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Alger, carrefour de l'avenir africain: Pourquoi le 4e Congrès africain des startups peut marquer un tournant historique
par Oukaci Lounis* Quand
l'Histoire s'écrit, elle ne parle pas. Elle œuvre en coulisse, en orchestrant
les rencontres, les désirs, les prises de conscience. Ce qui se joue
aujourd'hui à Alger va au-delà de l'organisation d'un événement continental :
c'est un tournant.
La tenue de la 4e édition du Congrès Africain des startups, sous le haut patronage de Monsieur le Président Abdelmadjid Tebboune, marque un tournant : l'entrée de l'Afrique dans l'ère de la souveraineté technologique et de l'économie de la connaissance. Cette dynamique ne se construit pas en vase clos. À cette équation puissante s'ajoute un quatrième levier décisif : la diaspora africaine hautement qualifiée. Chercheurs, ingénieurs, entrepreneurs, investisseurs... ils sont des milliers à faire rayonner leur expertise dans les plus grands pôles mondiaux du savoir et à revenir - physiquement ou par leurs réseaux - contribuer à l'édification d'une Afrique technologiquement souveraine. Ils ne sont plus des « expatriés » : ils sont des éclaireurs, qui ramènent au pays technologies, partenariats, marchés et vision stratégique. Ainsi, Alger 2025 ne sera pas seulement un congrès : c'est la démonstration qu'une autre Afrique est déjà en marche une Afrique qui décide, qui innove, qui influence. L'Afrique ne veut plus être le théâtre des changements du monde : elle veut en être le centre de gravité. Alger, par ce congrès envoie un message clair : notre avenir se prépare ici et maintenant, par nous et pour nous. L'Afrique n'a pas besoin de modèles. Elle a besoin de chemins. Le continent a été prescrit pendant des décennies. On a voulu y transposer des modèles élaborés ailleurs, pour d'autres besoins, d'autres rythmes, d'autres sociétés. Ces transplantations forcées ont créé des écosystèmes incomplets, des politiques économiques inappropriées et une déconnexion périlleuse entre les aspirations sociales et les réalités économiques. Aujourd'hui l'Afrique change de paradigme : Elle ne triche plus. Elle fabule. Elle ne suit plus. Elle dessine. Cette création n'est pas fortuite. Elle est le fruit d'une intelligence collective qui s'assume : celle de la jeunesse africaine, plurilingue, connectée, créative, fière, ancrée dans son histoire et dans son avenir. Et l'Algérie est au cœur de cette dynamique. Parce que la nouvelle route africaine de l'innovation ne se trace plus seulement depuis Lagos ou Nairobi : elle se conçoit aussi depuis Alger, carrefour stratégique entre l'Afrique et la Méditerranée. Forte d'un capital humain scientifique, technique et entrepreneurial d'une densité rare, portée par une diplomatie économique qui fédère plutôt qu'elle n'isole, guidée par une vision politique assumée de l'intégration continentale, l'Algérie ne se contente pas d'accueillir un congrès : elle donne une direction, elle fixe un cap, elle affirme un leadership continental en construction. Elle ne revendique pas simplement une place dans la carte africaine de l'innovation : elle revendique la maîtrise du compas, au service d'une trajectoire souveraine, inclusive et résolument ambitieuse pour tout le continent. Des startups africaines, oui - mais souveraines, solides, stratégiques Depuis plus d'une décennie, l'écosystème africain des startups connaît une effervescence remarquable : inclusion financière, santé, agriculture, énergie, mobilité... L'Afrique invente, crée, répond à ses propres défis. Mais la créativité seule ne fait pas une puissance. Le vrai enjeu n'est pas de créer des startups : c'est de créer des champions. Des entreprises qui survivent, grandissent, conquièrent des marchés continentaux, exportent, bâtissent des chaînes de valeur locales et résistent aux chocs mondiaux. Car le succès éphémère ne suffit plus : l'Afrique doit produire des institutions technologiques. Pour y parvenir, quatre fondations sont indispensables : - des financements souverains, pour garder la propriété de nos innovations ; - des infrastructures numériques maîtrisées localement, qui sécurisent nos données et notre connectivité ; - des formations de haut niveau, calibrées sur la vitesse du progrès scientifique ; - un cadre réglementaire propulseur, qui récompense l'audace plutôt que la prudence immobile. À cela s'ajoute