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Il devra porter les exportations hors-hydrocarbures à 6 millions de tonnes/an dès 2028: Le mégaprojet d'extension du port d'Arzew fait déjà exploser les chiffres

par Houari Saaïdia

  Poumon de l'Economie nationale de par son statut de porte de sortie principale des hydrocarbures exportés vers l'étranger, le port d'Arzew poursuit son développement pour conforter sa pole position stratégique tout en étant au cœur des nouveaux enjeux économiques du pays fondés principalement sur la diversification des exportations, dont l'un des éléments majeurs est la mutation industrielle, avec à la clé un accès plus rapide et à des coûts compétitifs aux marchés internationaux.

Un autre gros investissement de l'Entreprise portuaire d'Arzew (EPA) va hisser, sous peu, cette plate forme portuaire vers de nouveaux sommets, elle qui figure déjà au premier rang des ports nationaux avec plus de 62% du trafic national des hydrocarbures et plus de 37% du volume global hors-hydrocarbures. Il s'agit de son mégaprojet appelé sommairement :

Extension.

Extension du port d'Arzew, plus précisément. Leader incontestable du trafic hydrocarbures, le port d'Arzew, tout en consolidant cette activité stratégique, œuvre indissociablement avec son port mitoyen de Bethioua– à développer un trafic hors-hydrocarbures à grande échelle, en privilégiant notamment les produits générant une grande valeur ajoutée pour l'Economie nationale. Pour cela, d'immenses investissements sont engagés par le gestionnaire de ce port pour mettre en place une infrastructure à la mesure des aspirations et des objectifs assignés par les pouvoirs publics, sous les éclairages du président de la République Abdelmadjid Tebboune, et traduits en réalité par l'EPA, sous l'encadrement et les orientations et avec l'accompagnement indéfectible et le suivi de très près du département ministériel de Saïd Sayoud.

Ainsi, quatre ans après la mise en service du grand projet du quai minéralier de Bethioua, relié à un convoyeur à bandes long de 11 km, en partenariat avec Tosyali Algérie (depuis son entrée en exploitation à la mi-2021 à ce jour, ce quai a traité un volume de 17 millions de tonnes de minerai), l'Entreprise portuaire d'Arzew est en train de parachever un autre mégaprojet qui entrera en exploitation dans son intégralité à court terme, à savoir l'aménagement du môle commercial n°05, pour s'en tenir à l'intitulé officiel de l'opération.

Môle 5 du port d'Arzew dans la lancée du quai minéralier de Bethioua

Il est connu que l'essor du Commerce international à partir des perspectives portuaires et maritimes est une nouvelle conception. Les pays en développement ont pris conscience du rôle important que peut jouer la mer et que, inéluctablement, leur avenir passe par elle. L'Algérie figure en bonne place parmi les pays ayant fait de cet essor commercial un facteur, voire même un argument de développement économique et social. Des travaux ont montré l'influence de l'efficacité portuaire sur la croissance économique des États et sur la réduction des coûts de transport en général, d'autres ont justifié la difficulté à s'adapter à la mondialisation des pays développés en conséquence à la faible performance portuaire. Dans le cadre de la diversification des ressources du pays et afin de quitter la sphère de l'exportation d'un produit unique, l'Algérie s'est orientée vers l'encouragement des exportations hors-hydrocarbures. Cette nouvelle mutation économique tracée par le pays devra compter sur ses plateformes portuaires. Ses ports doivent atteindre un niveau de performance qui leur permet de répondre efficacement à la mutation économique et d'accompagner les opérateurs ayant des potentiels d'exportation. Une plateforme portuaire dynamique, maîtrisée et performante repose fortement sur une bonne infrastructure qui assure les opérations commerciales domestiques et internationales à laquelle s'ajoute la bonne gouvernance. C'est dans ce contexte global que l'EPA a mis au point un plan de développement, qu'elle s'est mise à exécuter, étape par étape, s'articulant autour de plusieurs axes, en tenant en ligne de compte, également, la multiplication des industries hors-hydrocarbures dans la région ouest du pays, qui l'a poussée à saisir l'opportunité pour se déployer sur d'autres marchés en consentant de gros efforts en investissements à travers la modernisation, la transformation et le renouvellement des structures au niveau de ses deux ports d'Arzew et Bethioua. Un grand projet en chasse un autre, sans répit aucun. Ainsi, à peine le projet du quai minéralier de Bethioua mis en service que l'EPA s'est attaquée à un autre, tout aussi important voire un peu plus, qui était inscrit dans ses tablettes : l'aménagement du môle

