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Des origines du LMD à sa conquête de l'université

par Ali Derbala *

« Si vous n'atteignez pas votre but, réajustez-le». Confucius

La qualification est devenue un élément essentiel de l'employabilité des jeunes étudiants. Il faut mettre en place un système de formation supérieure performant. La mise à niveau de l'enseignement supérieur doit constituer une priorité affirmée de l'Etat. Le LMD, licence, master et doctorat, est importé de France, originaire d'Amérique et mal appliqué en Algérie [1]. Le lycée était le pourvoyeur de bons étudiants pour l'université où la dégradation de l'enseignement scientifique dès les années 90 est constatée par tous les observateurs. Dans certaines wilayas, en mathématiques, même pas une seule classe était disponible faute de sections scientifiques. Ce système LMD est appliqué dès les années 2004 dans les universités algériennes sans concertation sur le terrain avec les enseignants du supérieur. Les enseignants n'étaient pas impliqués dans sa conception, sa planification et son implantation. Les enseignants ont mis en œuvre ce système imprécis, parce qu'il était introduit d'une manière autoritaire (Le LMD est le système officiel et légal.).

Il n'y a pas eu de discussion, seulement instruction. L'adhésion des enseignants au LMD et leur engagement étaient donc cruciaux pour son application. Ils ont d'autant moins de chance d'adhérer à une réforme qu'elle est inconnue, décidée ailleurs, imposée ; qu'elle ne correspond pas aux réalités de leurs expériences professionnelles ; qu'elle n'est pas cohérente avec leurs conceptions de l'apprentissage, de l'enseignement ou du rôle des enseignants. Le financement des études est assuré par le contribuable ou l'Etat algérien, gratuitement, quelle que soit l'origine de l'étudiant.

1. Les bailleurs de fonds de l'éducation sont : la Banque mondiale, l'Union européenne, les Banques régionales (Banque africaine de développement, Banque interaméricaine de développement, Corporation andine de développement, Banque asiatique de développement) et les différents organismes des Nations unies sous l'égide de l'UNESCO. Elle est une agence dépendant de l'ONU qui a pour mission d'aider à assurer une éducation de qualité à tous et qui a dû abandonner, faute de moyens, à la Banque Mondiale le soin de définir la stratégie éducative de nombreux pays [2] dont sûrement l'Algérie qui était presque en cessation de payement de ses dettes en 1992. Cette banque mondiale a sûrement imposé le système LMD à l'Université. Les principaux bailleurs bilatéraux pour l'éducation sont la France et l'Allemagne, puis les Pays-Bas, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Japon. D'autres intervenants encore, tels les pays émergents, les fondations, les ONG, les groupes privés ou la coopération décentralisée. Ils fournissent les outils financiers et l'offre technique. Les Etats africains soumis aux contraintes des plans d'ajustement structurel imposés par les créanciers étrangers, telle l'Algérie en 1992, s'avèrent souvent incapables d'augmenter leur budget éducatif proportionnellement à la croissance de leur population d'âge scolaire. La dette extérieure et les critères draconiens établis par la Banque mondiale et les lourdeurs dans les mécanismes de déboursement des fonds freineraient considérablement les efforts d'accroître les dépenses dans le domaine de l'éducation. Par conséquent, et contrairement aux pays industrialisés qui investissent environ 3.500 dollars par élève du primaire, en Afrique subsaharienne, l'Etat n'investirait que 10 à 15 dollars (Afrique Espoir, 2004). La Zambie par exemple investirait un dollar dans l'éducation par enfant et en dépenserait six pour le remboursement de la dette. Ces chiffres démontrent que la dette publique extérieure de l'Afrique affaiblirait ses systèmes d'éducation et ralentirait la réalisation des objectifs [2].

