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![]() ![]() ![]() ![]() Prologue - Quand
la paix devient une mise en scène
Il y a des silences qui sentent la paix... et d'autres qui sentent la poudre. Le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, annoncé à grand renfort de caméras depuis Sharm el-Sheikh, appartient à la seconde catégorie. Moins de vingt-quatre heures après la proclamation solennelle d'un « nouveau départ », sept Palestiniens sont tués dans deux frappes israéliennes l'une à Shejaiya, l'autre près de Khan Younis pendant qu'ils tentaient simplement de retourner vers leurs maisons pulvérisées. Le rideau n'a même pas eu le temps de tomber que la tragédie reprenait, implacable. I. Le piège narratif d'un cessez-le-feu «historiquement historique» Le décor est grandiose : Donald Trump entouré de dirigeants égyptiens et israéliens, des mots choisis pour entrer dans les manuels d'histoire «Phase 1», «Phase 2», «reconstruction». La mise en scène est parfaite. Mais la réalité est brutale : ce cessez-le-feu n'est ni historique ni solide. C'est une trêve instrumentalisée où chaque camp prépare la prochaine bataille, pendant que l'opinion mondiale est invitée à admirer le spectacle diplomatique. Le lendemain de l'accord, Israël annonce réduire de moitié le flux d'aide humanitaire vers Gaza 300 camions au lieu des 600 prévus, et zéro litre de carburant en dehors des «infrastructures humanitaires essentielles». Une décision justifiée par la lenteur supposée du Hamas à restituer les corps de 24 otages restants. On appelle cela un cessez-le-feu ; en vérité, c'est une continuation de la pression par d'autres moyens. II. L'échange d'otages : humanité ou levier politique ? La libération de 20 otages israéliens vivants, accueillis comme des héros à Tel-Aviv, a bouleversé les écrans du monde entier. Mais ce récit humanitaire en cache un autre : la non-restitution de 24 corps, utilisée comme argument pour restreindre l'aide humanitaire et durcir les conditions de la trêve. Ce qui est présenté comme un «échange» équilibré est en réalité asymétrique un levier politique et diplomatique entre les mains de Tel-Aviv et de Washington. III. La reconstruction conditionnelle : une vassalisation déguisée Trump a parlé de «reconstruction immédiate». Mais dans les détails de son plan, la condition numéro 1 est limpide : le désarmement total du Hamas, préalable à tout chantier. Pas un mot sur la souveraineté palestinienne. Pas un mot sur la levée du blocus. Pas un mot sur la justice ou le droit au retour. On propose à Gaza de renaître... mais sous tutelle. De se reconstruire... mais dans le cadre d'un projet géopolitique défini ailleurs. La paix est ici une offre conditionnelle, presque un contrat de soumission. Le marteau n'est plus seulement militaire : il devient économique, diplomatique, narratif. IV. Des précédents lourds de sens Ce scénario n'est pas inédit. En juin 2024, lors de l'opération dite de Nuseirat, 276 Palestiniens sont tués pour libérer 4 otages selon les autorités locales (contre moins de 100 selon l'armée israélienne). Ce précédent montre que la vie palestinienne est souvent reléguée au rang de variable d'ajustement, et que les récits humanitaires sont utilisés comme justifications d'opérations à haut coût civil. V. La rhétorique médiatique : entre anesthésie et asymétrie Les grands médias occidentaux jouent un rôle déterminant : ils personnalisent les victimes israéliennes (noms, visages, récits), tandis que les Palestiniens sont souvent réduits à des chiffres. Une étude récente (Université Columbia, 2025) a montré que dans 78 % des articles de presse anglo-saxons, les Palestiniens sont présentés de façon statistique, tandis que 85 % des victimes israéliennes sont décrites individuellement. C'est ainsi qu'on fabrique une empathie sélective, qui prépare l'opinion à accepter l'inacceptable. VI. Ce qui se joue vraiment Sous les mots «paix», «reconstruction» et «négociations», ce qui se joue est d'une clarté crue : La normalisation d'un état de siège maquillé en transition pacifique. L'instrumentalisation des otages comme outil de pression. L'économie de la reconstruction comme nouveau terrain de contrôle. La fabrication d'un récit dominant, qui efface l'asymétrie historique et humaine. Ce cessez-le-feu sent mauvais, non pas parce qu'il n'y aurait pas d'espoir de paix, mais parce qu'il habille la domination d'un costume diplomatique. VII. Un avertissement au monde Accepter cette narration, c'est accepter que la paix devienne une marchandise politique, que les morts soient des chiffres négociables, et que la souveraineté soit un luxe réservé aux puissants. L'Histoire jugera non pas les poignées de main sous les projecteurs, mais la vérité vécue par les populations sous les drones et les blocus. Il est temps que les médias, les sociétés civiles et les États refusent de participer à cette supercherie narrative. Il est temps de regarder au-delà du rideau. Épilogue - Dans le désert de la diplomatie spectacle Le véritable parfum de ce cessez-le-feu n'est pas celui d'une paix retrouvée, mais celui - entêtant - d'une grande duperie soigneusement chorégraphiée. À Gaza, le silence qui suit la trêve n'est pas une promesse. C'est une respiration entre deux tempêtes. |
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