une clé majeure : un marché continental intégré porté par la ZLECAF, moteur naturel de la croissance africaine. Le risque serait fatal : créer des startups africaines... qui ne seraient plus africaines quand elles réussissent. Ce serait reconduire un vieux schéma extractif : l'Afrique invente, d'autres s'enrichissent. Il est temps d'affirmer une stratégie claire : souveraineté sur nos technologies, souveraineté sur nos données, souveraineté sur nos plateformes. Car au XXII siècle, la souveraineté économique est d'abord technologique. Et c'est précisément ce socle que doit ériger le Congrès Africain des Startups : un écosystème solide, fédéré, visionnaire capable de transformer l'innovation en puissance. Une dynamique irréversible : la jeunesse prend la parole Il y a encore peu de temps, l'Afrique était racontée par d'autres : par les institutions qui l'analysaient de loin, par les experts qui parlaient en son nom, par les récits extérieurs qui lui assignaient une place dans l'économie mondiale. Cette époque appartient désormais au passé. Aujourd'hui, une nouvelle génération surgit avec une certitude inébranlable : l'Afrique ne sera plus spectatrice de son destin elle en sera l'autrice. Et ce basculement n'est pas théorique : il se mesure, il s'observe, il se vit. Partout sur le continent, des milliers de jeunes innovateurs s'emparent des défis réels : - ils créent des emplois au lieu de les attendre, - ils construisent des solutions plutôt que de dénoncer des problèmes, - ils choisissent l'ambition au lieu de la résignation, - ils voient dans la technologie un raccourci vers la puissance, et non un luxe réservé aux autres. Cette jeunesse n'a pas les complexes historiques de ses aînés. Elle ne se demande plus si elle peut réussir ; elle se demande comment et à quelle vitesse. Elle a remplacé la peur de l'échec par une culture du rebond, et la dépendance par une logique de souveraineté. Elle est ingénieure, codeuse, designer, scientifique, entrepreneur... Elle est parfois diplômée des plus grandes universités, parfois pure autodidacte : mais elle a en commun une volonté farouche : construire une Afrique debout, compétitive et fière. Cette énergie bouleverse les cadres : - les frontières linguistiques se fissurent, -les barrières bureaucratiques se contournent, -la mobilité des idées dépasse celle des capitaux, -l'innovation devient un acte citoyen. Car l'enjeu n'est pas seulement économique : il est identitaire, politique, civilisationnel. En prenant la parole, la jeunesse africaine fait plus que s'exprimer : - elle redéfinit le rôle du continent dans le monde. - elle invente un nouveau paradigme de progrès. - elle répartit à nouveau les cartes de la puissance Ce Congrès Africain des Startups ne doit donc pas être une simple rencontre technologique. Il doit être l'espace de légitimation où cette jeunesse n'est plus invitée à parler... mais appelée à décider. Parce qu'une génération qui se lève ne demande pas de permission. Elle avance. Elle construit. Elle transforme. Et lorsque la jeunesse d'un continent de 1,4 milliard d'âmes décide d'assumer son destin... cela ne s'appelle plus une tendance. Cela s'appelle une histoire en marche. Une dynamique irréversible. Alger 2025 : le début d'un Davos Africain de l'innovation ? Dans le monde contemporain, les grandes villes ne se contentent plus d'être des capitales administratives. Elles deviennent des plaques tournantes du futur, des lieux où se décident les équilibres économiques et géopolitiques de demain. Davos a façonné la mondialisation financière. Shenzhen a modelé la révolution technologique chinoise. Bangalore a propulsé l'Inde dans l'économie numérique. Et si Alger s'imposait désormais comme le cœur battant de la souveraineté technologique africaine ? La capitale algérienne possède tous les éléments stratégiques pour occuper cette position : Une stabilité politique consolidée, qui permet la vision à long terme - Une diplomatie active, capable de fédérer le Maghreb, le Sahel et l'Afrique subsaharienne. - Un marché national et régional immense, ouvert vers l'Europe et l'Afrique profonde. - Une jeunesse éduquée et ambitieuse, familière des technologies avancées. - Une volonté étatique affirmée, qui inscrit l'innovation dans le projet national L'Algérie n'entre pas dans l'ère de l'innovation par hasard : elle y entre par choix stratégique. Ce Congrès Africain des