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Covid-19 et emploi

par M. T. Hamiani*

La pandémie du coronavirus n'est plus uniquement une crise sanitaire qui guette l'humanité entière, elle a des conséquences immédiates sur l'économie, de facto sur le marché du travail.

A cause de cette pandémie, des millions de travailleurs et travailleuses ont perdu leurs emplois mais aussi des licenciements économiques et la mise en arrêt de plusieurs unités industrielles et des services. Les salariés des PME-PMI et surtout dans les secteurs où le CDD domine sont les plus touchés.

En Algérie, dont la population active est estimée à 11,048 millions de travailleurs, le secteur privé emploie 6,95 millions de travailleurs, soit 63% de l'emploi total en Algérie, selon l'Office national des statistiques (ONS).

Quant au secteur public, il absorbe près de 4,09 millions de travailleurs, soit 37% de la population occupée. Une enquête précédente de l'ONS démontre que plus 35% de la population active ont un statut précaire. Des travailleurs précaires concentrés essentiellement dans le secteur du BTPH (Bâtiment, travaux publics et hydraulique), services, agriculture et pêche, hôtellerie, journaliers... pour ne citer que cela.

Ces millions de précaires sont en ce moment sans revenus et sans épargne suffisante pour affronter les semaines ou mois à venir. Si la situation dure dans le temps, on aura des millions de personnes sans ressources face au marteau du Covid-19 et à l'enclume de la misère. Quant aux demandeurs d'emploi, ils peuvent attendre, car peu de postes sont offerts, voire aucun dans des secteurs connus par la régularité de recrutement.

Le coronavirus affecte presque tout le monde, indépendamment de l'âge, du revenu ou du pays. Cependant, les jeunes risquent d'être particulièrement touchés par les retombées économiques de la crise. Les crises touchent le plus durement les plus vulnérables. Les jeunes constituent l'un de ces groupes, en particulier en ce qui concerne l'impact social et économique de la pandémie de ce virus.

Il y a cinq raisons pour lesquelles les jeunes seront particulièrement touchés par les retombées économiques de la pandémie de COVID-19.

1. Les jeunes travailleurs sont plus touchés que leurs collègues plus âgés et plus expérimentés par les récessions. L'expérience montre que les jeunes travailleurs sont souvent les premiers à voir leurs heures réduites ou supprimées. Un manque de réseaux et d'expérience peut rendre plus difficile pour eux de trouver d'autres emplois décents et ils peuvent être poussés à travailler avec moins de protection sociale et juridique. Les jeunes entrepreneurs sont confrontés à des problèmes similaires, car une situation économique difficile peut rendre plus difficile la recherche de ressources et de financement, et ils n'ont pas le savoir-faire pour faire face à des conditions commerciales très difficiles.

2. Trois jeunes sur quatre travaillent dans l'économie informelle (en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire), par exemple dans l'agriculture ou dans les petits cafés et restaurants. Avec peu ou pas d'économies, ils ne peuvent pas se permettre de s'auto-isoler.

3. De nombreux jeunes travailleurs occupent des « formes d'emploi atypiques », telles que le travail temporaire. Ces emplois sont souvent mal payés, avec des horaires irréguliers, une sécurité de l'emploi médiocre et peu ou pas de protection sociale (congés payés, congés de maladie, etc.). Souvent, ce travail ne donne pas droit à des aides de solidarité.

4. Les jeunes, notamment peu qualifiés ; travaillent généralement dans des secteurs particulièrement vulnérables ou des entreprises figurant parmi les entreprises les plus touchées par COVID19.

5. Les jeunes sont plus à risque que tout autre groupe d'âge de l'automatisation. Une récente étude de l'OIT montre que les types d'emplois qu'ils occupent sont plus susceptibles d'être automatisables, en tout ou en partie.

Ainsi, alors que l'urgence COVID-19 va toucher presque tout le monde, indépendamment de l'âge, du revenu ou du pays, les jeunes sont susceptibles de ressentir la crise la plus dure. Par conséquent, lorsque les dirigeants mondiaux élaborent des plans de soutien et de relance, ils doivent inclure des mesures spéciales pour aider les jeunes et veiller à ce qu'ils soient inclus dans les programmes de soutien - qu'ils soient chômeurs employés précaires, ou jeunes-entrepreneurs.

Ce ne sont pas seulement les individus qui sont touchés par l'augmentation du chômage des jeunes, cela a aussi un coût important et à long terme pour notre société.

L'entrée sur le marché du travail en période de récession peut entraîner des pertes de revenus importantes et persistantes pour les jeunes qui peuvent durer toute leur carrière. Ignorer les problèmes particuliers des jeunes travailleurs risque de gaspiller les talents, l'éducation et la formation, ce qui signifie que l'héritage de l'épidémie de COVID-19 pourrait durer plusieurs années.

Au niveau des secteurs, le commerce est celui qui a fait le plus de demandes d'activité partielle. Il est suivi de l'hébergement et la restauration et enfin de la construction. Ces trois domaines ont été frappés de plein fouet par les mesures de confinement.

La très grande majorité des hôtels ont fermé et les lieux de restauration ont également cessé leur activité pendant toute la durée du confinement. Dans le BTP, malgré leur nombre réduit les chantiers recommencent progressivement mais l'application des mesures de sécurité sanitaire demeurent très complexes à mettre en place.

Les craintes à l'égard des actuels et futurs demandeurs d'emploi, des étudiants qui vont rentrer sur le marché du travail à la rentrée, se multiplient. En effet, la récession historique risque de durcir amplement les conditions d'accès à un emploi sur le marché du travail dans les prochains mois. Depuis le début de la crise, les offres d'emploi ont chuté. Face à ces risques, le gouvernement doit mettre en place des mesures d'assouplissement pour les demandeurs d'emploi.

