Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La trêve empoisonnée et le retour de l'ombre de la guerre: Entre la scène de Charm el-Cheikh et la réalité de Gaza

par Laala Bechetoula

Menaces réelles, reprise annoncée ?

Malgré l'escalade verbale israélienne et les ordres de préparation militaire, aucune reprise officielle des opérations massives n'avait été déclarée au 17 octobre 2025.

Les déclarations de Netanyahu et de son ministre de la Défense restent des menaces conditionnées au transfert des restes des otages, alors que des obstacles logistiques réels compliquent leur récupération. Donald Trump, quant à lui, a lié la deuxième phase de sa « feuille de route » au désarmement du Hamas dans un délai de 72 heures, tout en précisant ensuite qu'il n'enverrait pas de troupes américaines à Gaza, laissant à Israël la possibilité de reprendre la guerre en cas de blocage.

Ainsi, parler d'une « reprise effective » relève davantage du discours politique que des faits militaires constatés.

I. Un discours à Jérusalem, une réalité à Gaza

Le 13 octobre, sous la coupole de la Knesset, Donald Trump proclamait « la fin de la guerre» dans une mise en scène millimétrée. Mais sur le terrain, rien n'est terminé : les gravats cachent encore des corps, la faim persiste, et la moindre faille dans le calendrier américain-israélien pourrait rallumer la machine de guerre.

II. Charm el-Cheikh : une vitrine bien éclairée, mais vide

La conférence de Charm el-Cheikh a donné lieu à une image impeccable : Trump au centre, Sissi et Netanyahu l'encadrant, et une rangée de dirigeants arabes dans un décor de « paix». Mais derrière le décor se cache une mécanique implacable : libération des otages vivants, récupération des corps, désarmement, puis négociations sans calendrier.

Sans équipements lourds pour fouiller les décombres, Gaza était condamnée à l'échec logistique. L'accord lui-même devient alors une trappe : le moindre retard devient une « preuve de mauvaise foi » et une justification pour frapper à nouveau.

III. Netanyahu et Trump: une alliance narrative

Netanyahu a besoin d'une victoire pour survivre politiquement ; Trump d'un théâtre extérieur pour regagner son prestige. Leur partenariat est d'abord narratif : redéfinir les rôles-Israël comme rempart de la civilisation, Gaza comme menace barbare-en inversant cyniquement la réalité des chiffres : 70 000 morts, 95 % des bâtiments détruits.

IV. Les Arabes : présents physiquement, absents politiquement

Vingt chefs d'État arabes étaient présents. Aucun n'a dénoncé publiquement les violations israéliennes ni les conditions humiliantes de l'accord. Beaucoup ont préféré la photo souvenir au positionnement stratégique. Ce silence s'inscrit dans une continuité : celle d'une diplomatie arabe souvent spectatrice, rarement actrice, même dans les moments décisifs.

V. L'après-trêve : une guerre en suspens

Faute de garanties, la « paix » actuelle ressemble davantage à une pause tactique. La marge de manœuvre des médiateurs arabes et turcs s'est réduite à néant. L'armée israélienne reste en alerte, la rhétorique politique est prête, et le moindre prétexte pourrait rallumer la guerre-peut-être à un rythme plus ciblé, plus calibré, mais non moins brutal. Le scénario le plus plausible : escalade graduelle, assassinats ciblés, pressions économiques, puis frappes concentrées -le tout instrumentalisé dans les calendriers électoraux israéliens et américains.