économiste français, né à Alger) remonte le temps en constatant que chaque épidémie majeure, depuis mille ans, a conduit à des changements essentiels dans l'organisation politique des nations, et dans la culture qui sous-tendait cette organisation. On est donc passé, en quelques siècles, d'une autorité fondée sur la foi, à une autorité fondée sur le respect de la force, puis à une autorité plus efficace, fondée sur le respect de l'Etat de droit. Une thèse qui se tient, mais guère optimiste pour nous, nageant encore entre deux eaux, celle de la foi (elle-même mélange de religion, d'histoire et d'interrogations identitaires souvent, presque toujours, "meurtrières ") et celle de la force. L'espoir fait vivre !

Pour le philo-islamologue Mustapha Chérif, qui évoque " l'épuisement d'un système injuste né, il y a environ trois siècles " et " la fin d'un monde ", ce n'est pas la " fin du monde ". Repenser le vivre-ensemble, retrouver l'étincelle de la foi et de la raison raisonnable. Il faut le croire! Amine Zaoui, lui, écrit que la réponse, la vraie réponse à l'épreuve se trouve dans la science, le travail, la discipline et le civisme et dans la révision de la place de la religion dans notre société. C'est tout dit!

Ah, j'allais oublier Kamel Daoud. Dans une récente chronique de presse, il note que les récentes mesures préventives imposées par la lutte contre la progression du Covid19 " sont les prémisses d'un probable avènement de la laïcité dans les pays du Sud confessionnels ". Suivez mon regard ! Provocation délibérée ? Non, un point de vue à considérer.

Il est vrai que beaucoup de nos jeunes y croient beaucoup, à " Révolution sociétale ". D'autant qu'il y a des signes profonds, précurseurs de changement : inévitablement, moins de rente pétrolière d'où une future plus grande et nécessaire inventivité économique dans la gouvernance du pays ; des Vendredis qui durent (en dehors de la phase coronavirusarienne) toujours pacifiques et obligeant à une vie transparente, libre, libérée et démocratique; des mesures de distanciation finalement très bien acceptées ; des extrémismes qui se plient et doivent se plier aux règles de droit ; et des ignorants qui ne resteront plus indifférents aux règles élémentaires de la vie civique (principalement celles liées à l'hygiène publique et privée) et " civilisée ". Pourvu que ça dure et que les bonnes habitudes acquises fassent des petits, perdurent et aident à créer un " autre monde " !