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La nouvelle Constitution adoptée : La majorité absolue comme prévu

par Ghania Oukazi

Le projet de loi portant révision de la Constitution a été adopté, hier, à la majorité absolue par 499 voix, rejeté par deux autres alors que 16 parlementaires se sont abstenus de voter.

Selon un comptage officiel, le président du Conseil de la Nation et président de la séance extraordinaire du Parlement réuni, hier, dans ses deux chambres, au Palais des nations de Club des pins, il y avait 512 parlementaires présents et 5 l'ont été par procuration. «Ce qui donne un nombre de 517 parlementaires présents, le quorum en exige 388», a précisé Abdelkader Bensalah. L'opération d'adoption du texte constitutionnel a été menée en séance plénière sur vote simple et à main levée. Avec 499 voix pour, deux contre et 16 abstentions, le projet de loi portant Constitution a été adopté hier par une majorité absolue. «Je considère que les membres du Parlement dans ses deux chambres réunies a voté pour le projet de révision de la Constitution», a affirmé Bensalah à la fin de la séance de vote. Les deux voix contre sont une de Karim Tabou au nom du parti qu'il a créé et l'autre d'un de ses militants. Les 16 abstentions sont celles des représentants du PT. Les partis qui ont boycotté ce vote sont le MSP, l'Alliance verte et le FFS.

A l'occasion de l'adoption par le Parlement de la loi portant révision de la Constitution sur la base de 112 amendements dont 38 nouveaux, le président de la République a adressé un message à l'assistance par lequel il a affirmé que «notre pays vient d'écrire une nouvelle page de son histoire politique et constitutionnelle». Le président considère dans sa lettre lue par Bensalah, qu' «une ère prometteuse s'ouvre aujourd'hui pour notre peuple, une ère marquée par des conquêtes démocratiques substantielles et illustrée notamment par des acquis irréversibles visant la préservation des constantes nationales et des principes fondateurs de la société». Il déclare par la voix de Bensalah «saluer, en ce jour historique, le sens de la responsabilité, du patriotisme et la clairvoyance dont ont fait preuve résolument les membres du Parlement, toutes tendances politiques et tous courants idéologiques confondus».

«LA PAIX DES C?URS ET DES ESPRITS EST REVENUE»

Pour le chef de l'Etat, «si un certain nombre de parlementaires ont voté contre le projet et d'autres ont préféré s'abstenir, cela ne peut être que révélateur d'un parlement qui fonctionne au rythme d'une démocratie pluraliste, un parlement librement choisi par le peuple pour exprimer sa volonté et reflétant la diversité des courants d'idées et d'opinions qui animent notre société». Bouteflika explique que sa décision «de mener à terme le processus des réformes dans leur volet politique» visait comme objectif «en premier lieu à répondre aux attentes légitimes de notre peuple en symbiose avec les évolutions du monde, à approfondir la démocratie, à consolider les fondements de l'Etat de droit et à renforcer les garanties constitutionnelles de promotion et de protection des droits et libertés de l'homme et du citoyen dans notre pays». Des réformes politiques qui ont été engagées selon lui «après celles que j'avais entreprises quelques années auparavant sur la concorde civile et la réconciliation nationale, dans l'objectif devenu hautement prioritaire, de ramener la paix et la sécurité des personnes et des biens dans notre pays comme je m'y étais engagé en 1999». Il estime alors que «la paix des cœurs et des esprits est revenue après de longues années de terrorisme (?), l'image de l'Algérie (?), a profondément changé aujourd'hui pour donner place à une Algérie apaisée et réconciliée avec elle-même, une Algérie résolument tournée vers l'avenir, dans la modernité». Le président de la République rend «un vibrant hommage à notre peuple pour tous les sacrifices consentis» et salue «une nouvelle fois l'ANP(?) ainsi que l'abnégation et l'admirable détermination de tous les corps de sécurité sans oublier, bien entendu, le lourd tribut payé par celles et ceux qui, par la plume, l'image ou la parole ont porté haut et fort la voix de l'Algérie au moment même où elle s'est trouvée seule, à affronter l'épreuve et de surcroît soumise à l'arbitrage d'un embargo international quasi intégral durant de longues années». Il a rappelé que «le combat mené contre le terrorisme n'a contraint notre pays ni à geler ses institutions, ni à arrêter en chemin le processus d'approfondissement de la démocratie pluraliste, ni à occulter l'effort de développement national». Il veut rassurer le peuple en lui promettant que «s'il est vrai que les conséquences économiques induites par la chute des prix des hydrocarbures, à l'instar d'autres pays, peuvent avoir pour effet immédiat de repenser le rythme des priorités nationales de développement, cela ne saurait affecter notre volonté de préserver la protection du volet social». Il est convaincu, après cela, que «chaque fois que le destin l'a placé (le peuple) devant des dangers imminents, il a su s'en prémunir avec clairvoyance et à faire preuve de persévérance imperturbable et de sérénité(?)».

