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Où va la Tunisie ?

par El-Houari Dilmi

Neuf millions de Tunisiens ont été appelés aux urnes, dimanche, pour prendre part au référendum sur la réforme constitutionnelle, accordant de larges prérogatives au président Kaïs Saïed.

Mais quelle lecture faire de la participation des Tunisiens dans un pays où l'abstention est traditionnellement forte ? En attendant les résultats préliminaires, les premiers sondages à la sortie des bureaux de vote, repris par la télévision tunisienne, font état de 92,3% de «oui» pour le projet de la nouvelle Constitution. Dans un contexte économique périlleux, la nouvelle loi fondamentale du pays ne fait pas l'unanimité chez les Tunisiens. « La nouvelle Constitution qui occulte le volet économique productif est à notre sens une hérésie et un manquement grave à une vision dynamique du monde », estime un professeur d'économie à l'Université de Carthage. Une année après la suspension du Parlement et le renvoi du gouvernement, après une décennie de «démocratie parlementaire» dominée par les islamistes, la Tunisie pourrait bien se retrouver en cessation de paiement dès l'année prochaine. Avec un chômage de 18% et une dette publique estimée à 87% du PIB, des jours difficiles attendent les Tunisiens.

Epinglé sur le terrain économique, le concepteur de la nouvelle Constitution, Kaïs Saïed, ne semble pas prendre la mesure des graves périls qui pèsent sur les finances publiques de son pays. L'architecture institutionnelle est, selon des experts tunisiens, marquée par « un retour vers un régime hyper-présidentialiste, avec une absence totale de contre-pouvoirs ». Mais au-delà des lectures que font les uns et les autres de la nouvelle loi fondamentale, c'est surtout les défis économiques qui inquiètent. Avec l'impact de la guerre en Ukraine et une augmentation du volume des subventions pour les produits à base de céréales, estimée à près de 440 millions de dollars, ainsi qu'un accroissement de la facture énergétique estimé à 1,5 milliard de dollars pour l'année en cours, une partie des Tunisiens craint une augmentation de la pauvreté et un accroissement des inégalités. Le « rêve éveillé » de la révolution de janvier 2011, qui a ouvert le bal au fameux « Printemps arabe », semble si loin aujourd'hui. Il était une fois la révolution?