Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

HARKI, HARKA ET LE SENS DES MOTS

par M. Abdou BENABBOU

Les mots ont les consonances et les explications qu'on veut bien leur donner. Les définitions qu'on leur accorde ont souvent des représentations arbitraires qui s'avèrent restreintes par rapport à leur bien-fondé. Un des débats de cette semaine tourne autour des harkis. Le sujet prend de l'ampleur et l'on observe une guéguerre de mots échangés comme si l'Algérie n'avait pas trop à faire ailleurs pour se fixer sur un thème qui n'intéresse plus que les discoureurs qui aiment s'écouter parler.

Ils seraient 400 000. Un peu plus, un peu moins, peu importe, le conflit verbal et littéraire repose sur l'affirmation d'un écrivain français méconnu qui a juré par ses dieux que les trois quarts d'entre eux n'ont jamais quitté l'Algérie. L'affirmation n'engage que lui, mais voici une vague humeur sur un point noir de l'Histoire algérienne qui a vite interpellé des âmes effarouchées pour contraindre les oisifs endormis à regarder au travers d'un rétroviseur factice pour se fixer sur un lointain passé qui n'a de sens que par la définition des mots qu'on veut lui donner.

Un harki est un traître et on le sait depuis longtemps. Même s'il fallait replacer son mauvais engagement dans une conjoncture particulière qui l'aurait contraint à la totale abolition de l'infime patriotisme qui l'aurait ennobli. Il a été le supplétif d'une force étrangère pour pérenniser la dépendance et l'injustice. Il a tourné le dos à ses frères au moment où ils avaient besoin d'une large et forte adhésion pour recouvrer leur dignité d'hommes. Il a servi contre l'honneur et le progrès. Il aura donc surtout accouché d'un sombre qualificatif légué à un mot méconnu jusqu'alors pour que tous ceux qui manœuvrent contre l'intérêt de leur pays soient des harkis. Qui donc des simplets illettrés et va-nu-pieds qui ont pris les armes contre leurs frères hier et des seigneurs de la rapine d'aujourd'hui sont les plus harkis ?

Sans doute faudrait-il accorder raison à l'intrusion de l'écrivain français mais en lui adjoignant une lourde correction. Les harkis en Algérie sont autrement plus nombreux. Il suffirait de s'entendre sur la vraie définition des mots.