Le LMD, une importation d'un produit pédagogique consommable

L'Europe vient de célébrer le cinquante-huitième anniversaire de sa création. Elle est une mosaïque de peuples qui parlent et véhiculent des langues différentes. Pour pouvoir communiquer et s'unifier, ces peuples doivent apprendre plusieurs langues. Le meilleur vecteur de communication ne peut être que sa jeunesse, ses étudiants. Par souci de mobilité, dans le cadre du projet ERASMUS, un étudiant français, par exemple, ferait sa première année universitaire en France, sa seconde année en Angleterre et sa troisième année en Italie où il serait diplômé. Il aurait déjà appris deux langues étrangères. Son diplôme doit être reconnu au moins en France. Les Européens ont établi un diplôme unique et valable dans toute l'Europe. C'est la licence du système LMD. Le système anglo-saxon BMP, Bachelor Master et Ph.D, est l'ancêtre du nouveau système français LMD. Dans le temps, la France utilisait le système, licence ou maîtrise, DEA, DIRS ou DESS, doctorat troisième cycle et doctorat d'Etat. Dans ce rapport [3], il est écrit que la nouvelle politique éducative extérieure de la France a d'abord exigé une phase de réflexion, animée notamment par la commission Attali, qui a débouché sur un rapport publié en 1998 : Vers un modèle européen d'enseignement supérieur. L'une des principales propositions était l'organisation des études à l'Université française autour de trois cursus, en trois, cinq et huit ans. Cette phase prospective a aussi été d'origine ministérielle avec la déclaration de la Sorbonne du 25 mai 1998 prise par les ministres français, allemand, britannique et italien visant à « faire évoluer les structures de leurs systèmes d'enseignement supérieur pour faciliter la reconnaissance mutuelle des diplômes, tout en respectant les spécificités nationales ». La déclaration de la Sorbonne a été suivie par la réunion de Bologne en juin 1999 qui a réuni 25 pays européens, puis par celle de Prague en mai 2001. A partir de 1998, les ministres français Claude Allègre, Hubert Védrine et Charles Josselin respectivement ministre de l'Education nationale, ministre des Affaires étrangères et ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, ont entrepris la mise en place d'une politique éducative extérieure. Le rapport commandé par le ministre Claude Allègre à M. Jacques Attali, intitulé « Pour un modèle européen d'enseignement supérieur » précise que « les niveaux pertinents de sortie seront à trois ans, avec la licence, après des études menées principalement en groupes à effectifs réduits ; à cinq ans avec une Nouvelle Maitrise ou Mastaire faite d'enseignement, de stages et de recherche ; et à huit ans avec le doctorat, ouvrant particulièrement la voie aux carrières de l'enseignement supérieur, de la recherche et des grands corps de l'Etat ». Les responsables de l'enseignement supérieur ont opté pour l'importation de ce système sans rien inventer ou modifier.

Objectifs du LMD

Nous faisons de la formation initiale, de l'enseignement supérieur suivi par la population en âge de scolarisation, un développement d'un savoir-faire. Cette formation supérieure est sanctionnée par l'acquisition de diplômes. Cet enseignement est sous le contrôle permanent et immédiat d'enseignants présents avec les étudiants dans un amphithéâtre ou dans une salle de cours ou dans un laboratoire de travaux pratiques. Un enseignement dans lequel l'essentiel de l'activité s'opère dans un «face-à-face» pédagogique entre un enseignant formateur et des étudiants apprenants. La société a évolué et évolue rapidement. Le LMD n'était pas destiné à faire subir à l'Université une transformation instantanée. Il devait être une évolution universitaire permanente. Il fallait chercher une adaptation réciproque des offres d'emploi et des enseignements universitaires. Le choix des programmes à enseigner influe sur l'évolution de la société. L'un des objectifs du LMD était de créer un climat et des procédures de dialogue, de négociation et de prise de décision regroupant le MESRS, le représentant de l'Etat algérien qui fixe les objectifs, et les Universités. Ce système visait une transformation pédagogique, la modernisation et la démocratisation de l'Université. Il devait naître des aspirations des universités algériennes. C'est aux universités de concevoir et d'exécuter des programmes ou des systèmes de formation des étudiants et les programmes de la post-graduation et de la recherche. Pour que cette négociation de l'adoption du LMD se noue dans les meilleures conditions, il était nécessaire qu'elle se fasse dans la clarté, la transparence, ce qui n'était pas le cas. Même s'il y a eu négociation avec quelques universités, il n'était question que de nombres de places pédagogiques créés, que les responsables confondaient avec le nombre de chaises disponibles, du nombre de lits dans les cités universitaires, du nombre de blocs de classes réalisés par les entrepreneurs en maçonnerie, etc. Il n'était nullement question d'énumérer le nombre de professeurs et de maîtres assistants disponibles, du nombre de blocs de laboratoires et de leurs bureaux pour accueillir les chercheurs, du nombre de bibliothèques ouvertes et prêtes à accueillir des étudiants, du nombre de livres et de recueils pour la consultation sur place ou pour le prêt, du nombre de salles d'informatique disponibles et opérationnelles, du nombre de micro-ordinateurs non défectueux, etc. Il faut pratiquer une pédagogie moderne avec des moyens de communications modernes tels l'Internet, les réseaux sociaux qui, outre-mer, ont fait leur entrée même dans les classes du primaire. La démocratisation de l'enseignement supérieur doit s'accompagner de sa modernisation, de l'évolution des moyens d'enseignement et de l'évolution de la société.

