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Formation professionnelle : S'adapter aux évolutions

par M. T. Hamiani*

  Cet article traite des aspects classiques de la formation professionnelle. On décrit brièvement la genèse de ce système. On remarque que, malgré des progrès remarquables, notre pays souffre de certains maux liés à l'intégration très partielle du sous- système de la formation professionnelle dans son système général de formation.

De manière plus précise, le dispositif de la formation professionnelle s'avère incapable d'anticiper les métiers d'avenir. Pis encore, quand certains métiers ne sont plus demandés sur le marché du travail, le dispositif continue à former des candidats en faisant-fi des mutations de la demande en main d'œuvre. De même, la qualité de la formation professionnelle continue à véhiculer, une image négative auprès du grand public, mais aussi auprès des entreprises. Enfin, les passerelles entre la formation continue et les autres composantes du système de formation sont peu nombreuses, voire inexistantes.

Quel est le rôle des organismes de formation ? Est-ce la délivrance d'un savoir, sanctionné par un diplôme ou la formation est-elle plus tournée vers le développement de la capacité à trouver un emploi, et à le garder...

Pour accompagner le développement des entreprises, et également contribuer au développement de la croissance d'un pays, la formation professionnelle doit s'adapter à un certain nombre de contraintes et d'objectifs.

Les objectifs des formations doivent être liés aux objectifs et prévisions de recrutement des entreprises notamment les PME. La formation doit- elle seulement préparer à des diplômes, et délivrer des savoirs théoriques, ou dit-elle aller plus loin dans la réflexion, et préparer les jeunes à obtenir un emploi, faciliter leur insertion sociale ou professionnelle, et dans quelle mesure doit-elle prendre en compte les besoins des entreprises ?Lorsque l'on étudie avec les entreprises, on est frappé par le nombre de chefs d'entreprises qui se déclarent insatisfaits des compétences et savoirs développés au sein des centres de formation.

Réformer la formation professionnelle ou l'organisation du marché du travail améliorerait-il l'insertion professionnelle des jeunes ?

Les réformes organisationnelles du monde du travail resteront inefficaces si la formation n'est pas au rendez-vous. La réforme structurelle majeure à mener sur le marché de l'emploi, c'est la formation, initiale (éducation) et professionnelle. L'apprentissage est délaissé et stigmatisé dans notre pays, ce qui prive l'économie nationale d'un moyen imparable pour permettre aux jeunes d'être en position de force lors de leur entrée sur le marché du travail. De même, la formation professionnelle souffre d'une gouvernance complexe, les contrôles de qualité y sont inexistants, il y a des gaspillages de fonds publics en matière de choix de spécialités qui vont en parallèle avec l'évolution du marché de l'emploi.

La formation professionnelle véhicule toujours une image négative malgré les efforts des responsables politiques. Les causes de la persistance de cette image négative sont assez connues : le manque de la culture de métier et d'apprentissage, le refus des élèves de poursuivre des études dans des domaines peu valorisants (bâtiment), malgré l'existence de demandes d'embauche forte de la part des entreprises, l'inefficacité du système d'orientation. Sans oublier l'inexistence de campagne moderne de sensibilisation, auprès des élèves et de leurs parents et même de l'opinion publique de manière générale, sur les caractéristiques des métiers proposés par les organismes de la formation professionnelle ainsi que les opportunités offertes par ce créneau.

Incapacité du système à anticiper les besoins de l'économie

Le dispositif de formation professionnelle tel qu'il est conçu actuellement a montré ses limites dans la mesure où il a été incapable d'anticiper l'évolution des métiers et les besoins du marché du travail dans certains secteurs. Il en est ainsi de beaucoup de secteurs qui ont connu des bouleversements importants (couture et textile, agent de saisie ...etc.). En même temps, le nombre de stagiaires dans ces mêmes secteurs a continué à évoluer de manière ascendante. L'ouverture de nouveaux centres de formation (ou la réhabilitation des anciens) a suivi le même rythme d'évolution. La conséquence de ce dysfonctionnement est que la capacité de formation dans ces secteurs a été largement supérieure aux besoins du marché.

