Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LA SURVIE A UN PRIX

par M. Abdou BENABBOU

Le flou a définitivement enveloppé les mauvaises pérégrinations du tramway d'Oran sans doute parce que les antagonismes se sont figés dans un terrain restreint qui ne pouvait contenir que la seule confrontation des arrière-pensées et des fuites en avant. La grève et les marches continuent et il n'est pas dit que les perturbations s'arrêteront. Faute de solution, la SETRAM s'en tient à la petite gestion d'une large prise d'otage et les grévistes s'agrippent de toutes leurs forces à des emplois qui s'envolent. Ils n'ont que l'inertie et la surdité comme armes et arguments. Le quiproquo est à la hauteur des bras croisés des autorités qui ne savent plus à qui, des travailleurs ou du tramway, faudrait-il offrir l'avantage d'une vie dans une économie débridée où la confusion entre propriétaires et employés est totalement consommée.

C'est qu'il ne s'agit plus de conditions de travail et d'exploitation effrénée d'une main-d'œuvre, ni de non-respect d'un code du travail. A la base de ce suicidaire dilemme, il est question de la farouche volonté d'un pan entier de la société qui a définitivement décidé de ne plus faire la distinction entre bien public et bien privé et qui a poussé le culot jusqu'à faire de la mendicité un droit sacré.

Il est inutile de reprendre attache avec la grande littérature sur la noblesse apparente de la lutte contre l'exploitation des hommes. Le monde d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui d'hier. Pour peu que la dignité humaine soit respectée et qu'une vraie justice soit implacable, accéder à un emploi aujourd'hui obéit à des règles incontournables qui imposent pour manger l'obligation d'apporter une richesse en contrepartie. Les sociétés humaines ne se nourrissent plus aujourd'hui de rêves et de poésies et il est vrai que l'on a quelques difficultés à reconnaître dans un superbe désarroi que la tendance de la culture économique universelle actuelle est à la marche ou crève.

Le grand danger qui guette dorénavant l'économie algérienne est que la masse potentielle de la main-d'œuvre algérienne soit renvoyée à l'adossement des murs pour une hibernation perpétuelle tant est très forte la tentation des recruteurs d'aller chercher ailleurs des travailleurs étrangers.

Parce que ceux-là ont compris que la survie avait un prix.