Les responsables des universités ont pensé à un nouveau système qui fera d'un étudiant un produit à mettre sur un marché d'emploi dans les plus brefs délais. Le nouveau licencié doit être aussi capable que l'ancien licencié.

Il ne doit avoir aucune lacune pédagogique et doit récupérer une année universitaire. Pour le faire, il faut beaucoup de moyens et beaucoup d'efforts que l'université n'est pas capable de fournir. Un budget d'une année universitaire renflouerait sûrement les caisses du Trésor public.

Implantation du LMD à l'université scientifique

Entre une réforme pédagogique telle qu'elle est décidée et son application dans les amphis, un écart important peut exister. La réduction des études de graduation (licence) d'une année et l'éclatement de la post-graduation en un deuxième cycle (master) et troisième cycle (doctorat) peuvent-il relever le niveau universitaire ? Beaucoup de problèmes pédagogiques persistent dans l'implantation de ce système pédagogique et scientifique. Un débat serein, franc, sans détournements doit s'installer sur son évaluation. Les conditions de dispense de cours, de l'audience, la qualité de l'enseignement, la surcharge des effectifs, l'évaluation, la notation, la moyenne sur vingt, la notation alphabétique, le crédit, la mobilité, le tutorat, la compensation, le logiciel de délibérations, les irrégularités dans l'affichage des notes, la signature des PV de délibérations à temps, le rattrapage, la disponibilité des ouvrages dans les bibliothèques sont autant de problèmes pédagogiques à résoudre. La relation avec le partenaire externe à l'université est-elle appliquée et est-elle devenue effective? L'hébergement, le transport, la restauration, la révision dans les cités universitaires, la communication etc., sont d'autres problèmes sociaux de la vie universitaire estudiantine. Beaucoup de responsables des universités ignorent totalement la vie des étudiants, des enseignants et des travailleurs en s'enfermant dans leurs bureaux.

Le tutorat ou la conduite

«Conducteur» ou «conseiller pédagogique» conviendra mieux que «tuteur». Même le nom d'accompagnateur ne convient pas.

Le conducteur est l'enseignant ou le post-graduant chargé de suivre l'étudiant en formation, de l'assister dans son parcours. Il est considéré comme un guide, une personne-ressource d'un processus dans lequel l'étudiant élabore lui-même ses propres connaissances. Son rôle consiste non seulement à transférer des connaissances, mais à aider l'étudiant dans son processus personnel d'apprentissage et d'assimilation de connaissances [4]. Les résultats de l'apprentissage sont aléatoires. L'apprenant et non plus l'étudiant, est appelé à occuper une place centrale de plus en plus importante dans son processus d'apprentissage.

Apprendre ne consisterait plus en un simple stockage de connaissances ou une mobilisation de compétences à l'état latent chez un individu. Comment imaginer un apprentissage sans un récepteur, l'apprenant ou l'étudiant actif, sans un engagement du sujet dans l'apprentissage ? Le tutorat n'est pas effectif dans beaucoup d'universités. Dans les tableaux des emplois du temps, des tranches d'horaires pour le tutorat doivent être affichées.

Rare sont les étudiants qui viennent s'enquérir ou demander des renseignements ou conseils pédagogiques à son professeur. Il est impératif de faire participer les doctorants à l'encadrement des étudiants.

b. Le crédit ou la nouvelle notation

Normalement, les crédits sont attribués à l'étudiant qui n'a pas réussi son année d'inscription mais qui a obtenu seulement quelques modules. Aussi, le crédit est déterminé pour l'étudiant qui veut suspendre ses études ou changer d'université. Quand il reprendrait ultérieurement ses études, le crédit sera pris en considération dans l'évaluation à son ré-inscription. Lors des corrections de copies d'examens, nous utilisons toujours la notation numérique, la moyenne sur vingt. Le système anglo-saxon dont le LMD s'inspire utilise la notation alphabétique A, B C, D, E et F pour respectivement les appréciations très bien, bien, assez bien, passable, médiocre et faible. Comme ce système d'enseignement vise d'avantage à obtenir une performance qu'un savoir, un diplôme, l'étudiant va renforcer ses comportements de tricherie, du copiage?plutôt que d'approfondir ses connaissances. L'objectif à l'université est d'apprendre et non de réussir avant tout.

