
A accorder
une ouïe attentive aux bruits de fond diffus qui sortent par tous les pores du
pays, il y a de quoi nourrir par louchées entières nos craintes de voir tous
nos espoirs tenaces reportés à la saint-glinglin.
Illustration pathétique d'un peuple qui se tourne mutuellement le dos au point
de préférer le baudet des autres à son propre étalon. La scène a pour
gigantesque théâtre... des paradoxes une structure de santé publique : une
femme accompagne sa fille étudiante aux urgences après une crise d'appendicite
en pleine nuit. Consultée par un médecin de garde, on signifie, sans
sourciller, à la mère que sa fille, qui se tord de douleur sous ses yeux
horrifiés, qu'elle doit revenir « après la présidentielle de jeudi prochain »,
autrement dit « hta nochorbo
l'ma » comme cela est de coutume sous nos cieux particuliers lors du « mois
mort » du ramadhan.
Ainsi, à
moins d'un second tour, une première dans les annales politiques algériennes,
les Algériens sauront le nom de celui qui présidera aux destinées du pays pour
les cinq prochaines années. Une mission casse-cou pour celui qui héritera d'un
pays laissé sur le carreau par deux décennies d'un pouvoir « anthropophage ».
Comment, en effet, remettre un pays à l'endroit, mis sens dessus dessous par
une caste d'hommes politiques dont les grosses têtes de pont sont en prison. Et
même si aucun des cinq candidats en lice pour la présidentielle de la semaine
prochaine ne prétend mériter la confiance d'un peuple échaudé, le véritable
défi est celui d'amarrer le pays à une ère nouvelle et réconcilier l'Algérien
avec la chose politique. Mais comme en politique comme dans la vie de tous les
jours, le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le
moindre mal, la question est de savoir si le pays est capable de récupérer de
ses errements qui lui ont fait perdre un temps et un argent fous. A moins d'un
improbable miracle, des indices qui ne trompent pas laissent présager d'un très
périlleux mouvement... de la société qui pourrait secouer le mandat du nouveau
timonier du pays. Et même si tout le monde meurt d'envie de prendre ce bled en
otage, la majorité des petites gens cessera-t-elle un jour de s'embarquer dans
des manœuvres dangereuses visant à défendre « mortellement » de gros intérêts
qui ne sont pas forcément les siens. Parce que le pays est prisonnier de ses
propres contradictions, que chacun de nous veuille construire sa propre maison
sur les décombres de celle des autres n'est rien d'autre qu'un suicide
collectif !