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La lutte contre les incendies de forêts: La priorité absolue de Saïd Sayoud!
par Cherif Ali* Des
dizaines de feux se sont produits ces derniers jours. Ils ont conduit à
l'évacuation de dizaines de familles et dévasté plusieurs hectares de forêts. Un
phénomène inhabituel à cette période, qui a conduit les pouvoirs publics à
réagir.
Que plus d'une dizaine d'incendies se déclarent le même jour, dans plusieurs wilayas éloignées les unes des autres, et en pleine période saisonnière où la chaleur n'est pas un facteur majeur de risque, dépasse largement le cadre de la simple coïncidence naturelle ce qui a fait réagir les pouvoirs publics et à leur tête le président Abdelmadjid Tebboune. Prenant la mesure du danger, il a exigé l'ouverture immédiate d'une enquête afin de déterminer les causes de ces incroyables incendies ; celle-ci a aboutie à l'interpellation de quatre présumés incendiaires qui ont été écroués sur ordre du procureur de la République territorialement compétent. Comme pour chaque sinistre, la réponse des autorités à été immédiate et a consisté en une prise en charge des sinistrés à travers plusieurs dispositifs d'urgence et de solidarité qui ont été immédiatement déclenchés. Le risque reste tout de même élevé et la menace est réelle ; néanmoins, la situation demeure gérable jusqu'à présent, grâce à la vigilance des personnels de la protection civile . Il n'en reste pas moins qu'il est adii^i^mis que les incendies de forêts sont fréquents durant la saison sèche qui s'étend de début juin à fin octobre de chaque année. Durant cette période, la végétation est confrontée à un stress hydrique. Les plantes perdent une quantité importante de l'eau absorbée par le processus de l'évapotranspiration, afin d'atteindre un certain équilibre de température. La végétation se dessèche et constitue ainsi un excellent combustible pour les feux et, aussi étonnant que cela puisse paraître, les feux de forêts, selon les experts, sont aussi vitaux pour la forêt que le soleil et la pluie : - Ils permettent d'éliminer les arbres les plus vulnérables aux insectes au même titre qu'aux maladies. - Ils favorisent également la croissance des jeunes plantes en produisant des ouvertures permettant au soleil de les atteindre. - Certaines espèces de conifères ont même besoin de la chaleur des incendies pour ouvrir leurs cônes et libérer les graines qui donneront, à leur tour, naissance à de nouveaux arbres. De ce qui précède, il serait toutefois légitime de se demander ce qui rend les feux de forêts non seulement plus fréquents, mais aussi plus violents et remarquablement incontrôlables. Les experts pointent du doigt le nombre croissant des habitants en prise directe avec la forêt même si les années noires de grands feux sont des scénarios sans cesse répétés. Ils sont surtout exacerbés par la pression démographique et l'interpénétration croissante des espaces forestiers et de l'habitat qui font que les enjeux s'accroissent considérablement. Il n'en reste pas moins que les points d'éclosion de grands feux reviennent à intervalles réguliers dans certaines de nos régions et les changements climatiques n'en sont pas les causes principales ! Chaque année donc, des milliers d'hectares de forêts sont dévorés par les flammes.La faune, la flore, le tourisme et l'air ambiant sont les principales victimes des feux de forêt qui ont ravagé ces dernières années les massifs montagneux de l'Algérie. Si en valeur absolue les superficies brûlées restent, relativement, modestes comparativement à certains pays du bassin méditerranéen, la rareté des forêts et les menaces de désertification font que les incendies ont un impact particulièrement désastreux sur l'environnement sans compter bien évidemment les atteintes aux riverains qui en viennent à perdre leurs biens, leurs terres, leurs animaux et pour certains, leur vie ! Même si les causes directes des feux sont le plus souvent humaines, que ce soit par des départs de feu accidentels ou criminels, les études tendent à prouver que l'augmentation de l'étendue des dégâts est une répercussion du changement climatique qui assèche la végétation et entraîne une augmentation du risque