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A un cheveu de l'échec

par Abdelkrim Zerzouri

Il ne faut pas se leurrer, plaider la solution politique en Libye, oui, mais la réalité du terrain ne conforte pas du tout les défenseurs sincères de cette option, dont l'Algérie, l'Organisation onusienne et l'Union africaine, qui visent un rétablissement de la paix dans ce pays, livré au chaos depuis la chute, en 2011, de l'ancien guide de la révolution, Maamar El Kadhafi. Le dernier rapport des Nations Unies est révélateur à ce propos quand il illustre ses inquiétudes à travers le recensement d'un arsenal de guerre qualifié de «plus grand stock d'armes au monde» hors de tout contrôle, mettant en garde contre l'impact de la prolifération de ces armes sur la menace pour la vie des civils et des pays voisins. Il s'agit d'un stock d'armes estimé entre 150 et 200.000 tonnes à travers le pays, équivalent à 29 millions de pièces d'armes à feu, entre légers, moyens et lourds. Soit près de cinq fois la population libyenne ! Un nombre effarant qui n'a été enregistré dans aucun autre pays sur la planète au cours des quarante dernières années, signale le rapport en question. Et, il y en a eu des conflits sanglants, mais jamais autant d'armes à feu en circulation.

Le terrain, totalement miné en Libye, préoccupe, donc, au plus haut point l'ONU qui ne semble plus maîtriser la situation. D'ailleurs, qui peut se targuer de maîtriser la situation en Libye ou d'avoir une quelconque influence qui pousserait les antagonistes vers une sortie pacifique ? Des tentatives sont initiées ici et là mais la roue tourne dans le sens contraire. La Libye s'enfonce dans le chaos avec le soutien des instigateurs étrangers, qui font présence dans les Conférences internationales sur la Libye, alors qu'ils nourrissent les haines et inondent la Libye avec des chargements d'armes. Ceux-là éloignent la paix tant qu'ils n'ont pas assuré leurs intérêts dans la Libye de l'après-Kadhafi. L'ONU veut prendre le taureau par les cornes dans le contexte de cette menace, en inscrivant dans sa prochaine session une résolution imposant un embargo complet sur les armes en Libye. Est-ce suffisant ?

Même si on arrive à imposer cette résolution, le marché noir mondial de l'armement échappe à tout contrôle, il suffit qu'il y ait un demandeur et l'on se fera un plaisir d'honorer sa commande. Et, ce n'est pas ce qui manque en Libye, où la crise a contribué au rétablissement des cellules terroristes dormantes qui, selon les experts, utilisent le commerce des armes pour reprendre vie dans ce nouvel espace. Les efforts diplomatiques pour mettre fin au conflit ont finalement montré leur limite sans la mise en action de moyens de pression efficaces sur les pays qui se livrent à une guerre par procuration en Libye. L'Algérie, l'un des rares pays qui déploient des efforts sincères pour faire régner la paix en Libye, et qui a proposé d'abriter un dialogue entre les pouvoirs rivaux, devrait convaincre « les frères libyens » de venir à Alger pour sceller cet accord qui mènerait leur pays à bon rivage.

Une seule condition handicape cette initiative, la présence des « mercenaires » envoyés en Libye par la Turquie (Erdogan parle, lui, de conseillers militaires). C'est le général Khalifa Hafter qui l'a déclaré, vendredi dernier, à l'occasion des manifestations massives organisées à Benghazi et dans d'autres villes de l'Est, dénonçant la présence turque en Libye, soulignant que les discussions sur un cessez-le-feu permanent et la paix ne peuvent venir qu'après l'élimination des milices armées et l'expulsion des mercenaires. Un message à l'invitation algérienne ? Probablement. L'effort diplomatique est à un cheveu de l'échec, à moins de tenir au mot le général Haftar en faisant fléchir la position turque, qui, pour l'instant, ne veut absolument pas lâcher le morceau et rapatrier ses « conseillers militaires ».