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Naïvetés arabes

par K. Selim

Des divergences entre Israël et les Etats-Unis peuvent exister, on en a eu un aperçu clair dans l'attitude confinant au mépris avec laquelle les responsables israéliens ont accueilli George Mitchell, l'envoyé spécial de Barack Obama. Rompant avec l'option de pure forme du précédent gouvernement en faveur des «deux Etats», Netanyahu a exigé que les Palestiniens reconnaissent le caractère juif de l'Etat d'Israël. Cela signifie qu'ils doivent non seulement renoncer au droit au retour, mais aussi donner toute latitude pour expulser les Palestiniens qui vivent dans le territoire qu'ils reconnaîtraient comme «juif». Les responsables de l'Autorité palestinienne ont rejeté ces exigences comme étant de nouveaux «obstacles» pour la paix. C'est une attitude sensée.

Par contre, ils font preuve, encore une fois, d'une extraordinaire naïveté en considérant comme significatif l'engagement du sénateur Mitchell en faveur de la solution des deux Etats. Il faut juste rappeler que ce discours des deux Etats a été inauguré par le plus anti-palestinien des présidents américains, George W. Bush, et qu'il aurait été difficile à l'équipe de Barack Obama de faire moins au plan du discours. Ce qui est à craindre est que l'Autorité palestinienne et les Etats arabes se contentent du constat qu'il existe des divergences entre Washington et Tel-Aviv. Car, en raison même du fonctionnement du système politique américain, ces « divergences » n'auront aucune conséquences pour Israël. Le Congrès US continuera à distribuer annuellement des milliards de dollars à Israël. Le lobby israélien veillera, si tant est que l'équipe Obama en ait l'intention, à ce que rien ne change. Il ne faut pas s'attendre non plus à ce que l'administration américaine se mette à exercer des pressions sur Israël. Dans le meilleur des cas, elle développera un discours soporifique à destination des Arabes, sans que cela gêne un Etat qui continue à coloniser les territoires palestiniens.

Le réalisme commande de postuler que l'existence de divergences entre les Etats-Unis et Israël n'aura aucune incidence concrète. S'en remettre aux Etats-Unis pour trouver une solution a été une supercherie durant ces dernières années. L'arrivée d'Obama, aussi ouvert soit-il, ne changera pas la donne. L'évolution de la situation dépendra largement de la politique qui sera menée par les Etats arabes. S'ils renoncent à agir, à utiliser les leviers dont ils disposent, l'administration américaine n'aurait aucun intérêt à bousculer le statu quo colonial. Après tout, la politique terriblement indigente de certains Etats arabes sert d'alibi à ceux qui, en Israël et aux Etats-Unis, affirment que la priorité n'est pas la Palestine mais l'Iran et son programme nucléaire. Netanyahu peut affirmer qu'il est d'accord avec les Etats arabes « modérés » qui promeuvent une propagande outrancière autour d'une fantomatique « menace iranienne ».

Cette diversion monumentale assombrit les perspectives pour les Palestiniens. Et il ne faut pas espérer qu'il en soit autrement tant que les Etats arabes ne sont pas prêts à mettre leurs ressources dans la balance. Le choix « stratégique » de la paix assumé par les Etats arabes n'a comme réponse du côté israélien qu'un choix stratégique de guerre. Il faut en tirer une conclusion. Personne n'attend des Etats arabes qu'ils fassent la guerre. Ils feraient beaucoup en déclarant que le plan de paix arabe est définitivement retiré de la table et que face à l'intransigeance de l'Etat d'Israël, la résistance sous toutes ses formes est une option légitime. C'est cela qui pourrait donner à réfléchir à l'administration américaine. Celle-ci ne cédera pas d'un pouce si aucun signe ne vient des Etats arabes...