des feux des forêts. Les températures plus élevées favorisent la transpiration des plantes et assèchent l'eau contenue dans lIes sols. Ces deux faiits conjugués rendent plus propice le risque d'iincendie. Mais les spécialistes sont allés plus loin en affirmant avoir identifié 29 motifs d'incendies possibles pour l'Algérie ! Ils les ont divisés en trois catégories : naturels, accidentels par malveillance, et/ou négligence. Ces experts sont arrivés à la conclusion qu'en Algérie, il n'existe pas déjà de « Programme institutionnalisé d'enquêtes sur les motifs des incendies » ! Ce qui réduit, selon eux, l'efficacité potentielle des initiatives de prévention, par manque d'actions ciblées sur les groupes humains responsables. La prévention, disent-ils, restera donc vouée à l'échec. Et ancrée à des modèles maintenant dépassés qui ne s'appuient que sur des infrastructures du type pistes, points d'eau et pare-feu. Les pouvoirs publics s'en sont tenus, quant à eux, à leur idée, à savoir que des nombreux incendies qui ont ravagé l'été dernier des milliers d'hectares de forêts dans les wilayas du pays, ont été causés par des « mains criminelles »! Et la motivation de cette « pyromanie » était avant tout pécuniaire! Ils rejoignent en cela les riverains des massifs forestiers qui avaient estimé que «l'on est en face de prédateurs du foncier; c'est une opération politique, une vengeance orchestrée par des centres prédateurs dérangés visant à garrotter la prédation, récupérer le foncier agricole détourné de sa vocation ou utilisé, exclusivement, comme garantie pour l'obtention des crédits bancaires qui ne donnent lieu à aucun projet». C'est maintenant établi : des maffieux tirent profit des hectares dévastés qui sont récupérés pour les besoins des promoteurs immobiliers sans scrupules. Il y a aussi l'escroquerie à l'assurance pratiquée par certains pour retaper leurs maisons ou se faire rembourser leurs plants ! Il y a également les chercheurs de miel sauvage qui n'hésitent pas à enflammer les branches pour récupérer le produit. Ces catastrophes ont bien sûr fait réagir d'autant plus que derrière les récents incendies, des criminels pyromanes ont agi pour leur propre compte ou pour des lobbies. A ce niveau de cette contribution, il conviendrait toutefois, d'apporter les précisions suivantes telles que rapportées par certains psychiatres : 1. Il ne faudrait pas confondre pyromane et incendiaire. 2. L'incendiaire met le feu dans un but précis : il s'en prend a l'entreprise du patron qui l'a licencié, ou au champ du voisin avec lequel il est en conflit. Le pyromane, lui, n'a d'autre but que de répondre à une excitation qui l'obsède. C'est une pulsion profondément ancrée d'où les fréquentes récidives. 3. On ne le prend pas la main dans le sac parce qu'il cherche justement à jubiler, d'avoir été à l'origine de ce spectacle grandiose, qu'il regarde. 4. Le pyromane est hyperactif; sa pulsion est tellement forte qu'il peut allumer beaucoup de feux. 5. On a du mal à le prendre sur le fait. 6. Ensuite il faut prouver sa culpabilité et ensuite trouver la bonne mesure médicale, sociale, pénale. 7. Certains pyromanes vont même jusqu'à se rapprocher de l'enquête, ou revenir quelques fois sur les lieux. Et c'est à cette occasion-là, que quelques fois, ils peuvent se faire repérer par les services de sécurité. A cause des changements climatiques, les feux de forêts risquent de devenir plus fréquents et plus intenses dans les pays au pourtour méditerranéen en général et en Algérie en particulier. Il est donc primordial de mettre en place«une stratégie de prévention et de lutte contre les incendies de forêt qui sont classés parmi les dix risques majeurs inscrits dans la loi 04-20 du 25 décembre 2004 relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable». Au ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, on plaide pour la création d'un fonds qui « financera toutes les activités de prévention avant et pendant les catastrophes». Pour l'heure, «des mesures proactives»ont été prises par le département de Said Sayoud pour faire face aux catastrophes majeures, a travers l'installation du»Comité national d'intervention contre les incendies de forêt»le 27 