startups ne doit donc pas être perçu comme une simple manifestation, même réussie. Il doit devenir : - Un rendez-vous annuel mondialement reconnu, - Un centre permanent de réflexion et d'action, - Un accélérateur continental de transformation économique, -Un hub africain du numérique, de la fintech à l'IA en passant par l'énergie verte. Et si demain, lorsque l'on prononcera le mot « innovation africaine », le premier nom qui vient à l'esprit était Alger ? Ce congrès peut être l'acte fondateur d'un basculement global : un continent qui cesse de contribuer aux agendas des autres et commence à faire écrire le monde selon ses propres priorités. - L'Afrique n'a pas besoin de Davos. - L'Afrique peut créer son propre Davos. - Et tout peut commencer ici : À Alger - En 2025. La diaspora africaine : le chaînon manquant devenu chaînon stratégique Il existe aujourd'hui une force que l'Afrique a longtemps sous-estimée : sa diaspora à haut niveau de compétence. Des milliers d'ingénieurs, chercheurs, investisseurs, dirigeants d'entreprises technologiques africains brillent dans les plus grands pôles mondiaux : Silicon Valley, Paris-Saclay, Berlin, Toronto, Londres, Dubaï, Shenzhen... Ils sont la preuve vivante que le génie africain n'a jamais été en déficit seulement en exil. Pendant longtemps, cette diaspora a été vue comme une perte, un « brain drain ». Aujourd'hui, elle devient une puissance, un « brain gain », un cercle vertueux de compétences, de capitaux et de réseaux. Car ces femmes et ces hommes apportent : - Des expériences technologiques de pointe - Des normes et standards internationaux - Des réseaux d'affaires et de partenariats stratégiques - Des capacités d'investissement. - Une vision globale mais enracinée dans les réalités africaines Ils représentent la passerelle naturelle entre l'Afrique et les écosystèmes technologiques les plus avancés du monde. Et c'est précisément ce qui peut faire d'Alger un carrefour continental : Une plateforme où la diaspora ne revient pas par nostalgie, mais par opportunité stratégique. Un lieu où elle ne vient pas seulement partager du savoir, mais construire de la valeur. Un espace où elle cocrée avec les talents locaux des entreprises africaines capables de conquérir la planète. La diaspora n'est pas une périphérie du continent. Elle en est l'extension vitale dans le monde. Le Congrès Africain des startups doit donc être un point d'ancrage : une invitation claire aux experts et investisseurs de la diaspora à redevenir bâtisseurs de leur continent. Leur retour n'est pas un retour en arrière. Il est un retour vers l'avenir. Conclusion - Ce n'est pas un congrès. C'est un acte de souveraineté. Les grandes révolutions ne commencent jamais avec fracas. Elles s'enracinent dans des décisions lucides, dans des volontés alignées, dans la capacité d'un peuple à regarder haut, loin et juste. Ce qui se joue aujourd'hui à Alger n'est pas simplement une rencontre entre startups, investisseurs et institutions. Ce qui se joue aujourd'hui, c'est la possibilité pour l'Afrique d'entrer dans l'Histoire avec son propre stylo. Dans un monde où la puissance n'est plus seulement militaire ou énergétique, mais technologique et cognitive, se doter d'un écosystème d'innovation souverain n'est pas un luxe : c'est une condition d'existence. Ce congrès incarne donc un choix clair : - Celui de l'indépendance stratégique. - Celui de la création de valeur locale. - Celui d'un continent maître de ses données, de ses technologies et de son avenir. Parce qu'une Afrique qui innove, c'est une Afrique qui ne s'excuse plus d'être ambitieuse. Parce qu'une Afrique qui entreprend, c'est une Afrique qui ne négocie plus sa place : elle la construit. Parce qu'une Afrique qui décide, c'est une Afrique qui ne demande plus de reconnaissance : elle s'impose. - Ici, à Alger, se joue un commencement. - Un acte fondateur. - Une page nouvelle que nous écrivons ensemble. L'Afrique ne se contente plus d'observer le futur. Elle est en train de le façonner. Et dans cette aventure, il n'y a pas de spectateurs. Il n'y a que des bâtisseurs. *Professeur Université de Constantine 2 Référence : Oukaci, L. (2024). Économie du savoir : cultiver l'innovation. Projet de politique éducative pour l'Algérie et le continent africain. Éditions universitaires européennes (EUE). ISBN 978-620-6-70752-3. |
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