La mobilité dans le LMD

La mobilité entre les universités algériennes n'est pas encore réalisable. Ce ne sont pas tous les étudiants algériens qui peuvent prétendre à un séjour scientifique à l'étranger pour poursuivre leurs études. Seuls les enfants des « Introduits » peuvent se procurer des bourses à l'étranger ou des « pécules en devises ». Ils ne subissent ni de près ni de loin les soubresauts de ce système. Qu'est-ce que c'est que cette politique de formation supérieure et de recherche qui consiste à former des étudiants compétents et les faire fuir du pays ? Pourquoi ne pas donner à leurs professeurs des moyens pour les prendre en charge scientifiquement sans les isoler des « mondes scientifiques évolués » par des stages à l'étranger, des bourses de formation à distance, des réalisations d'expérience à l'étranger, etc. ? Le savoir-faire s'acquiert, il ne se donne pas ou ne se décrète pas par des textes.

L'évaluation dans le LMD

Pour chaque module enseigné du système LMD et à la fin du semestre, une épreuve de moyenne durée a lieu. Une quinzaine de jours au plus après les résultats, un autre examen dit de rattrapage est prévu. Ce dernier examen, à la date prescrite, constitue un acte anti-pédagogique. En effet, s'il y a rattrapage, il est destiné aux étudiants ayant obtenu une note supérieure à une note éliminatoire, soit une note supérieure à 7/20 et inférieure à 10/20. Or, tous les étudiants échoués sont invités à passer cet examen. Ils n'ont pas eu le temps de revoir le cours d'un semestre. C'est une façon de faire pression sur l'enseignant pour qu'il cède le module aux étudiants en le piégeant à bâcler ces examens (il doit préparer un second examen en une semaine) et en le harassant par des examens inutiles pédagogiquement. S'il faut un rattrapage, il faut donner le temps à l'étudiant de revoir le cours d'un semestre. Je suggère que pour les modules du premier semestre universitaire, les rattrapages s'effectueront au mois de juin, et pour ceux du second semestre, le rattrapage aura lieu au mois de septembre. A l'université, une nouvelle « dérive pédagogique » s'est imposée dans le système LMD. Des étudiants qui ne réussissent pas leur année en cours, sont autorisés à passer en classe supérieure avec la mention « admis avec dettes » (s'ils ont acquis un certain nombre de crédits et une moyenne inférieure à 10/20). Elle est une forme de pression psychologique sur les enseignants des premières années universitaires. Les étudiants admis en classe supérieure, et qui ont des dettes en termes de crédits, suivent les cours de leur année d'admission mais faute de temps ils ne peuvent pas assister aux cours de modules non acquis. Ces étudiants ne sont pas tenus par une assiduité et ne sont pas affectés à des sections d'étudiants de leur module non acquis. En fin de semestre, l'administration les invite à passer un examen (un second). Peu de chances de réussite dans ses modules non acquis leur sont accordées. Si vous recalez un étudiant en première année, il passera en seconde et troisième année avec des mentions du type « admis avec dettes ». A la fin du cursus de l'étudiant, on insinuera et inculquera un « syndrome de culpabilité » aux enseignants, comme quoi ils retiennent un étudiant en « otage » en première année alors qu'il a réussi ses années postérieures. Pour libérer l'étudiant de la première année qu'il n'a pas réussie mais qui a réussi les autres années postérieures, certains enseignants des premières années seront contraints inconsciemment à lui distribuer le module qui ne l'a pas mérité et qui ne le mérite pas.       De ce fait, on « boostera » le taux de réussite à l'Université. Les délibérations de fin d'année sont devenues très complexes où on nous fait signer, le PV modulaire, le PV des unités d'enseignement, le PV annuel des modules, le PV transversal ? Les responsables de ce système LMD n'ont pas encore tranché sur le mode d'évaluation à utiliser, les crédits ou la moyenne sur vingt. Beaucoup de points ne sont pas clairs et ne sont pas élucidés même dans la tête des responsables.

