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Alors que la Turquie est secouée par des manifestations : Erdogan, aujourd'hui à Alger

par Moncef Wafi

Alors que nombre d'observateurs internationaux pensaient que la tournée «offensive» du Premier ministre turc au Maghreb allait être annulée ou du moins reportée à cause des événements internes que connaît son pays, Recep Tayyip Erdogan a maintenu son programme et sera, aujourd'hui, en Algérie, sa deuxième escale dans la région après le Maroc. M. Erdogan s'entretiendra avec les dirigeants des trois Etats du Maghreb des «relations politiques, économiques et culturelles» entre la Turquie et leurs pays, ainsi que des «développements régionaux et internationaux», a indiqué le bureau du Premier ministre turc dans un communiqué. Cette tournée intervient alors que la Turquie est secouée par des manifestations antigouvernementales sans précédent depuis l'avènement au pouvoir en 2002 du Parti de la Justice et du Développement (AKP, islamo-conservateur) de M. Erdogan. De violentes manifestations ont, rappelons-le, éclaté vendredi dernier à Istanbul, se propageant ensuite à d'autres villes, dont la capitale Ankara, Izmir ou encore Antalya. Cette visite résolument sous le sceau économique est perçue comme une volonté des Turcs d'asseoir davantage leur présence dans cette région où elle se place, depuis quelques années, comme un partenaire privilégié des pays maghrébins à leur tête le Maroc avec qui Ankara a déjà signé un accord de libre-échange ; ce qui fait de Rabat la tête de pont de la stratégie commerciale et industrielle des investisseurs turcs au Maghreb. Pour ce qui est de l'Algérie, et en chiffres, la Turquie est son 8e client en 2012 avec 3,04 milliards de dollars d'échanges et son 7e fournisseur avec 1,78 milliard de dollars, selon les chiffres des Douanes algériennes. L'investissement turc en Algérie ne dépasse pas le milliard de dollars et seules 160 entreprises activent sur le marché algérien même si, lors de sa visite en novembre dernier à Alger, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu avait annoncé que les échanges commerciaux entre les deux pays devraient, «à travers l'élargissement de la coopération algéro-turque», atteindre les 10 milliards de dollars dans un proche avenir, contre 4 milliards de dollars actuellement. Au menu de sa visite algérienne, un forum d'affaires algéro-turc avec la participation de quelque 200 entreprises turques et des entretiens avec son homologue Abdelmalek Sellal où il sera plus question de relance et de renforcement des relations économiques entre les deux capitales que de politique même si le règlement de la question syrienne divise les deux pays. En effet, il n'est un secret pour personne qu'Alger et Ankara divergent complètement à propos des solutions à apporter pour mettre fin à la guerre civile qui secoue la Syrie et, lorsque Erdogan ouvre ses frontières au passage des djihadistes du monde entier pour renforcer l'opposition armée syrienne, Alger, quant à elle, préconise la table des négociations. En plus du BTPH, plusieurs secteurs d'activité comme l'énergie, le textile, l'agroalimentaire, l'agriculture, l'automobile, les produits chimiques, les machines et équipements seront présents lors de ce forum organisé par l'Union des industriels turcs (Musiad). Des rencontres d'affaires entre opérateurs et investisseurs des deux pays se dérouleront en marge de ce forum. La délégation turque se rendra demain à Oran pour inaugurer le complexe sidérurgique Tosyali, considéré comme le plus gros investissement turc à l'étranger. En perspective de ce voyage, plusieurs accords de partenariat signés début mai entre des entreprises turques et algériennes, notamment dans l'industrie du textile et du cuir, seront officialisés lors de cette visite. L'accord prévoit la création de près de 10.000 postes de travail ainsi que l'exportation de 60% de la production. En parallèle de ces efforts de partenariat, l'Algérie reste l'un des principaux pourvoyeurs de la Turquie en gaz naturel et l'accord pour l'exportation du gaz algérien vers la Turquie, signé en 1988, devra être «revu et élargi» à partir de 2014 comme l'a souligné M. Davutoglu.