février, au lieu de la fin du mois de mai. Quant aux communes, elles sont dans l'obligation de : 1. mettre à jour leurs plans Orsec 2. réfléchir surun système d'alerte rapide pour signaler tout départ d'un feu 3. prévoir des aménagements adéquats pour faciliter l'intervention des services compétents en matière de lutte contre les feux de forêt 4. procéder en temps et en heure, aux débroussaillages nécessaires des endroits à risque 5. d'identifier les moyens humains et matériels à mobilier rapidement en cas d'incendie Il faut dire aussi que le laisser-aller et les interventions conjoncturelles d'un personnel non formé pour la circonstance aggravent la situation, quand la catastrophe se produit ! Mais force est de constater qu'en l'absence d'une stratégie d'intervention à moyen et à long termes, les mêmes erreurs et les mêmes défaillances se reproduisent de manière cyclique, avec leur lot de drames humains et de dégâts matériels. Est-il besoin de rappeler par le passé, les étés meurtriers et les incendies avaient marqué profondément les populations durement touchées dans leurs chairs et leurs biens? Elles s'attendaient, pour le moins, et devant la gravité de la situation, à ce que le gouvernement classe leurs régions « zones sinistrées ». C'est cette insolente torpeur, le manque de réactivité, voire l'indifférence des institutions, tant centrales que locales, à l'égard de la détresse des populations qui avaient provoqué par le passé la désaffection de ces dernières à l'occasion des élections. Ce qui, rappelons-nous, avait fait réagir le président Abdelmadjid Tebboune qui, dans l'urgence, avait convoqué «le Haut-Conseil de sécurité»suite aux dysfonctionnements graves qui avaient impacté négativement la vie du citoyen. Ils ont pris la forme, dans certains cas, d'actes de sabotage destinés à nuire à la bonne marche de l'économie et des institutions du pays. Il avait insisté pour que des enquêtes approfondies soient menées avec la plus grande célérité sur de tels agissements, entre incendies de forêts, ruptures en alimentation en électricité et eau potable, indisponibilité brutale des liquidités au niveau des centres postaux et dégradation des bouteilles et citernes d'oxygène dans les hôpitaux, à l'effet de déterminer avec précision les véritables responsabilités. L'État s'emploie, à travers toutes ses institutions à mobiliser tous les moyens matériels et humains afin d'éviter la répétition des catastrophes causées par les feux de forêts et de sauvegarder les vies et les biens, et ce dans le cadre d'une feuille de route élaborée en collaboration avec les différents départements ministériels, les services concernés, la société civile et la population locale,a déclaré Said Sayoud le Ministre de l'Intérieur qui a fait de la lutte contre les incendies de forêts sa priorité absolue ! Notre Protection civile est une force de frappe et nos équipes l'ont prouvé lors des interventions faites ici en Algérie et ailleurs, en Syrie, en Turquie et, dernièrement, en Libye, a-t-il ajouté. Conclusion Les incendies de forêts en Algérie ne relèvent plus du simple aléa climatique. Ils traduisent un malaise profond mêlant délinquance environnementale, spéculations foncières, négligences institutionnelles et troubles psychiques. Entre les incendiaires aux intérêts bien calculés et les pyromanes guidés par des pulsions incontrôlées, la forêt devient un théâtre de destruction aux conséquences écologiques, sociales et économiques dramatiques. Face à cette menace multiforme, seule une stratégie nationale globale, anticipative et coordonnée peut mettre hors d'état de nuire ceux qui exploitent les failles du système. Cela implique la modernisation des moyens de surveillance, l'application rigoureuse de la loi, la formation spécialisée des intervenants, mais aussi une véritable mobilisation citoyenne autour de la protection de notre patrimoine forestier, désormais en sursis. La forêt algérienne ne doit plus être le champ de bataille de l'inconscience, de l'avidité ou de la vengeance. Elle doit redevenir un bien commun, protégé avec la rigueur d'un État et la vigilance d'un peuple. *Ancien Cadre Supérieur de l'Etat | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||