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Haroun et Brahim enterrés hier: Colère et incompréhension à Constantine

par A. Zerzouri



L'enterrement des dépouilles de Haroun et Brahim, les deux enfants victimes de l'ignoble assassinat, a eu lieu, hier, au cimetière de Zouaghi en présence de plusieurs centaines de personnes qui ont assisté aux funérailles dans une atmosphère de grande tristesse. Tout s'est déroulé dans le calme, loin de l'agitation qui a secoué la nouvelle ville Ali Mendjeli dans la matinée?

Encore assommée par le choc de l'odieux assassinat des deux enfants Haroun et Brahim, la population de la nouvelle ville Ali Mendjeli s'est réveillée, hier, sous les cris des manifestants, des lycéens pour la plupart, qui ont quitté les bancs des classes pour investir la rue et réclamer vengeance. Avant-hier, déjà, les hostilités ne se sont calmées que vers 22 heures. Des blessés légers parmi les manifestants et les policiers, des saccages de véhicules et de magasins, la sûreté urbaine a été la cible de jets de pierres et l'agence postale, cible privilégiée des bandes de malfaiteurs qui se mêlent aux manifestants, n'a pas été épargnée, c'est là un bilan qui renseigne sur la colère et l'indignation qui s'est emparée de la population après la découverte des deux corps camouflés, l'un dans un cabas et l'autre dans un sachet noir. La blessure est très profonde, toute la population qui compatit à la douleur des parents des deux victimes en ressent ses effets, et «ce n'est pas le détail» de la mutilation des corps ou de la mort par strangulation précédée par des sévices sexuels qui va atténuer le mal, comme le relèvent les habitants de la nouvelle ville Ali Mendjeli.

 Les déclarations officielles, qui interviennent après la mise en circulation des informations affreuses, sur la mort de Brahim et Haroun, apportent un démenti aux articles de presse parus hier et révèlent la mort par strangulation des deux victimes innocentes et que les deux auteurs de l'enlèvement le 9 mars dernier et du double assassinat, des repris de justice, ont été arrêtés et sont passés aux aveux. La thèse de «l'acte isolé» est ainsi mise en avant par les services de sécurité et le parquet. Un énième «acte isolé» après la série d'assassinats d'enfants qui a secoué tout le pays. Yasser, Chaïma, Soundous, Brahim et Haroun, des enfants enlevés et assassinés durant ces trois derniers mois ont provoqué une terreur indescriptible au sein de la société. Aujourd'hui, l'enlèvement et l'assassinat d'enfants en plus de son caractère abominable reviennent d'une manière trop récurrente pour ne pas soulever des questions. «Voilà une réalité avec laquelle il faudrait composer», lance en colère un voisin des parents affligés par cette dure perte lors d'une discussion animée sur le sujet. D'ailleurs, la population dans sa majorité ne croit plus à la thèse de «l'acte isolé».

 Selon des avis largement partagés que nous avons recueillis sur place, on croit dur comme fer qu'on est face à des bandes organisées qui sèment la terreur et qui visent la déstabilisation du pays. «La menace, si elle ne vient pas du Sud, arrivera par ce chemin qu'empruntent les meurtrissures inguérissables des cœurs», prévient-on. A l'exemple, on signale que la colère de la population est aujourd'hui orientée outrageusement contre l'Etat et ses institutions. «La police et la gendarmerie n'ont pas déployé les grands moyens immédiatement, ils ont déclenché les recherches près de six heures après les dépôts de plaintes. Arrêter les auteurs des crimes et les présenter devant le juge, oui, c'est réconfortant, mais retrouver et libérer les enfants sains et saufs, cela aurait été mieux applaudi», ce sont là des rancoeurs éprouvées par une opinion publique profondément bouleversée. «Le relogement massif des populations des bidonvilles dans des logements décents, certes, mais dans un milieu hostile, un vaste chantier, sans les conditions de sécurité élémentaires», voilà un autre reproche à l'endroit des autorités locales. Avec deux sûretés urbaines pour une population qui dépasse les 200.000 âmes, la couverture sécuritaire de la nouvelle ville Ali Mendjeli reste dérisoire.

 Sur un autre plan, les familles et l'école doivent emprunter une autre voie pour l'éducation des enfants. «Les enfants sont souvent abandonnés à leurs jeux dans la rue, sans aucune surveillance, aucune précaution ni conseils ne sont diligentés à leurs soins. Ailleurs, sous d'autres cieux, lorsqu'on s'adresse à un enfant, sa réponse toute faite est la suivante, «maman m'a dit de ne pas parler aux étrangers»», en conviennent plusieurs pères de familles. «Les événements tragiques des ces trois derniers mois doivent nous donner des leçons pour mieux nous organiser, et les pouvoirs publics et tous les membres de la société, afin de circonscrire ce phénomène des kidnappings qui sème le trouble et le deuil dans les foyers algériens», estiment de sages conclusions.