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Détachement syndical dans l'éducation: Entre explications du ministère et réserves des syndicats

par M. Aziza

Le ministère de l'Éducation nationale a affirmé, samedi, dans un communiqué, que son appel adressé aux membres des organisations syndicales pour régulariser leur situation juridique, en matière de détachement, vise à les protéger et non à leur imposer des restrictions.

Le département de Mohamed Seghir Saâdaoui assure que cette démarche ne porte, en aucun cas, atteinte au principe de l'exercice du Droit syndical. De leur côté, des syndicats estiment que le problème dépasse largement la question du détachement et s'inscrit dans une remise en cause plus globale de l'action syndicale, à travers la loi 23-02, relative à l'exercice du Droit syndical. Ils réclament une modification de la loi syndicale en question.

Dans son communiqué, le ministère explique que, suite à la décision des directions de l'Éducation invitant les membres des organisations syndicales, tant au niveau national que local, à régulariser leur situation juridique conformément à la loi 23-02, « certaines interprétations erronées et tentatives de désinformation de l'opinion publique » ont été constatées.

Le ministère précise que la loi 23-02 du 25 avril 2023 a clairement encadré la question du détachement, notamment à travers l'article 119, alinéa 3, qui stipule que le détachement entraîne la suspension de la relation de travail et que la rémunération du travailleur détaché est à la charge de l'Organisation syndicale concernée. Or, selon le ministère, plusieurs membres des Organisations syndicales ne disposent actuellement ni d'un détachement conforme à la loi, ni n'exercent leur activité initiale au sein de leurs établissements éducatifs, tout en continuant à percevoir leur rémunération du ministère. Une situation qualifiée d'irrégulière, qui a motivé l'appel à la régularisation «uniquement dans un souci de protection des concernés », et non pour leur imposer des restrictions.

Ainsi, le ministère invite les membres des organisations syndicales soit à accomplir les procédures légales de détachement auprès de leurs syndicats, soit à reprendre leur activité initiale dans leurs établissements. Il insiste sur le fait que cette mesure « n'affecte en rien le droit d'exercer une activité syndicale », réaffirmant que ses portes restent ouvertes au dialogue et à la coordination, dans le respect strict de la loi.

Des syndicats réclament une modification de la loi

Contacté par nos soins, Sadek Dziri, président de l'UNPEF, estime que le problème ne se limite pas au détachement, mais concerne l'ensemble de la loi 23-02, dont plusieurs articles seraient, selon lui, conçus « pour affaiblir le travail syndical au lieu de le renforcer en faveur de l'amélioration des conditions de travail des personnels éducatifs et de la qualité de l'enseignement ».

Il rappelle que cette loi a, non seulement, durci certaines dispositions, mais a également supprimé des avantages auparavant accordés aux syndicalistes, à l'instar de ce qui existe dans de nombreux pays, notamment le principe du temps consacré à l'activité syndicale comparable à celui dont bénéficient les parlementaires pour exercer pleinement leur mandat, d'autant plus que les responsables syndicaux sont des délégués élus. Sadek Dziri affirme que les syndicats ont exprimé leurs réserves dès l'adoption de la loi, allant jusqu'à saisir le président de la République, par écrit. Une commission regroupant des représentants de l'UGTA et du ministère du Travail travaille actuellement sur ce texte. Il souligne que plusieurs articles ont été catégoriquement rejetés par les syndicats, qui demandent ouvertement une modification de la loi afin d'éviter toute régression et la perte des acquis syndicaux. Selon lui, la situation actuelle empêche même l'installation de sections syndicales ou la tenue de réunions avec les adhérents au sein des établissements scolaires en dehors des heures de travail.

Pour sa part, M. Amoura, président du SATEF, estime que le débat nécessite une lecture complète de la loi, notamment de l'article 159, et insiste sur la distinction entre détachement et mise à disposition. Il affirme que ce dont bénéficient les syndicalistes relève de la mise à disposition accordée par le ministère, et non d'un détachement du secteur. Il explique que, conformément à la loi, la mise à disposition doit faire l'objet d'une demande négociée, et que la rémunération doit effectivement être prise en charge par le syndicat, ce que ce dernier est prêt à assumer. Toutefois, il dénonce le caractère « brusque » de la décision ministérielle, estimant qu'elle aurait dû faire l'objet de concertations préalables, d'autant plus que la loi a été adoptée en 2023. M. Amoura s'interroge également sur la procédure appliquée, soulignant que ces décisions devraient relever des directions des Ressources humaines, et non des directions de l'Éducation.

Enfin, le président du SATEF s'étonne de la célérité avec laquelle cette question est traitée, alors que d'autres dossiers attendent toujours leurs textes d'application, notamment ceux relatifs à la retraite de moins de trois ans, un avantage accordé aux enseignants par le président de la République. Et la question relative à la réduction du volume horaire pour les enseignants dont l'application tarde à venir.