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FLN : grandeur et des cadences

par El Yazid Dib

Sa grandeur était dans son cœur aussi grand qu'il avait su contenir, pour être un Front tous les courants nationaux. Des cadences mouvementées au gré des personnes l'on conduit vers les pires décadences.

Toute la différence est dans ce qu'était le Front et ce qu'est le Parti du Front.

Avec ou sans Baadji, le FLN est condamné à assurer sa survie ou disparaitre dans le linceul que lui tissent ses propres troupes. Fort de ses référentiels, son mythe et ses gloires ; arrivera-t-il à se sauver des griffes de ses clans voraces et sauver ainsi toute l'histoire ?

En réalité pour l'honneur de celle-ci , il est impératif, à défaut de musée de lui faire changer d'appellation. Ce sont ceux-là mêmes qui ont été pour ou contre les uns ou les autres secrétaires généraux du parti qui sont entrain de faire le cirque. Ils ont applaudi tous les SG, ils les ont fustigés à leur agonie. La pratique à la mauvaise excellence de « le roi est mort, le roi » est leur sacerdoce.

Le parti vacillera d'une rive à l'autre lorsque la vantardise empêche le bon sens d'unir la saveur du mythe à la réalité de l'erreur. La présence structurelle du parti semble donner entre deux échéances électorales l'impression d'une simple existence d'un néant dynamique soit l'illusion de la coquille vide. Ce grand parti libérateur et rédempteur, artisan du sentiment nationaliste ne serait il plus habité par ces élans rassembleurs et unitaire de la composante patriotique ? Aurait-il subi, à l'instar d'autres corporations le syndrome de l'usure et du vieillissement méthodique et fonctionnel ? Cet anachronisme qui ne devait point sévir au sein des forces vives et centrifuges serait pourtant devenu une nature essentielle pour le fonctionnement de tout l'appareil tant central que local.

Si la libération du pays avait exigé dans le temps l'utilité nécessaire d'un front unique apte à pouvoir mener vers les rives de l'indépendance l'immense volonté populaire, il en serait un peu autrement après la période postindépendance. Le parti se transformant en un appareil usuel de propagande commençait à se faire sortir de l'option politique qui devrait tendre à réunir davantage les potentialités managériales et gestionnaires. Il faisait plus dans l'inquisition que dans la persuasion politique. L'Etat se confondait dans la rigueur qu'exerçait par fonction non élective le commissaire du parti. L'administration ne trouvait issue que dans l'application de résolutions.

L'unicité du parti n'avait rien apporté comme élément fondateur d'une nation si ce ne fut cette discipline quoique honnie, mais qualifiée d'indispensable pour éviter toute dérive. Le moindre vent de vouloir dire ou faire des choses en dehors d'un « cadre organisé » s'assimilait de facto à un acte contre-révolutionnaire. La démocratie n'avait qu'une signification occidentale et bourgeoise au moment où, l'appropriation de l'outil de travail, la justice sociale et l'égalitarisme rimaient avec la négation des classes. L'embourgeoisement condamné à plus d'un titre sera une fois la démocratie mise sur scène, un mode apte à appâter les foules et gagner croit-on, l'estime de la populace.

Les slogans d'à bas l'impérialisme et la réaction se tairont et les vociférateurs feront la chaîne devant les ambassades des pays qualifiés ainsi. Le parlement en 1976 ne constituait qu'un regroupement de gens réunis pour la galerie tout en faisant office d'une preuve tenant lieu d'un amphithéâtre de libre expression dans le cadre d'une démocratie « responsable et organisée ». Alors que dire de ces députés de dernières décennies ?

En fait de classes, elles n'avaient certes aucun statut juridique sauf que la réalité matérielle de certains pontes en disposait autrement. L'opulence ne signifiait pas un rang mercantile donné beaucoup plus qu'elle voulut signifier un état d'esprit. La division sociale n'était pas douée d'être perçue telle une expression justifiant l'option politique prise dans la théorie de la lutte des classes. La bourgeoisie d'alors se limitait à un affichage idéologique tacite et dissimulé parfois contraire, dit-on aux principes de la révolution populaire.

L'édification nationale formée de taches de grandes envergures tels que le barrage vert, la transsaharienne, le volontariat dans la campagne, devait se partager par tout un chacun sans quoi les idéaux majeurs d'une révolution jeune et ferme n'auraient point eu les mérites dignes de la grandeur d'une nation à peine sortie des affres séculaires de la dépendance colonialiste.

