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Saïd Sayoud au pays de Madiba !

par Cherif Ali*

Le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, Saïd Sayoud, a pris part, au Cap (Afrique du Sud), aux travaux de la réunion du groupe de travail du G20 sur la réduction des risques de catastrophes.

Cette rencontre internationale placée sur le thème de ‘‘Résilience pour tous ; réduire les risques de catastrophes par la solidarité, l'égalité et la durabilité'', a permis de mettre l'accent sur le renforcement des systèmes d'alerte précoce et la coopération internationale pour anticiper et réduire les risques liés aux catastrophes naturelles et technologiques. L'événement s'est inscrit dans le cadre de l'initiative mondiale ‘‘Early Warnings for All''(EW4All) – traduite par « Alertes précoces pour tous » , lancée par le Secrétaire général des Nations unies en 2022, qui vise à garantir à ce que chaque personne soit protégée, d'ici 2027, par un système d'alerte précoce multirisques.

Elle a permis surtout à Said Sayoud, ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et des Transports de passer en revue «les efforts déployés par l'Algérie en matière de prévention et de gestion des catastrophes», soulignant «la révision du cadre juridique ayant permis d'intégrer des mécanismes adaptés aux nouveaux enjeux, inspirés du Cadre de Sendai».

Il a également évoqué «les efforts continus visant à réduire les risques sismiques, en sus de l'importance accordée par l'Etat algérien à l'amélioration des capacités de réponse», tout en mettant en avant «la disponibilité permanente de l'Algérie pour apporter assistance et soutien en matière de secours en cas de catastrophes».»

L'expérience algérienne a été saluée par M. Kishore «Représentant spécial du SG de l'ONU» pour la réduction des risques de catastrophe et chef du Bureau de l'ONU pour la prévention des catastrophes (UNDRR)qui, pour sa part, «a appelé à la partager à l'occasion des travaux de cette rencontre, notamment en matière de prévention ou d'investissement dans la réduction des risques, et de prise en charge des victimes lors de catastrophes». Le responsable onusien a mis en avant «le classement de l'Algérie dans la zone verte au niveau de l'ONU, en ce qui concerne les rapports, la communication et le niveau de mise en œuvre du Cadre de Sendai». Il a également salué «les efforts des autorités algériennes pour une meilleure gestion des risques de catastrophe», exprimant «la volonté du Bureau onusien de renforcer la coopération bilatérale existante avec l'Algérie dans ce domaine». Rappelons que la capacité d'innover, d'investir, d'éduquer et de tirer les leçons des erreurs du passé a placée l'Algérie parmi les pays les plus exposés et partant mieux préparés aux tremblements de terre dans le monde. Il n'en reste pas moins qu'il est admis que les séismes sont imprévisibles et il n'y a que la prévention qui vaille en matière notamment de respect des règles de l'urbanisme.

Il y a un peu plus de 30 ans d'ailleurs, Haroun Tazieff, le célèbre vulcanologue français avait alerté sur le danger représenté par les constructions sauvages, le long du littoral algérien. Personne n'avait voulu écouter cet éminent expert étranger passé ministre et décédé depuis, qui séjourna en Algérie juste après le séisme d'El-Asnam, pour y donner quelques conférences sur l'origine des tremblements de terre et la manière d'en limiter les dégâts, notamment humains, sachant qu'on ne peut pas, dans l'absolu, les prévenir. Si l'on avait pris compte de ses recommandations, ont dit certains, le bilan des victimes des séismes de Boumerdes en 2003 et d'Alger en 2014 auraient été, peut-être, moins lourds.

Mais comme on dit, à chaque chose malheur est bon et un chroniqueur l'avait affirmé « malgré les dégâts, les séismes ont cet avantage, ils révèlent souvent les contradictions des constructions humaines, celles de l'échafaudage des bâtiments ou celles de l'explication magique ! ».

Les experts sont unanimes, dans les tréfonds du sol algérien existent de multiples failles sismiques pouvant à tout moment devenir actives, soit légèrement, ce qui est le cas la plupart du temps, soit de manière violente, ce qui arrive parfois, comme à El Asnam, Boumerdès...

Le problème n'est pas dans l'existence de failles sismiques, la nature est ainsi faite, ni dans leur activation, quasi difficilement identifiable.

Il réside dans la prévention, c'est-à-dire la sensibilisation de la population pour l'acquisition de comportements de sauvegarde au moment de la catastrophe et dans la mise en place par les pouvoirs publics de normes techniques les plus sévères en matière de bâti. Et aussi et surtout, dans les moyens humains et matériels à déployer au niveau des secours lors des catastrophes.

