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Présence militaire US au sol en Syrie: un interdit qui n'en fut jamais un

par Kharroubi Habib

Jusqu'à avant-hier, les Etats-Unis ont eu pour position officielle qu'il n'était pas question pour eux d'envoyer des militaires américains au sol en Syrie, pays où comme en Irak ils mènent des frappes aériennes censées contrer et réduire les avancées de l'organisation terroriste Daech en leurs territoires. Il peut par conséquent apparaître à d'aucuns qu'en annonçant vendredi qu'il autorise désormais le déploiement en Syrie d'un contingent de forces spéciales américaines pour entraîner et conseiller les combattants de la rébellion syrienne «modérée» qui lutteraient aussi contre Daech, Barack Obama a levé l'interdit que le Pentagone et les services spéciaux US auraient jusqu'alors respecté.

Pourtant, des sources nombreuses et bien informées de ce que font militairement en Syrie les Etats-Unis ont révélé que la présence au sol de soldats US est une réalité depuis longtemps déjà et que si le fait en a été nié par les officiels états-uniens, ce n'est que pour duper leur opinion nationale majoritairement contre toute forme d'engagement de soldats américains dans des opérations au sol dans ce pays. Il est plus juste par conséquent de voir dans la décision du président américain l'officialisation d'une réalité qu'il ne pourrait plus cacher à ses compatriotes tant les militaires US agissant jusqu'alors «secrètement» en territoire syrien sont désormais exposés au risque accru d'être victimes des frappes aériennes menées par l'aviation russe qui pilonne aussi bien les positions de Daech que celles de la rébellion prétendument modérée à laquelle ils apportent leur expertise mais que Moscou considère comme terroriste au même titre que Daech.

En faisant savoir officiellement qu'il y a présence militaire américaine auprès de la rébellion syrienne «modérée», Obama escompte que ce fait va conduire Moscou à ordonner l'arrêt du bombardement des positions de celle-ci pour éviter le dommage collatéral de victimes américaines qui conduirait à l'inévitable dégradation des relations américano-russes. C'est aussi le message de la part de la Maison Blanche en direction de ses alliés régionaux anti-régime d'El Assad que les Etats-Unis ne mettent pas fin au soutien et à l'aide qu'ils accordent à leurs protégés syriens même en étant engagés avec la Russie dans un dialogue en vue de la recherche d'une solution politique au conflit syrien.

Obama espère enfin que sa décision aura pour effet sur le plan intérieur américain de faire taire les critiques de ses adversaires sur sa stratégie militaire au Moyen-Orient présentée par eux comme inadaptée aux réalités du terrain et encourageant la Russie à «défier» les Etats-Unis. Moscou qui n'est pas dupe du pourquoi de l'annonce faite par le président américain ne va certainement pas changer sa propre stratégie militaire en Syrie et s'est contenté de lui réitérer sa proposition d'une concertation américano-russe en vue d'éviter de quelconques dérapages pouvant mener à la confrontation. Mais une telle concertation suppose que les Américains indiquent aux Russes où sont déployées leurs forces spéciales censées être auprès uniquement de la rébellion syrienne «modérée» que les Russes promettent d'épargner s'il leur est démontré qu'elle existe vraiment. Existence démentie par tous les experts au fait de la véritable nature des groupes et organisations que recouvre l'intitulé de rébellion «modérée» forgé par les adversaires extérieurs du régime syrien.

Le mensonge et la duplicité n'ont pas été bannis de la politique étrangère américaine avec l'arrivée à la Maison Blanche de Barack Obama. Ils suintent dans chaque prise de position et initiative américaines.