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STRATEGIE DE LA TENSION

par K. Selim

La tension monte au Sud Liban. Des échanges de tirs entre des soldats israéliens et libanais ont fait des victimes de part et d'autre. L'incident a été provoqué par les Israéliens qui entendaient déraciner un arbre du côté libanais de la frontière, près du village de Aadaissé, dans le secteur est du sud du Liban, à une trentaine de kilomètres de la ville côtière de Tyr.

 Le contingent indonésien de la Finul tente de calmer une situation qui risque à tout moment de dégénérer dans un contexte politique hautement inflammable. La provocation israélienne intervient en effet dans un moment critique. La scène politique libanaise est agitée par diverses affaires dont les conséquences pourraient être très sérieuses et les amis du Liban manifestent une réelle préoccupation pour la stabilité du pays.

 La réunion, la semaine dernière, des chefs d'Etat syrien, saoudien et qatari à Beyrouth avec le président Sleimane et les principaux leaders du pays en est la manifestation la plus visible. Les sujets d'inquiétude ne manquent pas. La découverte d'un réseau d'espions israéliens qui contrôlait des pans entiers des systèmes de téléphonie libanais met dans une position délicate les milieux pro-occidentaux qui exigeaient le démantèlement du système de télécommunication du Hezbollah.

 D'un autre côté, selon les dirigeants du Hezbollah, le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) s'apprêterait à incriminer des responsables du mouvement dans l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri. Le TSL, soupçonné dès sa création d'être au service des Etats-Unis et d'Israël, contribuerait ainsi très opportunément à la stratégie développée par les Occidentaux d'isolement du parti du Cheikh Hassan Nasrallah.

 L'affaiblissement de la résistance est l'objectif d'une stratégie de la tension mise en œuvre depuis les élections législatives du 7 juin dernier qui ont vu le succès plutôt relatif du camp pro-occidental. Malgré des moyens immenses destinés à amplifier le score de la coalition au pouvoir, la performance du Hezbollah et de ses alliés du camp de la résistance confirme un ancrage populaire difficile à réduire par des moyens conventionnels.

 Le parti et ses alliés sont donc la cible d'attaques politiques et de stratégies indirectes destinées à les discréditer. Ainsi, après avoir abondamment nourri la presse internationale d'informations sur les stocks de missiles livrés par la Syrie au Hezbollah, les Israéliens ont diffusé des clichés aériens «prouvant» l'existence d'arsenaux et de bunkers dans les agglomérations sud-libanaises. Les experts ayant analysé ces documents ont unanimement conclu qu'ils ne montraient rien de probant.

 Mais la Finul, censée défendre les populations du Sud Liban contre les incursions israéliennes, a mené, les jours suivants, des manœuvres dans les villages de la région. Ces manœuvres de reconnaissance ont suscité l'incompréhension et la colère des populations locales, qui y ont vu à juste raison des gesticulations hostiles pour le compte de l'armée israélienne.

 Il reste que le Hezbollah n'est pas isolé. Au-delà de ses alliances politiques, le parti de la résistance dispose d'un vrai capital de sympathie auprès de l'armée libanaise, qui n'a jamais souscrit aux thèses représentant le Hezbollah comme un instrument de l'Iran et de la Syrie.

 L'escarmouche à la frontière n'est pas donc un coup de tonnerre dans un ciel d'été. L'arbre que voulaient déraciner les militaires israéliens masque mal une forêt de mauvaises intentions.