Des pays, tels que le Japon, ont pu combiner ces trois éléments et rendre ainsi l'exposition aux séismes la moins coûteuse en vies humaines et en dégâts matériels.

En Algérie, on est loin du compte : si quelques leçons ont pu être tirées des séismes de ces dernières décennies, d'autres à venir - et ils interviendront à coup sûr - seront ravageurs lorsqu'ils dépasseront une certaine intensité.

Et les séismes qui se sont produits notamment en Turquie et en Syrie ne seraient pas, hélas, les derniers d'autant plus qu'ils viennent dramatiquement mais opportunément rappeler le péril imminent qui menace toutes ces populations du bassin méditerranéen en général mais aussi celles occupant levieux bâti d'El Hamri, Gambetta, des Casbah d'Alger, de Constantine, ou encore d'Annaba, qui ont dû, très certainement, ressentir, dans leur tête et leurs tripes, l'onde de choc.

Elles survivent toutes dans ces quartiers populaires où jadis, il faisait bon vivre mais aujourd'hui, ce sont des lieux funestes où des familles entières étouffées par les grabats de leurs immeubles et la bêtise humaine rendent l'âme, entre deux tremblements de terre, une inondation et surtout le sentiment d'avoir été abandonnées par ceux-là mêmes qui avaient la responsabilité de les prendre en charge et de les secourir.

Et ce n'est pas faute pour elles de les avoir alerté sur la précarité de leur situation et du péril planant sur leur tête !

La précarité de ces habitations de céans et d'ailleurs a atteint un seuil alarmant : le parc immobilier national, selon les professionnels, est constitué de 7 millions de logements dont 1,5 million d'unités menaçant ruine !

De plus il diminue, inexorablement, suite aux catastrophes naturelles et se réduit aussi par la faute de l'occupant qui néglige l'entretien de son habitation, qu'elle lui soit propre ou qu'elle relève du patrimoine public.

L'absence d'entretien, les attaques climatiques additionnées aux adaptations décidées de manière unilatérale par les occupants qui, non seulement s'approprient les espaces communs, mettent aussi en péril la vie de leurs colocataires en s'autorisant, pour certains, des constructions illicites sur les terrasses, au vu et au su de tout le monde, élus locaux compris, ajoutent à la précarité du vieux bâti.

On l'aura compris, il ne suffit pas aujourd'hui prétendre régler la crise du logement en construisant des nouvelles cités, il y a aussi urgence à assurer la maintenance de ce qui existe déjà !

Il est important de comprendre que tout logement ou équipement a une durée de vie et qu'il est sujet, périodiquement, à une usure qu'il y a lieu de prendre en charge dans le cadre d'un programme concret de survie et de réhabilitation, avait souligné le Collectif National des Experts Architectes (CNEA) dans son livre blanc révélé en 2011. Il avait proposé alors la création d'un « carnet de santé du bâtiment » ainsi que la mise en place « d'un fond national de l'amélioration de l'habitat et le lancement d'un programme de réhabilitation d'un vieux bâti ».

A croire que le responsable de ce collectif prêchait dans le désert puisque les choses sont restées en l'état dans nos villes usées et ravagées par tant de catastrophes naturelles et leurs lots de morts et de blessés.

Hérité de la colonisation le vieux bâti fait peur !

Il fera encore couler beaucoup de larmes, d'encre, de peinture, de plâtre, de promesses et d'argent facilement gagné par ces « bricoleurs » s'improvisant entrepreneurs en bâtiment !

