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Des notes et des aberrations

par Abdelkrim Zerzouri

C'est quand même difficile à avaler que le Maroc affiche le meilleur score dans un classement établi par Allianz Trade, une filiale de l'assureur allemand, avec un « B3 », parmi les grandes puissances économiques africaines en termes de risque pays, devant le Nigeria (D3), l'Afrique du Sud (C3), l'Egypte (D4) et l'Algérie (C3), quand on sait pertinemment que ce pays fait face à d'énormes difficultés économiques, et qu'il a été contraint dans ce sens de recourir à un prêt du FMI (une ligne de crédit de 5 milliards de dollars). Faisant fi de cette réalité, cette nouvelle Country Risk Map pour le premier trimestre 2023, publiée par Allianz Trade, classe le Maroc, avec sa note « B3 », dans le Top 3 des pays africains les plus résistants à la crise, derrière le Botswana (BB1) et à égalité avec Maurice (B3). Pourtant, aucun critère parmi ceux adoptés dans le cadre de ce classement, dont les déséquilibres macroéconomiques, l'environnement des affaires, la stabilité politique, l'indicateur d'alerte à court terme et les risques de financement de l'économie, ne peut aboutir à une telle conclusion.

Preuve en est, le même cabinet, en l'occurrence Allianz trade, fait des prévisions très inquiétantes concernant ce même pays dans la dernière mouture de son «Indice mondial d'insolvabilité», prévoyant que 13.000 entreprises marocaines devraient mettre la clé sous le paillasson en 2023. Quelle aberration de dire la chose et son contraire en quelques jours seulement d'intervalle !? Dans le classement ?risque pays', l'Algérie a obtenu la note C3, soit un niveau de risque « sensible », au même titre que l'Afrique du Sud, alors que la Tunisie a obtenu un D4 (haut risque). Pourtant, ces deux pays offrent des garanties de loin bien meilleures que celles avancées en faveur du Maroc. Pour l'Algérie, où tous les indicateurs économiques sont au vert et présentant des garanties sûres pour tous les investisseurs, locaux et étrangers, notamment depuis l'adoption du nouveau code de l'investissement, la note n'est pas celle qui lui a été attribuée.

Ne doit-on pas dans ce contexte donner la note ?0' à ce cabinet d'assurance qui fabrique des classements sans aucun fondement scientifique ? Cela crève les yeux que ses estimations sont totalement erronées et qu'elles ne servent au fond qu'à orienter les investisseurs vers ce pays au détriment de pays plus résilients.

Mais, on ne s'étonne plus devant de telles aberrations quand le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) révèle dans un récent rapport que les méthodes d'évaluation actuelles des grandes agences de notation ont coûté à l'Afrique des opportunités supplémentaires de financement d'une valeur de 74 milliards de dollars. Selon le PNUD, les approches d'évaluation ne sont pas toujours appropriées.

Le rapport en question souligne également que « les analystes des agences de notation peuvent manquer de précision en produisant des analyses de risques qui tiennent compte de la vision courante des investisseurs sans évaluer en détail la réalité africaine ».

Mais, toujours selon ce rapport, les pays africains sont blâmables de ne pas aider à changer cette fausse donne, en gardant le silence sur ces aberrations et en gardant maladroitement au secret les données statistiques qui peuvent changer les discernements des agences de notation et des investisseurs sur les pays bancables.