REEXAMEN ET AMENDEMENT DES NOUVEAUX TEXTES

Bouteflika note ainsi que «ce n'est pas un hasard si la révision constitutionnelle a consacré la garantie par l'Etat des ressources naturelles ainsi que leur préservation au profit des générations futures». Le processus des réformes engagées n'est pas une fin en soi, selon lui. «Il permet à notre société de passer d'une étape politique et constitutionnelle déterminée, à une autre étape qualitativement meilleure tout au long de la construction d'une société fondée sur les valeurs républicaines et les principes démocratiques». Bouteflika assure les parlementaires que la refonte d'une partie de l'arsenal législatif et l'élaboration de nouveaux textes dont vous avez été à la fois acteurs et témoins avant cette révision constitutionnelle «seront le moment venu réexaminées et amendées par le Parlement à la lumière de la révision constitutionnelle que vous venez d'adopter». Il pense que «cette démarche a eu pour mérite et peut-être pas le seul, celui d'avoir renforcé la stabilité de nos institutions et préservé notre pays de toute aventure périlleuse(?) d'entamer(?) des réformes politiques substantielles pour notre peuple et ce malgré un environnement sécuritaire hostile et chargé de menaces dans lequel d'autres pays se sont trouvés, malheureusement et en dépit du refus de leurs peuples, en proie à des violences préméditées de terreur et d'anarchie qui ont eu pour effet, outre l'ampleur des pertes en vies humaines et des biens, de perpétuer le spectre de l'instabilité politique et de retarder le retour à la paix, condition fondamentale de tout développement». Il ajoute «je voudrais exprimer ici, encore une fois, à ces peuples frères, notre solidarité agissante et notre constante amitié». Bouteflika explique encore que «la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme constituent un triptyque qui se construit patiemment(?), pierre par pierre par le peuple et par les institutions qu'il se donne à un moment donné de son existence». A cet effet, il ne s'agit pas selon lui «d'importer et de plaquer telles quelles des institutions et des concepts produits de l'histoire politique particulière d'autres pays». Car, explique-t-il, «reproduire ces schémas venus d'ailleurs, qui ont sans doute pu générer des effets bénéfiques dans les sociétés où ils sont nés, c'est non seulement s'éloigner dangereusement de sa propre réalité nationale mais aussi et surtout courir le risque de s'identifier à ces pays et se donner l'éphémère illusion de se hisser au rang des sociétés rompues depuis des siècles au plein exercice de la démocratie».

«L'OBJECTIF DE RECUEILLIR UN LARGE CONSENSUS»

Je suis de ceux, dit-il encore, «qui croient que toute société humaine est capable d'inventer et de forger souverainement, au rythme de son histoire politique particulière et selon les ambitions de son peuple, un système politique lui-même produit de cette même histoire et par ailleurs résolument inspiré des valeurs et principes universels». Il rappelle, convaincu, que «la présente révision, fruit d'une démarche résolument inclusive et constamment ouverte aux différents acteurs politiques et sociaux, quels que soient leurs courants idéologiques, s'est appuyée sur des consultations les plus larges possibles(?) et l'apport d'experts en droit constitutionnel et dont j'ai suivi personnellement le déroulement avec la plus vive attention». Il note que «si l'islam est consacré à l'article 2 de la Constitution religion de l'Etat, l'arabe qui est aux termes de l'article 3 la langue nationale et officielle demeure en vertu de ce même article, la langue officielle de l'Etat et la création du Haut conseil de la langue arabe lui confère opportunément la vocation de développement et de rayonnement notamment par le besoin pressant et la capacité de s'approprier, sans tarder, l'utilisation des sciences et des technologies modernes». L'une des préoccupations récurrentes, affirme-t-il en outre, «qui a résulté des consultations concernant la lange amazigh (?.), elle est appelée en vertu de la Constitution révisée à accéder, à terme, au statut de langue nationale». Il demande aux experts de «s'engager pleinement dans cette mission laborieuse et passionnante au sein de l'académie créée à cet effet, pour concrétiser cette avancée constitutionnelle historique». Il notera aussi «l'objectif de recueillir un large consensus en consacrant et en approfondissant le principe fondamental de séparation et de coopération des pouvoirs qui constitue l'épine dorsale de la démocratie ainsi que le renforcement des attributions du Conseil de la Nation en lui conférant le droit d'initiative et d'amendement dans le domaine législatif, en conférant à l'opposition politique un statut constitutionnel(?)».

L'AMBITION DE BOUTEFLIKA

 L'innovation «majeure du texte constitutionnel», pour lui, réside dans «la création d'une haute instance indépendante de surveillance des consultations politiques nationales et locales chargée de veiller à la transparence et à la probité de ces dernière et ce depuis la convocation du corps électoral jusqu'à la proclamation des résultats provisoires du scrutin». Il pense par ailleurs qu'avec «la constitutionnalisation de la parité homme-femme sur le marché de l'emploi et encourage la promotion de la femme aux responsabilités dans les institutions et administrations publiques (?.), ce qui est projeté aujourd'hui ne se réalisera, avec efficience, qu'avec le recul salvateur du temps qui favorisera, à terme, une évolution positive des mentalités». Il veut que «la constitutionnalisation de la saisine par la minorité parlementaire (?) reconnaît à cette dernière le droit de recours à l'arbitrage constitutionnel au lieu et place de l'expression de la colère, par la démesure verbale ou par la violence». La saisine du même conseil par le citoyen «par voie indirecte», lui fait dire que «la Constitution confère au citoyen le statut d'acteur dans le processus de construction de l'Etat de droit(?) et lui permettra de se réapproprier ses droits garantis par la Constitution et auxquels la loi aura porté atteinte». Le tout le laisse conclure «qu'il me soit permis de nourrir l'ambition citoyenne et légitime(?), d'inaugurer ensemble une étape historique nouvelle porteuse d'avancées démocratiques, irrévocables pour notre peuple et pleine de grandes promesses pour notre Nation».