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Ce climat d'inquiétude qui a gâché la fête de l'Aïd El-Fitr

par Kharroubi Habib

La joie de célébrer la grande fête religieuse de l'Aïd El-Fitr a été quelque peu atténuée en Algérie par l'inquiétude diffuse qui occupe l'esprit de chacun de ses habitants au vu de la dégradation dramatique de leurs conditions de vie et de l'état préoccupant de la situation du pays. Celui-ci est malade, très malade.

Tous les Algériens, quels que soient la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent et le niveau qui est le leur en son sein, sont en accord sur le diagnostic et les causes du mal national, qu'ils imputent au système totalement obsolescent qui perdure dans le pays et à ses dirigeants dont la gestion a produit une immense faillite tant politique qu'économique, sociale et en conséquence morale. Mais s'ils sont unanimes sur le diagnostic et les causes du mal qu'il cerne, ils sont loin de s'entendre sur la médication dont a besoin l'Algérie pour se guérir de son mal. Bien entendu, tous pensent que cela passe par un changement total de système et de l'élite dirigeante qui s'accroche au pouvoir malgré les échecs retentissants de ses politiques et de sa gestion. C'est leur seul point de convergence sur la question. Ils s'opposent et divergent en tout s'agissant des voies et méthodes à emprunter pour réaliser ce changement. Les uns ne voient de salut pour le pays que dans une révolution populaire qui doit mettre à bas le système et faire quitter le pouvoir à ses dirigeants, d'autres dans une transition pacifique négociée entre le pouvoir et les forces vives et agissantes de la société.

Il résulte de cette divergence sur la démarche qui doit mener au changement une démobilisation populaire et la désaffection citoyenne pour l'engagement dans le combat politique qui profitent aux gens du pouvoir. Lesquels en jouent pour discréditer aussi bien les forces politiques prônant la première solution que celles qui s'en tiennent à la seconde. D'autant qu'elles soient partisanes à l'égard du pouvoir de la première option ou de la seconde, ces forces politiques se revendiquent de projets de société et d'objectifs politiques antagonistes qui rendent impossible dans leurs camps respectifs l'unité d'action entre elles face à ce pouvoir. Le pouvoir a beau être très affaibli, il parvient néanmoins à pérenniser le statu quo qui lui permet de rester en place. Cela lui est possible car les forces politiques qui le contestent ne constituent pas en leur état actuel un danger menaçant pour lui, car incapables de rallier à elles les masses citoyennes dont l'intervention est seule susceptible de l'ébranler irrémédiablement.

La dégradation de la situation du pays, l'immobilisme du pouvoir qui fait qu'il y a une absence de l'Etat sont des réalités qui en perdurant vont contribuer à faire renoncer les citoyens à leur indifférence à l'engagement politique et les pousser à revendiquer le changement autrement que par des manifestations de mécontentement et des émeutes sporadiques sans liens organiques et objectifs entre elles. Ceux qui auront cette prise de conscience n'attendront rien de la classe politique nationale quels que soient les référents doctrinaux et les fondamentaux dont se prévalent ses composantes constitutives. Son discrédit lui a d'ailleurs déjà été signifié sans appel à l'occasion du scrutin des élections législatives. Un discrédit dont elle ne semble pas s'en préoccuper car elle persiste dans la même vacuité qui a détourné d'elle les citoyens.