Le manque d'interaction entre les centres de formation et les autres établissements est aussi un facteur défavorable pour développer le niveau de proposition de nouvelles spécialités et ce à travers une carte professionnelle efficace et non théorique.

Même le privé, tant attendu à s'investir dans ce créneau, n'a pas joué le jeu et a contribué négativement dans la délivrance de diplômes, sans formation dans certaines wilayas. Le système actuel de formation, avec ses faiblesses, assure à vrai dire une formation sociale loin de tout horizon professionnel du moment qu'il continue à assurer des spécialités dites mortes.

Plus grave encore, ce même privé s'est investi dans un créneau porteur à savoir les cours de soutien aux classes d'examens sachant que l'agrément délivré par les services compétents, couvre uniquement la formation professionnelle.

Le secteur professionnel a un rôle à jouer dans la promotion de l'économie nationale, à travers l'adaptation de ses offres aux besoins du marché du travail dans l'objectif de former une main d'œuvre qualifiée, recherchée par les entreprises économiques locales.

La formation professionnelle est aujourd'hui plus que jamais essentielle en vue de s'adapter aux évolutions permanentes du marché du travail. Ce dernier connaît une véritable révolution due aux nouvelles technologies et aux nouvelles habitudes de consommation. Mais la formation professionnelle est-elle à la hauteur pour répondre à tous ces impératifs ? Quels en sont les enjeux ?

La formation professionnelle doit être considérée comme une expérience qui suscite l'envie de s'améliorer, d'apprendre, de s'engager, et de s'adapter à n'importe quelle évolution du monde du travail. La formation professionnelle réformée permet aux apprenants de devenir entièrement acteurs de leur apprentissage. Elle permet aussi aux entreprises d'investir plus en termes de formation en vue de meilleurs résultats.

Aujourd'hui, une formation professionnelle ne se cantonne plus à son rôle de renforcement des acquis : elle permet de développer des compétences à la fois techniques, sectorielles et comportementales. La formation professionnelle est donc une réelle nécessité, quel que soit le niveau de l'apprenti. Tout au long de la vie professionnelle, il est nécessaire de se former, qu'il s'agisse d'une formation présentielle, d'une formation à distance, d'un tutorat, d'un coaching ou de formations mixtes.

Toutefois, le plus grand défi en matière de formation professionnelle n'est pas d'avoir le budget qui permettra de mettre sur pied des formations gratuites et adéquates aux sans qualification, le plus grand défi viendrait des entreprises. Peu d'entreprises donnent l'opportunité à ces jeunes sorties de la formation professionnelle de faire leurs preuves dans leurs institutions. Cela est-il dû à la perception qu'on les chefs d'entreprises de la formation professionnelle ? Ou tout simplement parce qu'il y a lieu de faire un véritable plaidoyer et une campagne de sensibilisation sur les avantages de la formation professionnelle sans notre pays ?

Qu'importe la réponse, il est nécessaire de rappeler que la formation professionnelle reste l'élément majeur du développement social et économique d'un pays. Les décisions prises en la matière doivent être les bases fondamentales du prestige d'un pays, de sa paix, sa stabilité et sa prospérité. Et la formation professionnelle particulièrement crée des travailleurs qualifiés, expérimentés, compétent et qui répondent aux normes d'une branche professionnelle créant des entreprises compétitives.

Dans cette optique et sachant que toutes industries, qu'importe son secteur d'activité, vit au rythme de la situation socio-économique du pays où elle est implantée ; c'est également le maillon perdu de l'équilibre du marché de l'emploi. Et c'est seulement de cette manière, que les systèmes de formation pourraient augmenter considérablement la croissance économique.

*Cadre du Secteur de l'Emploi