Autre sujet, l'affolement qui suit le séisme se révèle, en définitive, plus meurtrier que le tremblement de terre en lui même ; des personnes peuvent mourir parce qu'elles voulaient survivre ; dans un moment de folle panique, elles sont amenées à se défenestrer et le professeur Khiati de la Forem l'a bien expliqué « la peur dans ce genre de circonstances est tout à fait légitime, même si elle peut être contenue et structurée ; un séisme, lorsqu'il se produit, dans un laps de temps et durant cette période, l'individu ne contrôle plus ses réactions encore moins ses gestes ; il est désemparé parce que tout simplement il n'a reçu aucune formation dans ce sens ». Si les Algériens étaient sensibilisés sur les procédures à respecter en cas de tremblement de terre, ils ne chercheraient pas l'issue fatale, poursuivit l'expert ! En fait, tout le monde est responsable et personne n'est coupable dans cette affaire, ni l'école encore moins la protection civile qui auraient pu, pour le moins, prendre quelques initiatives utiles ! Au Japon, il y a 30 à 40 séismes par an, mais cela ne suscite ni panique, ni affolement car les Japonais sont éduqués, formés et sensibilisés pour faire face à ce phénomène naturel ! Dans ce pays les experts et la population s'attendent depuis des années au « Big One ! », un tremblement de terre aussi important que celui qui a touché le pays en 1923 faisant plus de 140 000 victimes. Entrainés depuis l'enfance les Japonais savent qu'ils doivent couper l'électricité, l'eau et le gaz et se précipiter sous une table, dès la première secousse tellurique. Au cas où ils se retrouveraient prisonniers des décombres, certains ont pris des kits de survie pour tenir jusqu'à l'arrivée des secours et les écoliers disposent d'un casque de protection dans leur casier ; pour vous dire, les nôtres d'écoliers ne disposent même pas de casiers !

En 2009, près de 800 000 personnes dans le pays, dont le Premier ministre japonais, ont participé au grand exercice annuel et national de prévention, à la date anniversaire du grand tremblement de terre de 1923. Régulièrement, les camions de simulation sismique sont installés dans les rues dans le but de sensibiliser la population aux effets du tremblement de terre.

Le nôtre de camion a été étrenné une ou deux fois, avec force caméras, et depuis on ne l'a plus revu !!!

Le Japon a le système d'alerte le plus évolué dans le monde même s'il n'est pas parfait, mais un bâtiment a plus de chance de s'écrouler si les responsables locaux ont triché sur les matériaux de construction pour récupérer de l'argent au passage, a indiqué un journaliste ; ce type de scandale s'est, notamment, produit en 2008, après le séisme de Suichuan en Chine, qui avait entrainé la destruction de plusieurs écoles.

Il s'est aussi produit chez nous à Boumerdes, où des cités flambant neuf se sont affaissées comme des châteaux de cartes ; on n'a jamais retrouvé les boites noires et les responsables courent toujours !

Le séisme frappe et la bêtise tue et tuera encore si des enseignements ne sont pas tirés du dernier tremblement de terre :

l Il faut procéder à la destruction de tous ces immeubles périlleux pour disposer dans certains quartiers urbains d' « aires de rassemblement » pour les habitants, au cas où d'autres immeubles menaceraient de s'écrouler.

•l Il faut tout revoir des normes des constructions parasismiques non pas pour arriver au niveau du Japon où les édifices sont montés sur vérins, ressorts, rails ou roulements à bille et soutenus par des amortisseurs ou haubans ce qui leur permet de faire face aux catastrophes naturelles mais pour au moins faire respecter les dosages de béton et rendre obligatoire le permis de construire!

Pour conclure avec ces urgences qui attendent nos responsables :

1. Il faut tout revoir au CRAAG, au CTC, chez les entreprises de réalisation.

2. Il faut redynamiser cette « Délégation aux risques majeurs » en lui confiant plus de prérogatives notamment en matière réglementaire.

3. Il faut être, dorénavant, exigeant en matière de qualité des produits et équipements destinés à l'habitat.

4. Il faut revoir tous les programmes des écoles de formation et exiger une remise à niveau de tous les professionnels qui sont sur le marché de l'architecture et de l'urbanisme.

5. Il faut engager une véritable politique de réaménagement du territoire, réviser le Schéma National d'Aménagement du Territoire (SNAT), et construire des villes modernes où il fera bon vivre avec de grands espaces de rassemblement, des aires de stationnement et de loisirs.

6. Il faut tenir compte des enseignements de tous ces séismes passés pour réviser et enrichir le Règlement Parasismique Algérien (RPA).

7. Il faut réfléchir à la mise en place « d'un ministère de la Protection civile et de la Population».

Il faut, il faut, il faut...

Il y a tellement de choses à faire qu'on ne sait plus, en fait, s'il faut :

l donner la priorité à la révision des plans ORSEC (800 communes en seraient dépourvues et des centaines d'autres doivent impérativement procéder à sa révision)

l ou changer ces responsables qui ont prouvé leur incompétence à prendre en charge ne serait-ce que le vieux bâti d'Alger, d'Oran et d'ailleurs, car, comme il a été affirmé par un éditorialiste,« c'est eux l'épicentre du problème !».

*Ancien Chef de Daira