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Blocage

par Mahdi Boukhalfa

A moins de deux semaines de la rentrée sociale et politique, tous les signaux sont au rouge et, vu la situation actuelle, il est évident qu'un consensus global sur une sortie de crise rapide est loin d'être atteint. Il y a d'abord ces avertissements grandeur nature à travers des manifestations citoyennes et ces colères contre le laisser-aller dans la gestion des affaires publiques dont l'AEP en ces temps de canicule n'est pas la moindre des revendications. L'action de l'Etat se dilue progressivement dans l'incompétence ou le blocage institutionnel des secteurs chargés de prendre en charge la demande sociale, des milliers de travailleurs n'ont pas reçu de salaires depuis que les patrons de certains groupes industriels ont été incarcérés pour faits de corruption et le pays tout entier vogue sur d'immenses vagues de contestations sociales et politiques.

Le gouvernement Bedoui est presque invisible et doit s'attendre à de fortes répliques citoyennes, notamment sur le front des différents services publics, à la rentrée sociale, et doit également trouver les réponses justes, sur le front économique, pour glisser sur les différents obstacles financiers et, surtout, trouver un bon équilibre dans la gestion des recettes pétrolières, avec des prix de pétrole en dents de scie, après l'arrêt de l'utilisation de la planche à billets. Il est évident que l'économie nationale, à bout de souffle, fonctionne toujours sur le reliquat du matelas du financement conventionnel et que le gouvernement doit trouver vite des solutions durables, justes pour éviter l'iceberg financier. Ces mauvaises nouvelles sur le front économique ne sont pas isolées, car sur le front politique les gros nuages ne se sont pas encore dissipés, bien au contraire.

L'initiative de dialogue et de médiation est en train de prendre l'eau de toutes parts. Parce qu'elle n'a pas été pensée et élaborée démocratiquement, avec la participation des représentants de la société civile et du peuple, cette initiative est en train de devenir une injonction politique qui réhabiliterait, d'une manière ou d'une autre, l'ancien système de gouvernance. Sinon, à quelle logique peut bien obéir cet entêtement du pouvoir à imposer des élections présidentielles comme unique solution, alors qu'en face tous les acteurs politiques réclament d'abord une période politico-économique et sociale de transition pour bien réfléchir sur le modèle de sortie de crise ? Car la régénération de l'ancien système est toujours d'actualité, même si ici et là il y a des actions et des décisions qui vont dans le sens d'un assainissement de la moralité des affaires publiques. Mais, cela ne suffit pas et ne peut être inscrit dans l'agenda du Hirak qui demande un changement de gouvernance radical.

Au mieux, il n'y a toujours pas d'accord entre les instances qui dirigent le pays sur les fondamentaux de la feuille de route de sortie de crise. Au pire, le panel de dialogue et de médiation n'arrivera jamais à réaliser sa mission, rejetée au départ par les milliers d'Algériens qui manifestent chaque vendredi pour un changement radical du mode de gouvernance et le départ de tous les résidus politiques du système Bouteflika.