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Contre le 5ème mandat: Les magistrats durcissent le ton

par Yazid Alilat

  Les magistrats ont manifesté hier contre le 5ème mandat et pour un changement politique radical dans le pays, à commencer par le respect de la Constitution et des lois en vigueur, après avoir annoncé samedi la création d'un club des magistrats qui compte déjà 1.000 membres. Dans un communiqué, les magistrats, qui ont annoncé leur refus d'encadrer les opérations électorales prévues le 18 avril prochain pour l'élection présidentielle, ont rappelé que « notre volonté de changement n'est pas née de ces événements, ni de celle de prendre la vague, mais de notre désir de changement qui date de longtemps ». « Le club des magistrats algériens était porteur depuis longtemps des idées de changement au profit du citoyen et de l'Algérie dans le cadre des constantes nationales (?) ».

Les magistrats ont dénoncé le 5ème mandat et menacé de ne pas encadrer l'élection présidentielle d'avril prochain. Dans leur communiqué, ils se sont également insurgés contre « l'usurpation des droits des citoyens » ainsi que « les manquements à la Constitution et aux lois du pays ». Ils ont lancé un appel à tous les magistrats pour se joindre à eux afin de « rendre à la justice sa dignité bafouée par les décideurs ». Ils ont également salué « la mobilisation civilisée des citoyens pour restituer les valeurs bafouées à tous les niveaux et stopper un processus absurde qu'on veut imposer aux Algériens avec une stupidité sans égale dans l'Histoire», ajoutent-ils avant de souligner qu'ils partagent « les nombreux reproches qui sont faits souvent par les citoyens au secteur de la justice en Algérie, eu égard aux pressions et autres injonctions» qu'ils disent subir.

La colère des magistrats fait suite à la convocation, selon des avocats, de certains d'entre eux, qui avaient dénoncé le 5ème mandat, qu'ils jugent «anticonstitutionnel», pour se présenter samedi devant l'inspection générale du ministère de la Justice, avant d'y renoncer à la dernière minute.

Signe de cette colère, les magistrats de plusieurs tribunaux et cours à travers le pays avaient manifesté hier lundi, aux côtés des avocats, contre le 5ème mandat et réclamé plus de justice sociale pour le citoyen et pour le respect de la Constitution. « Suite à ce dépassement grave qui va à l'encontre de la Constitution, cinq juges élus vont démissionner du Haut conseil de la magistrature dans les heures à venir », avait indiqué l'avocat et militant des droits de l'homme Maître Salah Dabouz. « Nous sommes du peuple et pour le peuple, concrètement par des actions pas seulement par des slogans », indique encore la déclaration des magistrats.

Pour sa part, le ministre de la Justice et garde des Sceaux Tayeb Louh a rappelé hier que les magistrats doivent respecter « le devoir de réserve ». Selon lui, « un pouvoir judiciaire impartial, à l'abri des tiraillements politiques, était le gage de la sécurité et de la stabilité de la nation ».

Dans son allocution lors de la cérémonie organisée par le ministère de la Justice, à l'occasion de la journée de la femme, M. Louh a insisté sur « l'importance de la préservation des acquis réalisés en termes d'instances et d'institutions, sans lesquels on ne saurait parler d'un choix démocratique, sûr et sécurisé ». Il n'a pas manqué de rappeler « l'engagement des magistrats, en toutes circonstances, à se conformer à l'obligation de réserve et à s'éloigner de tout ce qui pourrait attenter à leur impartialité et à leur indépendance», et « sont autant de valeurs qu'ils s'étaient engagés à respecter lors de la prestation de serment ». Pour lui, « le magistrat doit faire preuve d'équité, de loyauté, de probité et de fidélité aux principes de la justice », exprimant sa conviction que le magistrat « a pleinement conscience du poids de la responsabilité qui lui incombe», d'où la nécessité de voir «cette responsabilité répondre aux principes stipulés dans les statuts et le code d'éthique de cette profession ». « Le pouvoir judiciaire est conscient de sa responsabilité constitutionnelle, car constituant un pouvoir indépendant exerçant ses devoirs dans le cadre de la loi sur la base de la légalité et de l'égalité ».