Ce fut un temps où l'engagement politique ne variait nullement de l'ardeur à pouvoir continuer la révolution autrement et sur d'autres fronts. L'école, la rue, l'usine et tout espace de la vie active ne pouvait être extrait à un militantisme qui ne cesse de déborder jusqu'aux fins de tous les rouages institutionnels.

Le parti qui jusqu'ici remporta la victoire sur un plan et la perdit sur tous les autres se trouvait coincé entre les serres d'un système qui voulut en faire un simple mécanisme de règlement de compte historique. Tantôt il prêchait la bonne parole au profit d'un pouvoir, tantôt il faisait dans l'éloge et la déification de personnes. Il était ainsi devenu au regard des foules le réceptacle de l'échec de toute politique. Ils en prescrivirent insidieusement d'en faire le parti unique. Il jouait le rôle sans avoir en finalité le mot ou l'ultime mot. Dans cette lancée le FLN ne pouvait survivre aux mites qui le rongeaient. Les figures de proue commençaient à lui causer une sérieuse hémorragie pour voir d'autres noms s'élever et s'ériger à l'avenir en des symboles incontournables dans l'échiquier politique algérien.

Octobre 1988 ne fut en d'autres termes qu'un salut politique pour la résurrection du FLN. Jusqu'aux soupirs languissants de l'agonie organique il lui avait permis en fin de cheminement un certain « ressourcement ». Bien ou mal opérée, cette nouvelle démarche dynamique n'aurait pas réussi totalement du seul fait de l'insistance farouche et sournoise de l'ancienne garde. Manœuvrant à distance, les caciques ne lâchent pas les rennes qui les ont traînés aux zéphyrs de la gloire Du jeune Etat. Les coulisses ne sont plus utiles, pour eux plus que ne le sont les eaux troubles de ce qu'ils qualifieront de démocratie. Cette dernière est là d'abord au service de leurs intérêts. Puis, elle aura à servir dans un proche avenir ceux de leurs relais que sont les futurs certains personnages politiques façonnés dans le coté cour de l'immeuble coté infecte de la corporation.

C'est ainsi que l'on s'aperçoit au fur et à mesure de l'effilement de toutes les élections que les batailles dans le parti n'ont jamais pris l'allure de courants idéologiques contradictoires. Les conflits opposaient les personnes, les clans et les familles et non les idées ou la nature de projets sociaux. Il reste édifiant encore de pouvoir constater avec lassitude que même avec la survenance, d'ailleurs salutaire d'autres associations politiques, le FLN tient à contrario du discours à imposer une caste au nom d'une légitimité, non plus historique mais militantiste. L'opportunisme est confectionné grâce à l'octroi d'une carte ou le renouvellement d'une autre. La lutte n'apparaît qu'autour de l'échéance de vote qui fera, croit-on toujours savoir, des hommes publics pour ceux qui ne sont que de quelconques noms usuels.

Les candidats n'ont de cure que la magouille des coulisses, le beni-amiss politique et la hargne inégale d'occuper le confort d'un bureau qu'ils n'auraient pu avoir par diplôme ou qualification professionnelle. C'est ce parti qui a donné des noms à ceux qui n'en avaient pas et des postes à ceux qui n'en aspiraient pas. Il a fabriqué des maires, des députés et des sénateurs dont le seul souci n'était autre que la construction d'une carrière qu'ils ne pouvaient avoir par mérite ou cursus scolaire. Certains d'eux faisaient de l'investissement, des affaires et du commerce une idéologie par défaut d'avoir vendu la leur si toutefois elle existait. Minables, ce sont eux aussi qui sont dans un camp ou un autre en quête de nouvelles allégeances.

