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ENTRE DEUX SEISMES

par K. Selim

Entre les événements d'octobre 1988 et l'attaque terroriste contre la base gazière de Tiguentourine en janvier 2013, il y a un quart de siècle. Entre ces deux séismes politiques majeurs, le régime algérien a perduré tandis que l'Algérie perdait. Sur tous les plans et notamment au niveau humain avec les déchirements de la décennie 90, la perte de compétences nombreuses et un traumatisme terrible qui n'a pas été traité. On avait juré que le vote des Algériens de décembre 91 était une mauvaise réponse à des vrais problèmes, on a persisté cependant à apporter le même type de mauvaise réponse.

Aujourd'hui, il est patent que même avec une défaite des islamistes et des recettes pétrolières conséquentes, le régime est frappé d'impotence généralisée. Inapte même à être un autoritarisme qui se prévaudrait d'une certaine «efficacité» à faire marcher l'économie ou à gérer l'espace public. Ce qui se passe à Ghardaïa depuis des semaines est révélateur d'une faillite totale du système de gouvernance sans les citoyens. D'un régime où la citoyenneté est interdite. Un système qui depuis longtemps ne crée plus de valeurs mais en détruit en permanence. Qui en arrive même à faire douter d'une histoire qui doit, indubitablement, faire notre fierté. Sa seule «réussite» est d'avoir vidé l'Algérie de toute vitalité politique et d'avoir créé un désintéressement généralisé pour toute vie civique.

Entre deux séismes, on aura raté une vraie réforme engagée dans un contexte de difficultés économiques et d'instabilité politique en 90. Les réponses apportées n'ont rien résolu. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elles s'écartaient du cours de notre propre histoire et celle-ci reste au fond vivace, même si tout est organisé pour nous l'interdire. Ce que dit notre histoire est que le combat mené par des générations d'Algériens jusqu'à la révolution avait pour but la «liberté et l'indépendance». L'histoire ne se trompe pas. Ceux qui se trompent - et le bilan affligeant de l'Algérie après cinquante ans d'indépendance le confirme - ce sont ceux qui ont effacé la liberté ! Il n'y a pas de citoyens sans liberté et sans les libertés. Toutes les libertés ! Nous le savons.

Mouloud Hamrouche constatait en 2006 à l'occasion de la commémoration du 8 Mai, à Kherrata, une vérité algérienne fondamentale : l'incroyable disproportion « entre les sacrifices consentis et les résultats obtenus». Et aujourd'hui, entre deux séismes, les tenants du système algérien qui bloquent l'Algérie ne semblent pas prêts à en tirer la leçon. Bien entendu, ils peuvent continuer à jouer sur du velours. Ils ont créé cet horrible désert politique où seuls les «animateurs» de la «comédie officielle» occupent l'espace et où les alternatives sont systématiquement étouffées dans l'œuf. Ils devraient pourtant y réfléchir. Ce qui se passe au niveau «politique» avec ces flagorneurs et ces faux «stabilisateurs» est humiliant pour beaucoup d'Algériens. On joue avec leur patience. On prend leur rejet de la violence comme une approbation du statuquo ! Comme si ceux qui ont bloqué le pays entre deux séismes attendaient un troisième qui pourrait être fatal ! Il faut changer, messieurs ! Il est temps d'en finir, pacifiquement et de manière ordonnée.

Les rentiers du système ne peuvent pas continuer à fixer indéfiniment l'horizon du pays. Ce système de gouvernance est dangereux. Tellement dangereux qu'il faut que les Algériens trouvent le moyen de sortir de leur léthargie et de s'impliquer. Contre les clans, pour le pays, pour son avenir. Les Algériens doivent reprendre leur liberté confisquée au nom de «l'efficacité» par des tuteurs. Les seuls Etats forts sont ceux dont les citoyens sont libres. Seule notre liberté retrouvée pourra éviter les dérives d'un système qui ne se rend même pas compte de l'ampleur de ses turpitudes et de la sinistre image qu'il donne.