7 grands objectifs pour un processus de modernisation portuaire

C'est le point d'amorce d'un processus portuaire qui sonnera le glas de l'ère de dépendance quasi-absolue aux exportations hydrocarbures. L'économie logistique, précisément dans son secteur maritime-portuaire, se met en phase plus que jamais avec l'économie productive et créatrice de richesses. L'aménagement du site dit ‘Môle 5' sur le terrain anciennement concédé à l'ex-Camel avec comme objectifs principaux : 1. L'augmentation de la capacité du port d'Arzew pour faire face à la demande croissante. 2. La diversification économique en ce sens que l'extension permettra d'exporter d'importantes quantités de produits ferreux, d'urée et de plastique. 3. Le soutien à l'activité minière en permettant notamment l'exportation du fer de Gara Djebilet vers les marchés étrangers. 4. La modernisation et la compétitivité à la faveur notamment de la mise en place de nouveaux quais avec une profondeur accrue permettant d'accueillir des navires de plus grande taille. 5. L'amélioration de la logistique et le renforcement de la position du pôle d'Arzew sur la carte méditerranéenne. 6. La mise en place d'un hub de réparation navale en ce sens que l'extension prévoit la création d'un terminal dédié à la réparation navale, ce qui contribuera à faire de l'Algérie un hub dans ce secteur. 7. Le soutien à l'industrie régionale du fait que les nouvelles infrastructures contribueront à l'essor des projets industriels locaux et faciliteront la création de zones d'activités économiques, dynamisant ainsi le tissu économique régional. Bref, à travers le projet d'extension du port d'Arzew, lancé en travaux en mai 2023, l'Algérie, animée d'une grande volonté politique pour se défaire le plus tôt possible de la dépendance vis-à-vis des revenus pétro-gaziers, venait d'implémenter un programme structurant de diversification de l'économie, intégrant entre autres le développement de plateformes logistiques et portuaires polyvalentes, pour soutenir l'export hors hydrocarbures.

L'Entreprise portuaire d'Arzew tient son rôle

Le projet piloté par le maître d'ouvrage l'EPA et dont l'étude a été finalisée par le Laboratoire d'études maritimes LEM, en 2021 a été confié pour sa réalisation par voie d'appel d'offres national au Groupement algéro-chinois Cosider-TP/Méditram/China Harbour Algérie (CHEC) pour un délai d'exécution de 48 mois. Bénéficiant des avantages fiscaux par le biais de l'Agence algérienne de promotion et de l'investissement (AAPI), le projet financé à 100% par fonds propres a nécessité un montant de 43,91 milliards de DA en hors-taxe, 13 milliards de DA (HT) pour l'acquisition des équipements. La consistance des travaux comprend d'abord le dragage du bassin à moins de 14 m de profondeur, soit un volume quantitatif de 1,3 m3, ainsi que la réalisation d'un remblai de terre-pleins sur 55 ha.

Il est également question de la réalisation de 7 quais avec un total de 1.500 m linéaires , dont 3 quais sur blocs (la plateforme de la structure étant construite sur des blocs préfabriqués en béton) avec 555 ml, une profondeur de -9 m, dédiés au traitement des marchandises diverses, 4 autres quais, de type en caisson ceux-ci (à base de caissons préfabriqués placés côte à côte), répartis comme suit : deux (2) postes à quai à -14 m de profondeur avec un total de 390 ml, consacrés au traitement des conteneurs (capacité de 400.000 Équivalent Vingt Pieds –EVP– par an), un (1) poste à quai à -14 m de profondeur et 270 ml, réservé à l'exportation de l'urée en vrac (capacité de 1,2 million tonnes par an) et un (1) poste à quai à -14 m de profondeur et 250 ml, conçu pour l'import-export des marchandises diverses (3 millions de tonnes par an). Une mise en exploitation échelonnée ayant été adoptée au préalable, rendue possible par l'interdépendance des différents compartiments constitutifs du projet et dictée par la disproportion entre les divers lots en termes de consistance de travaux, de durées d'exécution et par voie de conséquence de degrés d'avancement, le projet est mis en service par parties de telle sorte que la fructification et la rentabilisation partielles se fassent dans l'immédiat sans devoir attendre les éléments restants, avec en outre la possibilité de tester le fonctionnement et de pallier à un éventuel besoin urgent tout en finalisant le reste. Ainsi, la partie composée des 3 quais sur blocs, consacrée au traitement des marchandises diverses, a été déjà mise en exploitation le 3 août 2025.

