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La capitulation: L'Europe affiche sa fermeté verbale tout en révélant ses limites stratégiques
par S. L. Les
déclarations du général Fabien Mandon et du président
Macron sur la menace russe ont provoqué un choc : en évoquant la nécessité «
d'accepter de perdre nos enfants » dans un conflit potentiel, ils dépassent la
simple stratégie militaire pour installer un climat psychologique de guerre.
Cette rhétorique illustre un paradoxe inquiétant : l'Europe affiche sa fermeté
verbale tout en révélant ses limites stratégiques. Entre posture martiale et
incapacité à négocier, prépare-t-on le pays à la guerre ou à comprendre les
réalités d'un monde multipolaire ? Cette tribune appelle à un débat lucide sur
la sécurité, la paix et la responsabilité politique.
Lorsque, devant les maires de France, le général Fabien Mandon affirme que le pays doit se préparer à un « choc » militaire avec la Russie dans trois à quatre ans, son message dépasse largement la prudence stratégique. Lorsqu'il ajoute qu'il faudra accepter « de perdre nos enfants », ses mots ne sonnent plus comme un avertissement : ils sonnent comme un conditionnement psychologique. Cette phrase - brutale, calculée ou irréfléchie - révèle une dérive profonde dans la posture stratégique européenne. Le discours officiel ne vise plus uniquement à dissuader ; il façonne progressivement une opinion publique résignée à l'idée d'un affrontement présenté comme fatal. Et ce glissement, pour beaucoup, est aussi inquiétant que les menaces qu'il prétend conjurer. Aujourd'hui, la confrontation n'est plus théorique : l'OTAN et la Russie se battent déjà sur le sol ukrainien. Les forces occidentales et russes s'affrontent indirectement, via le soutien militaire, les livraisons d'armements, la coordination tactique et la guerre de l'information. L'Ukraine est devenue le terrain où se mesure la capacité de dissuasion et la crédibilité stratégique de l'Occident face à la puissance russe. Dans ce contexte, les propos du général Mandon prennent une dimension encore plus inquiétante : ils préparent psychologiquement la population à accepter des pertes humaines dans un conflit déjà latent. Derrière cette posture, il faut comprendre la volonté obsessionnelle de certaines directions politiques, en particulier celle du président Emmanuel Macron, de voir la Russie subir une défaite militaire et politique, jusqu'à envisager son démantèlement stratégique. Cette obsession colore la communication officielle et justifie des discours de confrontation qui vont au-delà de la dissuasion. Elle crée un climat où la rhétorique guerrière supplante le raisonnement diplomatique, et où les risques humains sont minimisés au profit de calculs de prestige et de pouvoir. Il est difficile d'imaginer que les responsables politiques ignorent la puissance destructrice de l'arsenal russe ou les conséquences humaines d'un affrontement ouvert. Leur posture ressemble davantage à un folklore médiatique qu'à une analyse rationnelle : elle sert à justifier des choix budgétaires et stratégiques qui militarisent profondément le pays, tout en préparant l'opinion publique à accepter des sacrifices massifs. C'est un langage de mobilisation émotionnelle, mais non de lucidité stratégique. Cette dérive communicationnelle devient encore plus visible face aux contradictions occidentales sur d'autres dossiers géopolitiques. L'Occident n'a rien trouvé à redire lorsque des plans unilatéraux ont été imposés à Gaza, alors que le même camp critique aujourd'hui le plan politique en 28 points pour l'Ukraine, non par souci de justice ou de droit international, mais parce que le rapport de force global a évolué. Cette hypocrisie illustre que la rhétorique guerrière n'est souvent qu'un substitut pour masquer l'incapacité à gérer des crises dans un monde multipolaire. Plutôt que de préparer les sociétés à la guerre et à la mort de leurs enfants, la France et l'Europe gagneraient à promouvoir des stratégies de désescalade, de dialogue et de coopération multilatérale. L'utilisation d'un langage belliqueux est non seulement contre-productive, mais elle risque de nous entraîner dans un engrenage dangereux, d'autant que la Russie demeure une puissance nucléaire majeure dont la force de frappe ne peut être ignorée. Il est urgent de rejeter ce folklore militariste et d'ouvrir un débat démocratique honnête sur les priorités, la paix et la sécurité. Préparer les citoyens à la guerre ne les protège pas : elle les expose inutilement, tout en masquant les vrais défis géopolitiques. La sécurité européenne ne se construira pas sur l'intimidation verbale ou l'obsession de voir l'adversaire « vaincu », mais sur la lucidité, le dialogue et la maîtrise du réel. Aucun peuple européen n'est prêt à mourir pour sauver une stratégie mal pensée ou satisfaire des obsessions politiques. Aucune société ne doit sacrifier une génération parce que ses dirigeants refusent de tirer les leçons de Munich 2007, lorsque Vladimir Poutine avertissait déjà l'Occident sur les dangers de l'expansion militaire et du mépris du rapport de forces réelles. Lorsqu'un État en vient à demander à ses citoyens d'accepter la mort de leurs enfants, ce n'est jamais une preuve de force : c'est l'aveu qu'il ne sait plus garantir la paix. Et aucun peuple, dans l'histoire, n'a pardonné à ses dirigeants d'avoir confondu leur incapacité avec le destin. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||