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Le pouvoir spécule sur la naïveté populaire

par Kharroubi Habib

Du moment que Bouteflika a renoncé à briguer un cinquième mandat et a satisfait les principales revendications de l'opposition ayant trait aux changements et modalités ayant pour but une transition démocratique menant à la naissance d'une nouvelle République, d'aucuns seraient tentés de présenter la feuille de route qu'il a déclinée dans ce sens comme étant une victoire pour le mouvement populaire qui s'est dressé contre le cinquième mandat et la continuité du système dont il a demandé le démantèlement.

Cette lecture de la feuille de route déclinée par Bouteflika induira certainement ceux qui la font à la considérer comme susceptible de produire un compromis historique d'où sortirait la nouvelle République dont veulent les Algériens, sans que cela donne lieu aux situations chaotiques que vivent les pays dont les régimes ont été confrontés à la révolte populaire qui a pour parvenir à ses fins opté pour la confrontation violente avec eux. L'interprétation optimiste de la feuille de route que Bouteflika a tracée en guise de réponse au peuple mobilisé contre le cinquième mandat, le régime et le système dont il est l'incarnation pèche par sa naïveté crasse sur ce que ce président et les tenants du pouvoir sont capables de faire pour tuer l'espérance de ce peuple qui est d'être libéré de leur fossilisante et avilissante tutelle.

Ce que Bouteflika a annoncé à la nation c'est que le pouvoir auquel il persiste à s'accrocher n'entend pas confier la transition dont l'inéluctabilité s'est imposée à lui au vu que son exigence émane du peuple quasi unanime à des acteurs qui en définiront le mode opératoire, l'agenda et les objectifs en toute indépendance de lui. En ayant décidé de rester au pouvoir jusqu'à ce que la «transition» accouche des changements qu'elle est censée produire et puisse donner lieu à l'élection de son successeur, Bouteflika et son cercle de fidèles font la preuve qu'ils sont déterminés à faire qu'il n'en résultera pas la rupture radicale avec le système et le régime dont leur coterie est le produit.

Rien, absolument rien ne garantit que le pouvoir va respecter les engagements énoncés par Bouteflika quant à l'indépendance réelle par rapport à lui des instances et acteurs auquel il prétend confier la réflexion sur la transition et la mise en œuvre de ce qu'il en sortirait. La transition mode Bouteflika émane d'un plan préétabli que ses concepteurs ont peaufiné et dont ils ont balisé le mode opératoire dès lors qu'un cinquième mandat pour le président malade leur est apparu impossible à faire accepter au peuple. Ils ont scellé le sort de cette option 5ème mandat mais en lui substituant celle d'une prolongation du 4ème mais toujours avec comme ligne directrice de conserver au pouvoir l'initiative en tout ce qui a trait à la transition et sa finalité. La préméditation du coup transparaît avec la mise en avant très précoce durant le quatrième mandat de figures auxquelles Bouteflika vient de confier les missions clefs de la mise en œuvre du processus de transition. Le pouvoir contrairement à son habitude a certes reculé en faisant droit formellement aux revendications populaires, mais c'est pour semer les graines de la discorde au sein du mouvement qui le conteste et être à même de rebondir pour reprendre d'une main ce qu'il a accordé par l'autre. D'où que la pression populaire ne doit pas s'arrêter tout en restant pacifique et grandiose dans son expression.