Aménagement du môle 5: mise en exploitation par parties successives

Pour les 2 postes à quai de 390 ml, 14 m de profondeur, destinés au traitement des conteneurs, l'entrée en service est prévue durant le 1er trimestre 2026. Quant au poste à quai de -14 m et 270 ml, réservé à l'exportation de l'urée (produite par le Complexe pétrochimique Sorfert –filiale de Sonatrach– à la ZI d'Arzew), l'entrée en matière est programmée avant fin 2026. Il en est de même pour le poste à quai adjacent dédié à l'import-export des marchandises diverses. L'entrée en exploitation du projet dans son intégralité, chantier naval compris (taux d'évolution actuel de l'ordre de 55%), est planifiée pour fin 2027. A noter que le projet a fait, en cours de route, l'objet d'une reconfiguration partielle pour des raisons typiquement d'ordres technique et sécuritaire. Le plus grand changement qui y a été opéré concernait la délocalisation du site qui devait abriter le chantier naval, initialement faisant partie de l'emprise du môle 5, vers un autre endroit au sein du même port d'Arzew. En fait, il ne s'agissait pas uniquement d'un déplacement au sens géométrique mais également d'un basculement de la variante de dock flottant vers la variante de cale sèche, jugée plus avantageuse techniquement et fonctionnellement et moins contraignante et problématique sur le plan de la régulation du trafic portuaire interne. Maillon le plus important et le plus moderne d'un réseau national déployé sur le littoral national consacré à la réparation et la construction navales, avec comme objectif suprême de satisfaire la demande du pavillon national et, partant, limiter le recours aux chantiers étrangers, le futur chantier naval d'Arzew sera doté de tous les équipements nécessaires, soit une autonomie de 100% en moyens et logistiques. La structure est conçue également pour être une station-pivot qui traitera autant avec les entreprises maritimes étatiques et privées, en matière de réparation de bateaux, qu'avec des pays étrangers.

Exportation de 8 millions de tonnes de plus, soit + 51% par rapport à 2024

Une fois son extension du môle 5 fonctionnelle à 100%, le port d'Arzew verra ses capacités opérationnelles monter en puissance pour atteindre un niveau de trafic conteneurs de 400.000 EVP par an, 3 millions de tonnes de produits sidérurgiques, 1,2 million de tonnes d'urée en vrac, 450.000 tonnes de marchandises générales, avec comme chiffre total généré : 4,2 milliards de DA. Mais l'EPA n'aura pas à attendre jusqu'à fin 2027 pour voir ses performances prendre le large puisqu'à peine le projet môle 5 n'en a-t-il actionné qu'un de ses nombreux leviers que déjà la courbe du trafic a affiché un net point d'inflexion vers le haut et l'on peut, d'ores et déjà, parler d'un début de retour d'investissement. En témoigne le pic de 50 millions de tonnes, volume traité actuellement par le port d'Arzew, avec à la clé une nette amélioration du pourcentage des hors-hydrocarbures qui est passé de 3 à 15% du global. Le bilan annuel de l'activité portuaire de l'EPA, arrêté au 30 septembre 2025, fait état de 2.150 navires traités en entrée/sortie, soit + 6% par rapport à la même période de l'année 2024 pour un séjour en rade de 1,34 jour, soit une réduction de 40% par rapport à l'année écoulée. Le global de marchandises traitées est, quant à lui, de l'ordre de 37 millions de tonnes, soit + 4% par rapport à 2024. Mais, surtout, une nette hausse du trafic hors-hydrocarbures : 8,5 millions de tonnes, soit + 50,7% par rapport à 2024.