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Le quart de rôle de Bensalah

par El Yazid Dib

Il est là,x inquiet, yeux écarquillés attendant un ordre ou bien la profusion des cris qui ne cessent de surgir de toutes les artères du territoire. La scène n'est plus la sienne. Les spectateurs ne sont plus les mêmes. Ceux qui entre deux chambres mal agencées faisaient la députation et le sénat. Eux, ils se sont terrés dans le trou de leur fausse réputation, lui, il n'est plus applaudi.

Tout est en marche au même moment où tout semble s'arrêter de fonctionner normalement. Les vendredis ne sont plus des journées chômées. Elles font la récap de toute une semaine. Quelle fourniture nous livre l'actualité, sinon les impasses, le jeu de coulisses ou la remise en état d'otage préalable du devenir national. La vertu politique s'évertue, publiquement, à venir se compartimenter aisément et sans truc de conscience au sein même de nos méninges. Boîtes à conserver les contrariétés et les joies, les intrigues et les coups bas ; les cœurs n'ont plus de fibres sensibles que ce patriotisme redécouvert comme une dévotion. Ils domestiquent l'ennui journalier comme la mauvaise méthode asservit l'initiative et la bonne intuition. Nous sommes dans l'estomac d'un cycle déréglé. Nous voyons un bout du tunnel, quand l'autre semble à portée de main.

Bensalah tient à jouer son dernier quart de rôle. Il reçoit les mêmes visages que ceux dépassés par la rue. Il tente ainsi de se donner cette légitimité que le peuple lui refuse. Ses invités parmi les « personnalités nationales » ou les représentants de la « société civile » ne sont ainsi étiquetées que dans le vocabulaire d'un système en pleine agonie. Ces gens là n'ont rien à voir avec la consonance de la complétude de la personnalité nationale, ni n'ont de lien charnel avec cette société d'un Etat civil qui tarde à venir. Ce ne sont, en fait, que des rebuts laissés pour compte en marge d'une révolution en cours d'accomplissement.

Que va rapporter un Miloud Brahimi, un Ziari, un Belaid ou tout autre nom consommé déjà dans la cuisine malsaine de ce pouvoir décrié et honni ? Il fallait, à défaut de remettre sine-die les clés, faire en sorte de réduire au maximum le temps additif qu'une certaine transition voulait se faire une virginité. Il fallait aussi savoir que les révolutions populaires ne connaissent pas dans les arrangements entre deux tenants d'un même pouvoir. Elles sont comme vent terrible qui vient brusquement raser les mauvais troncs, leurs branches et aussi leurs derniers feuillages.

Ces conciliabules qui ressemblent à des dernières volontés d'un mourant ne vont rien apporter. Bien au contraire, ils allongent le temps à une vie condamnée ardemment à disparaître pour laisser place à une autre plus flexible, plus aérée, plus ouverte vers le futur que recroquevillée sur un passé qui a fini ses illusions en ne donnant que des soubresauts cauchemardesques.

Fini ce temps où à chaque occurrence déclarée vitale pour le maintien, voire la survie d'une approche systémique, le système floue l'image des gouverneurs et amadoue l'entièreté de la société. Fini ce temps où ces « partis » créés dans les couches du système le faisaient perdurer et étiraient sa domination en se faisant pivoter sur son axe central. Ils n'étaient que des produits à mettre en valeur pour les exposer dans une vitrine en manque de publicité démocratique. Que des acteurs artificiels pour une comédie tragico-comique, montée de toutes pièces sur le dos d'un peuple pris pour un ahuri, tenant en son bec une hargne à gueuler, à hurler son désarroi, sa misère sociale. Maintenant que la vitrine voudrait se refaire, les produits aussi se doivent de se recréer. Le monde nous regarde, nous épie. Nos martyrs aussi, nos mémoires et nos multiples combats. Faites tomber ce mauvais rideau, Monsieur Bensalah ! il ne reste plus rien à ovationner. Il n'y a là sur cette scène tant souillée, tant pervertie par les roublards, les contrefaits, les malsains, que des jeunes talents prêts à relever un défi, le leur.