La licence est-elle avec ou sans mémoire ? Le mastère sera-t-il un diplôme de graduation ou de post-graduation? En 2006, sur les ondes d'une radio locale, on a entendu le responsable du LMD de l'université de Boumerdès annoncer que pour l'année prochaine, tous les étudiants titulaires de la nouvelle licence seront autorisés, sans concours, à préparer le mastère. S'il le fait pour cette première promotion, ne doit-il pas le faire pour les promotions ultérieures? Dans l'avenir, aucun concours d'entrée en mastère ne peut être institué. De ce fait, nous serons appelés à former des mastères en cinq années. Les étudiants qui auront acquis difficilement la licence, feront de droit le mastère. Il peut également arriver qu'à différents niveaux du système, le MESRS et ses responsables des universités d'une part et les enseignants d'autre part, mettent l'accent sur les intentions différentes. Avec une licence de 4 années, on a produit des licenciés d'un niveau bas.

Que dire d'une licence de 3 années ? Comment peut-on réduire un cursus universitaire d'une année sans que le niveau de connaissances des étudiants ne soit altéré ? Reste-t-il au moins tel qu'il était ? Dans l'ancien système, en cinq années d'études, l'ingénieur faisait cinq semestres de spécialité et un semestre pour la confection de son mémoire. Dans le LMD, le mastérant ne fait que trois semestres de spécialité et un semestre pour la préparation de son mémoire. L'évaluation du cycle supérieur scientifique se fait de visu. Tous les parents d'étudiants s'étonnent comment leur progéniture arrive à réussir aux examens.

f. L'impossibilité fondamentale du système LMD à prendre en charge le nombre élevé des étudiants

L'accroissement démographique est un phénomène très préoccupant dans notre pays. Ce n'est pas le nombre d'étudiants, un million trois cents mille, qui fait la puissance d'un réseau scientifique, bien au contraire. Ce n'est pas seulement d'accroître l'investissement estudiantin qu'il s'agit, il faut aussi en améliorer la qualité. Certains enseignants sont favorables à la sélection des étudiants à leur entrée à l'Université. Quand on a peu d'étudiants et s'ils sont choisis par leurs professeurs, on a forcément des étudiants bien formés. Mais si on limite l'accès à l'enseignement supérieur, ce sont toujours les enfants des favorisés culturellement, économiquement et socialement qui en bénéficient. Le système dit « multiplier les capacités d'accueil», autorise tout bachelier à accéder à l'université. Actuellement, suivant mon intuition, on retrouve beaucoup d'étudiants d'origine très modeste qui ne sont pas introduits et qui n'ont pas pu s'inscrire dans d'autres spécialités, se retrouvent échoués ou forcés de s'inscrire en mathématiques. Il ne s'agit pas d'accueillir tout le monde à l'Université, mais ceux qui sont aptes à y entrer. Les années scolaires rétrécies et les programmes surchargés ont amené le ministère de l'Education, sous la pression des lycéens, à examiner les postulants au bac sur la base d'un programme mutilé qui fait que les futurs bacheliers atterrissent à l'université handicapés par des connaissances fondamentales censées être acquises au lycée. Au vu des quelques milliers de professeurs de rang magistral disponibles dans nos universités, le seuil dépassé du million et trois cents mille relève de « l'utopie ».

Relation de l'université avec le partenaire externe et industriel

L'emploi, beaucoup plus qu'un concept économique, s'affirme aujourd'hui dans sa dimension sociale et psychologique. De nos jours, beaucoup d'entrepreneurs ont investi le créneau très lucratif de l'import/import. Aucun responsable d'entreprise ne s'est manifesté aux universitaires et a prétendu rencontrer des problèmes concrets. Une entreprise est un lieu de transformation de matières premières en produits finis, capable de modifier continuellement sa propre structure, de façon à l'adapter au contexte dans lequel elle doit vivre et s'accroître. Le progrès technique, l'emploi, ces deux notions au contenu chargé d'affectivité sont au centre des contradictions que vivent les pays industrialisés. En Algérie, l'image du processus de production que l'on a à l'esprit est le fait productif qui se limite à l'installation d'une usine donnée et à sa gestion ultérieure. Aucune entreprise algérienne, publique ou privé, ne veut améliorer sa gestion ou sa rentabilité ou sa production de manière scientifique. Aucune entreprise ne peut nous fournir des données fiables, une comptabilité à jour, etc. L'Université peut apporter de la technologie, l'agent pour l'application de la science, de la gestion scientifique mais ne crée pas de l'emploi chez les entrepreneurs.