Malgré les efforts en matière de solidarité et aides, beaucoup de populations et notamment les plus jeunes en zones rurale ou de sous-emploi souffrent de cette crise qui pourrait amplifier les phénomènes de pauvreté.

Plan de relance, mesures de soutien aux entreprises et aux ménages, garanties de prêts bancaires par l'Etat, donnent du fil à retordre aux économistes. La combinaison d'un choc d'offre et d'un choc de demande bouscule les modèles des statisticiens et les réponses à apporter pour tenter de limiter la casse économique et sociale. Les organismes de statistiques bouleversent leurs méthodes et leurs sources pour tenter de mieux appréhender les répercussions de cette pandémie sur les économies.

Il est grand temps que le gouvernement fasse appel à plusieurs économistes issus de divers organismes de recherche et institutions. L'un des objectifs est d'apporter un diagnostic et de mettre des solutions sur la table. Le dit conseil est composé d'universitaires, d'économistes et doit répondre et proposer la meilleure stratégie économique à adopter

La difficulté dans les prochaines semaines sera d'avoir une meilleure compréhension des impacts sectoriels pour voir qui souffre le plus. On connaît les secteurs les plus touchés comme les services marchands, l'industrie, la construction, les services non marchands, puis l'agriculture. Cela permettra entre autres d'avoir des réponses plus ciblées et un meilleur accompagnement. Pour le conseil, il reste qu'à ce stade, le choc de demande est prédominant et que la sortie de crise devrait être périlleuse.

Un marché du travail sous pression

L'explosion du chômage concerne tous les pays même très développés. Face à ce défi, il faut répondre à trois objectifs majeurs. Avec le confinement, les Etats doivent cryogéniser les revenus dépendant du travail avec les mesures de chômage. Il est nécessaire de préserver l'emploi pendant le confinement. Enfin, il faut éviter une persistance du chômage à la sortie de crise.

Face à tous ces risques de hausse du chômage, des spécialistes proposent pour permettre une meilleure reprise et éviter l'exclusion prolongée de certains profils sur le marché du travail par la réactivation des règles de l'assurance-chômage à travers la Caisse Nationale d'Assurance Chômage CNAC.

Il reste une grande partie de la population inéligible comme les jeunes qui viennent de rentrer sur le marché du travail ou ceux qui vont rentrer. Il est également possible de mettre en place des aides forfaitaires pour les personnes non qualifiées.

Contrairement à une part des nouveaux chômeurs, certains ne pourront compter sur le soutien financier de leur famille, déjà précaires.

De plus, les disparités entre les diplômés qualifiés et ceux sans reconnaissance professionnelle seront exacerbées dans ce contexte de crise. Il est conseillé à appeler donc à la mobilisation des pouvoirs publics et des entreprises peu touchées par la crise dans le cadre de leur responsabilité sociale. Des mesures temporaires doivent être avancées. Ce dans le but, d'accompagner les jeunes qui se retrouveraient dans des situations délicates et d'encourager l'accès à l'emploi de cette population :

Une exonération complète de charges salariales et patronales sur tout salaire de jeunes diplômés, engagé en CDD ou n CDI

Une augmentation de l'aide aux employeurs d'apprentis et une éligibilité élargie à tous les niveaux de qualification.

Une possibilité de prolongation des conventions de stage en cours, avant remise du diplôme. Ceci pour une durée équivalente à la durée du confinement.

Inquiétude de l'OIT

Les mesures exceptionnelles prises par les gouvernements pour endiguer le nouveau coronavirus devraient avoir des conséquences particulièrement négatives sur l'accès des jeunes au marché du travail, estime l'Organisation internationale du travail.

Présentant le rapport sur les tendances mondiales de l'emploi des jeunes, le directeur du département des politiques de l'emploi de l'organisation, Sangheon Lee, a estimé que ces mesures, qui concernent la consommation et la production, risquaient de toucher plus fortement les jeunes.

De manière générale, les moins de 24 ans sont davantage touchés par les crises économiques : les jeunes ont tendance à occuper des emplois plus temporaires, plus flexibles et plus instables, souvent dans le secteur des services, qui a été durement touché par une forte baisse de la demande des consommateurs depuis le début de l'épidémie. «Si le ralentissement de la consommation lié au Covid-19 se poursuit dans les mois à venir, nous devons nous attendre à de graves conséquences pour les jeunes en termes d'opportunités d'emploi», a déclaré Sangheon Lee.

Une situation déjà précaire

Selon l'OIT, le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) au niveau mondial devrait légèrement s'accroître en 2020 et 2021.

Il a atteint 13,6% en 2019, avec des variations considérables selon les régions, allant de près de 9% en Amérique du Nord et en Afrique subsaharienne à plus de 30% en Afrique du Nord. Globalement, les jeunes ont trois fois plus de risques d'être au chômage que les personnes âgées de plus de 25 ans, selon l'OIT.

Parmi les jeunes qui occupent un emploi, soit 429 millions, 13% sont en situation d'extrême pauvreté, vivant avec moins de 1,90 dollars par jour, tandis que 17% vivent dans une situation de pauvreté modérée, gagnant moins de 3,20 dollars par jour. L'OIT indique par ailleurs qu'un cinquième des 15-24 ans dans le monde n'est pas scolarisé et vit sans emploi ni formation : un phénomène qui ne faiblit pas et qui touche en grande majorité les jeunes femmes.

*Cadre du secteur de l'emploi