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Algérie, Maroc, une explosion différée mais inéluctable

par Kharroubi Habib

L'Algérie et le Maroc ne sont pas épargnés  par le vent de la contestation. Celle-ci pour l'instant est pacifique et n'a pas l'envergure révolutionnaire qu'elle a eue en Tunisie et en Egypte. Il n'empêche qu'elle a contraint le Président Bouteflika en Algérie et le Roi Mohammed VI au Maroc à prendre l'initiative de réformes politiques qui n'étaient nullement dans leur agenda respectif avant cela. C'est bien sous la pression de la conjoncture et de l'effervescence dont font preuve les rues algérienne et marocaine que les deux chefs d'Etat ont agi. Ont-ils pour autant opté pour les réformes qui vont mettre l'Algérie et le Maroc à l'abri des dramatiques scénarios s'étant produits dans les autres pays du monde arabe ? Rien n'est moins sûr si l'on s'en tient aux réactions que l'annonce de leurs projets de réformes ont suscitées dans les opinions publiques algérienne et marocaine.

 Les deux projets ont ceci d'identique qu'ils ne touchent pas à l'essentiel, du moins à ce que la majorité des Algériens et des Marocains voient comme tel et qui est un changement radical du système politique et de son mode de fonctionnement. En Algérie, la contestation citoyenne revendique qu'il soit mis fin au système politique qui régente le pays depuis l'indépendance en 1962. Au Maroc, elle demande que la monarchie absolue cède la place à une monarchie constitutionnelle dans laquelle le roi «règne mais ne gouverne pas».

 Les réformes proposées par Bouteflika et Mohammed VI concèdent certes quelques avancées démocratiques, mais ne touchent pas aux fondamentaux des régimes en place. Il n'est pas certain de ce fait que cela va entraîner l'apaisement dans les deux pays concernés. D'autant que les deux chefs d'Etat ont concocté leurs réformes en vase clos sans prendre l'avis de leurs sociétés civiles respectives. En Algérie, le pouvoir a donné le change en la matière en organisant un semblant de consultation des partis et de personnalités nationales. Mais l'exercice ne sera d'aucun impact sur le contenu des réformes envisagées puisque celui-ci a été déterminé par ce pouvoir seul.

 En agissant de la sorte, Bouteflika et Mohammed VI ont probablement raté l'opportunité d'entrer en osmose avec leurs peuples. Ni le président algérien, ni le monarque marocain n'ont été directement contestés par leurs peuples contrairement à leurs pairs tunisien, égyptien, yéménite ou syrien et libyen. Ils pouvaient donc engager un véritable dialogue avec leurs peuples et dégager avec eux des programmes de réformes consensuels. Au lieu de cela, ils ont usé de la ruse et font dans la diversion. D'où la certitude qu'en Algérie et au Maroc l'explosion de la révolte populaire n'a été que différée. Ce n'est pas parce que des puissances étrangères ont accordé leur satisfecit aux projets de réformes cosmétiques dont ils ont pris l'initiative que les citoyens algériens et marocains vont se contenter de ce que Bouteflika et Mohammed VI ont octroyé de «concession» à la démocratie et aux droits et libertés. Quand ces citoyens décideront alors de radicaliser leur contestation et revendications, les deux hommes d'Etat ne seront plus épargnés car coupables de ne pas avoir entendu celles-ci quand elles s'exprimaient avec mesure et dans le respect dû à leur fonction suprême.