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Réflexes pavloviens et vraie-fausse arme fatale

par Kharroubi Habib

A l'approche du mois de ramadhan, les pouvoirs publics - c'est leur réflexe pavlovien - ont multiplié les effets d'annonce sur les dispositions prises par l'Etat pour assurer la disponibilité de denrées alimentaires dont la demande est forte en cette période et veiller à ce que la spéculation n'ait pas libre cours au détriment des consommateurs.

 Sauf que personne ne fait plus cas de ce que disent et promettent en la matière ces pouvoirs publics. Et pour cause : les citoyens n'ont qu'à s'offrir une virée au marché pour constater que leurs déclarations relèvent de la mission impossible. En ces lieux, l'on n'a pas attendu en effet le ramadhan pour faire valser les prix et spéculer sur tout.

 Cette fois, en plus de leurs assurances habituelles, les autorités ont dégainé ce qu'elles pensent être l'arme fatale contre la spéculation, à savoir le prêche religieux. L'on a appris en effet que le ministère des Affaires religieuses a instruit les imams d'interpeller dans leurs sermons la conscience et la foi des opérateurs commerciaux qui s'adonnent à cette spéculation. Façon pour l'Etat d'avouer en somme qu'il est impuissant à juguler celle-ci par la seule force de la loi. Les imams auront beau s'adresser à la piété des spéculateurs, ceux-ci resteront de marbre car l'appât du gain facile et rapide a fermé leurs cœurs à la «rahma».

 Par plus donc les dispositions annoncées officiellement que l'enrôlement des imams dans la lutte contre la spéculation ne font présager aux ménages algériens un ramadhan qui n'aura pas pour eux goût d'amertume et de sacrifices difficiles.

 Le pays est déjà sujet à des tensions sociales que justifie, entre autres raisons, la cherté de la vie. La surchauffe à laquelle les citoyens vont être confrontés question de cherté de la vie pendant ce mois de ramadhan, ne va pas contribuer à calmer ces tensions sociales. Bien au contraire, il faut s'attendre à ce que les mouvements de revendications salariales qui s'expriment déjà s'amplifient.

 En laissant par impuissance s'enfler l'inflation pour une bonne part d'origine spéculative, l'Etat a fourni l'argumentaire légitimant la fronde sociale. Une fronde sociale à laquelle il ne peut plus opposer qu'elle met en péril son équilibre budgétaire, parce que avançant des revendications dont le coût est insoutenable.

 Ce qui est vrai dans le fond mais irrecevable pour une population excédée par la mauvaise utilisation qui est faite des ressources financières de la nation, par la corruption généralisée qui a cours et le champ libre laissé à la spéculation.

 Comment dans ces conditions croire que le discours économique sur la nocivité d'augmentations salariales et autres prestations financières à caractère social que réclament les couches défavorisées, soit audible et dissuasif pour des citoyens dont la paupérisation a atteint un seuil intolérable ? Dans le même temps où d'insolentes et faramineuses fortunes s'étalent et se multiplient «grâce» à cette corruption et à cette spéculation devant lesquelles l'Etat et les pouvoirs publics font montre de passivité, qui, au mieux, s'explique par leur impuissance à combattre le phénomène ; et au pire, ce dont l'opinion publique est convaincue dans sa généralité, est qu'elle résulte d'un réseau de complicités indémêlable tissé entre le pouvoir politique et celui de l'argent.