Le sens éveilleur de ceux qui ne vivent que par la légende, les rapports et la carte du parti, ne sera certainement pas capable d'entraîner dans un élan enthousiaste de véritable refondation. Comment une population locale qui ne connaît de certains noms que l'habitude de les voir ressurgir aux moments opportuns, puisse croire le discours redondant tendant à faire du renouveau et du rajeunissement un credo sacro-saint du parti nouvelle-version alors que tout plateau candidatural qui lui serait présenté n'offre que du réchauffé ? Qu'ont-ils fait ces éternels candidats, ratés à tout métier, retraités précoces en perpétuelle attente de meilleures opportunités électorales ? Ils pensent avoir sous la main les instances élues alors qu'ils n'arrivent point à faire l'unanimité dans leur quartier ! Parfois dans la famille ! Avec un personnel des années du parti unique le FLN ou des chercheurs d'emploi « électifs» n'ira pas vers le fond philosophique de la démarche qu'il semble avoir tout le temps préconisé à chaque fièvre organique. Il demeurera otage des nouveaux caciques et de groupes corporatistes. Faisant dans une nébuleuse volonté, sa propension de changement, il n'arbore qu'une démocratie de bavardage dénuée de toute logique propre à un parti où le centralisme démocratique était une règle d'or, du moins en théorie.

Par principe, par coutume « boulitique » il échoit au simple citoyen de juger juste à la lumière du mandat électif en cours, les prouesses passives et actives des auteurs élus, qui ont causé l'érosion au crédit-confiance accordé aléatoirement au FLN.

Ainsi à travers le menu offert aux électeurs, la diversité des profils présente une indigence accrue en matière de valeur politique. Le plateau électoral dévoilé lors des précédentes joutes, aurait d'un goût insipide, fade et amère tant les éléments le composant plus ou moins furent extraits des archives mouillées pour s'introniser intronisés dans les accointances clanales ou parentales. Supplanté par ses arrières gardes, le FLN n'entend pas se refaire selon la norme mondiale d'un parti moderne et politique. Il ne devait ce respect quelquefois intact que par le mythe qu'il tente d'entretenir au moyen de recours itératif et sans cesse rabâché à la légitimité historique. Mais en réalité que lui reste t-il de tout cela ? Il n'est plus le représentant du mouvement national quoique s'essayant de s'inscrire dans une mouvance de démocratie et de modernisme. Développant un double discours, il tressaute tel un appareil en manque d'énergie et apporte jusqu'aux fonds du ridicule la preuve de la contradiction et de la discorde. L'on a l'impression que chez ce parti tout fonctionne comme avant avec une certitude en bout qu'il ne faut pas le dire ou l'écrire. La cajolerie exercée envers les militants ne sera pas de la même conviction qu'exigerait un lectorat vif et vivace. Les plus grincheux des militants ne pouvaient soutenir des listes imposées.

La tentative du moins déclarée d'opérer la décantation menant vers un assainissement progressif des rangs tenus en tête par les vieux randonneurs du FLN, n'aura certainement pas lieu. Hélas pour ce mouvement de premières heures. Patrimoine immatériel sans démenti ; il est la propriété morale de tous les algériens. Il ne peut demeurer une possession de quelques autoproclamés eternels détenteurs. La restitution de ces trois initiales confisquées sournoisement par des potentats ou des néo-dinosaures est à réclamer par tous au nom de l'histoire, des martyrs et des profondes fibres de la nation. Il restera tout de même ce parti d'avant-garde qui a su galvaniser à un certain moment le sentiment national. Il aura été contre vents et marées le catalyseur des efforts libérateurs et de l'emploi rédempteur pour le recouvrement de l'indépendance nationale.

Comme il aura l'avantage du mérite de pouvoir continuer sa trajectoire non sans faire ablation de tous les microbes qui le gangrènent et faire table rase des méthodes inquisitoires qui l'abîment, des clans qui le minent et de la fourberie immorale qui gravite comme un essaim autour de son noyau dur.

Seuls les plus intéressés par les privilèges continueront à se lamenter sur le sort à faire subir à ce prestigieux étendard. Et s'ils venaient à le quitter tous, pour le laisser, à défaut de musée, entre de mains juvéniles et compétentes ? L'on sait que de nouvelles énergies, jeunes et vigoureuses épaulent dans son soubassement ce vieux parti. Mais hélas le commandement semble bien leur échapper, pour cause, que le reflexe d'appropriation subsiste encore dans la moelle sèche d'os poliomyélitiques. Encore que, à la faveur du hirak, des NTIC, du facebook, de l'handicap du paysage politique national ; ces jeunes militants auront à penser dés à présent à initier un novembre-bis la réappropriation politiquement partisane n'est-elle pas une revendication légitime ?

Ayant perdu mon téléphone avec tous ses numéros; je demande à ceux qui ont le mien de m'appeler pour pouvoir reconstituer mon répertoire. EYD