Suggestions pour un relèvement éventuel du niveau des études supérieures

Ce système LMD peut être considéré comme une introduction du « ver » dans le fruit de l'université algérienne. Il n'est pas de mauvaise foi de dire qu'il est une politique d'abaissement du niveau des connaissances. Le niveau des études supérieures a régressé fortement. L'abaissement du niveau des études est constaté dans toutes les spécialités des sciences humaines et scientifiques. Il faut dépenser des énergies beaucoup plus dans l'Education nationale que dans l'Enseignement supérieur. Il faut faire de l'enseignement secondaire un « vivier » de l'enseignement supérieur. On suggère qu'à l'université :

a. Ne recevoir que des bacheliers d'un niveau acceptable. C'est la formation des bacheliers actuels qui posent problème. Il est temps de scinder l'université en deux pôles. Le pôle scientifique où une sélection des étudiants est rigoureuse et où on dispense les mathématiques, la physique et la chimie d'un niveau réellement supérieur. Le pôle technologique où on retrouve le reste des étudiants qui ne choisissent pas les sciences. L'université scientifique et technologique « unique » doit s'estomper. Elle a maintenu dans l'inactivité intellectuelle les meilleurs étudiants.

b. Durant le second semestre de l'année universitaire, nous passons plus de temps à examiner et à surveiller les examens que d'enseigner un « savoir » aux étudiants. Ce semestre n'est même pas un trimestre de dispense de cours, il est devenu un « bimestre ». A la fin de chaque semestre, pour chaque module et d'une durée de deux heures, un seul examen ou EMD est programmé. Prévoir d'autres examens inutiles, harassants, du genre rattrapage, appelé aussi « contrôle continu », engendre un retard énorme dans la bonne marche pédagogique.

c. Que l'on prolonge d'une année la scolarité en licence. Que la licence soit délivrée au bout de quatre années d'études pour pouvoir combler les lacunes des étudiants, lacunes qui sont énormes. Ainsi, l'emploi du temps des études sera bien ventilé et aéré. L'étudiant aura plus de temps à se préparer, de revoir ses cours, d'aller à la bibliothèque pour consulter la bibliographie du module dispensé, d'aller aux salles d'Internet et d'informatique, de faire du sport, de jouer du « Stradivarius » ou autres. Cette prolongation des études peut donner des chances aux étudiants, de les voir adopter des techniques modernes, d'utiliser de nouveaux produits tels les logiciels de mathématiques et bien d'autres. Une personne plus instruite assimile plus vite l'information nouvelle et applique plus efficacement des procédés nouveaux et des facteurs de production nouveaux auxquels elle n'est pas habituée. Selon un rapport de la Banque mondiale, la prolongation de la scolarité d'un an peut entraîner une augmentation de salaires de plus de 10% et augmenter la production agricole de près de 2% dans certains pays [5]. d. Que l'on prolonge d'une année la préparation du doctorat et autoriser le cas échéant le doctorant à présenter sa thèse au bout de la cinquième année. Le système LMD deviendrait celui de 4 ? 2 -4 années.

Références

[1] Ali Derbala. Le système LMD, un descendant du BMP. El Watan, dimanche 10/06/2007, rubrique Idées-débats, p.23.http://www.elwatan.com/spip.php?page=article&id_article=69969

et lundi 11/06/2007, http://www.elwatan.com/spip.php?page=article&id_article=70061

[2] Marcelline Djeumeni Tchamabe. Pratiques pédagogiques des enseignants avec les TIC au Cameroun entre politiques publiques et dispositifs techno-pédagogiques, compétences des enseignants et compétences des apprenants, pratiques publiques et pratiques privées. Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l'Université Paris Descartes, discipline Sciences de l'Education, 2011.

[3] N°3204. Assemblée nationale (française). Rapport d'information. Déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des affaires étrangères sur la politique éducative extérieure de la France et présenté par Mme Odette Trupin.

[4] J.C. Marot et A. Darnige. La téléformation. Que sais-je? Presses universitaires de France, 1996.

[5] Rapport sur le développement dans le monde 1991. Le défi du développement. Indicateurs du développement dans le monde. Banque mondiale, Washington, 1991, p.66.

* Universitaire