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FAIRE OU? ATTENDRE LE «GRAND SOIR» ?

par M. Saadoune

La décision du Front des forces socialistes (FFS) de participer aux élections législatives est celle qui a suscité le plus de polémiques. Certaines de ces polémiques ont rapidement basculé dans l'excès avec des accusations d'avoir conclu un arrangement avec le régime. D'autres critiques en apparence construites font comme si l'Algérie était à la veille d'un «grand soir» que la participation du FFS viendrait retarder. En occultant le fait que le «grand soir» fait rêver mais qu'il peut venir demain, dans 20 ans ou jamais? Et même dans le cas singulièrement optimiste où ce «D Day» arriverait sans qu'on le remarque, on le voit mal, avec la dépolitisation ambiante fortement entretenue par le régime depuis 20 ans, sortir du niveau de la jacquerie - même à grande échelle - pour aller vers la révolution.

Les anti-élections ont plein d'arguments. Ils peuvent dire que le système est verrouillé en amont au point qu'il peut se permettre de ne pas frauder. Ils peuvent aussi noter, à juste titre, que le Parlement a été totalement dépossédé des prérogatives qui étaient les siennes dans la Constitution du 23 février 1989. Ils ont raison de souligner que les médias audiovisuels ne s'ouvrent que conjoncturellement, une fois tous les cinq ans, histoire de donner le change. Ils peuvent relever que le gouvernement a refusé d'appliquer la loi sur les partis pendant près de 15 ans avant d'ouvrir les digues pour des sigles improvisés qui dévoient encore davantage la politique. Ils peuvent même s'étonner que le gouvernement n'ait fait aucun effort particulier pour éviter que le prix de la pomme de terre ne vienne jeter de l'ombre à l'élection et ruiner tous les appels au «civisme électoral».

Les anti-élections ne manquent pas d'arguments mais leur grand défaut est de ne rien préconiser. A part rester chez soi, «bouder» le régime - comme si cela le gênait vraiment ! - et attendre le? grand soir. En réalité, quand on est un vrai opposant au régime, participer est le choix le moins facile à faire. Les dirigeants du FFS n'ignorent pas que leur choix va à contre-courant d'un sentiment très répandu au sein de la société où dépolitisation et démobilisation vont de pair. Et ils le disent ouvertement, cette démobilisation et cette dépolitisation sont devenues un grave problème. Elles sont non seulement un obstacle au changement, mais elles sont devenues au fil des ans une menace pour le pays. Rester dans son coin et ne rien faire est une option facile à prendre. On cesse de se casser la tête, on dénonce de temps à autre le «pouvoir assassin» et on s'estime quitte. On peut même faire valoir une probité sans égale puisqu'on ne touche à rien et on ne fait rien. On se contente de causer, entre soi, et d'adresser des quolibets venimeux à ceux qui ont fait un autre choix.

Jusqu'à preuve du contraire - la violence étant une option exclue -, c'est ce que les anti-participationnistes préconisent: attendre la révolution sans rien faire de concret pour qu'elle advienne. Toutes les objections anti-élections sont valables? mais ne rien faire n'est pas une option sérieuse. Hier, dans un meeting, Rachid Hallat a expliqué qu'une fois à l'APN, le FFS compte mettre «le pouvoir devant ses responsabilités sur la nature du changement qu'il souhaite imprimer au pays. Si le changement ne nous agrée pas, on verra ce qu'on fera». Le FFS tente de faire de la politique dans une scène aride. Il aspire à donner un contenu à une «participation active» qui sera «conditionnée» par la disponibilité du pouvoir à cesser d'entraver le développement politique de l'Algérie. C'est très ambitieux. Mais comment lui reprocher d'essayer? de faire au lieu de rester dans son coin.