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La paix et ses illusions

par El Yazid Dib

On dit souvent qu'une parole n'engage que ceux qui l'écoutent.

* Bibi et le critère du respect de la parole donnée :

Doit-on encore lui faire confiance ? Peut-il se soumettre aux règles éthiques de la fidélité pour l'application d'un accord ? Non, personne ne le pense. L'historique de ses avatars, les précédents de ses traîtrises, son opiniâtreté haineuse sont là pour rafraîchir la réflexion des dupes. Neten-yahu n'a aucunement respecté une parole ou une signature.

Le criminel, une fois les otages récupérés, persistera à aller jusqu'au bout illimité de sa guerre. La guerre lui est un sauf-conduit, un report judiciaire.

Donc, il ne faut pas trop compter sur l'excès de confiance de Trump et son plan, quoique des phrases tonitruantes ont été lancées que « la guerre est finie «. Tout peut basculer au détour, d'un ptit attentat prémédité, pour que la douleur reprenne son cours. La menace est sur toutes les têtes.

Sorti, vaincu malgré l'ignoble génocide ; il lui sera difficile d'ingurgiter de bon goût ce résultat . Lui qui promettait de libérer tous les otages, de faire disparaître Hamas, de la démilitariser, de raser Ghaza, n'a finalement réussi qu'à rendre Ghaza en ruine. Les derniers otages sont libérés suite à un arrangement, une négociation d'égal à égal , Hamas et ses factions y sont encore quoique sans nulle influence ni sur le cours du temps,ni sur le futur de la gestion territoriale.

Qu'a-t-il gagné en fait ? Faire connaître publiquement le calvaire d'un peuple pacifique, lui permettre soutien indéfectible par toutes les capitales populaires du monde. Le drapeau palestinien est devenu l'étendard le plus connu mondialement, il a flotté sur frontons, terrains, podiums, flottilles. C'est le symbole de liberté qu'arborent tous les jeunes, les indignés et les hommes libres.

* Une paix fragile, une guerre en sourdine:

Néanmoins, l'analyse des événements ne prédit pas la fin totale d'une hégémonie séculaire. Le plus dur reste à venir. La paix reste à faire et à refaire. Un cycle infernal.

Un homme nourri à la mamelle du pire,ne va pas s'arrêter là où il n'a rien réalisé comme aspirations. Le délire du grand Israël. S'il a accepté un cessez-le-feu, il va continuer sa guerre. Impossible que celle-ci va finir. Il y a beaucoup de paradoxes qui la bloquent. L'on peut en citer: les dispositions de la gouvernance de la bande dévolue à des personnalités étrangères, une puissance étrangère de stabilisation, l'éviction de Hamas dans sa composante actuelle, l'ignorance de l'autorité de Mahmoud Abbas, la désunion interne des mouvances palestiniennes, la fragilité de l'engagement des États arabes et surtout l'impuissance de l'ONU et la paralysie de son conseil de sécurité.

C'est dire ,que pour asseoir une paix durable il faudrait aller aux profondes causes, et non se limiter à traiter les effets. C'est comme pour une pathologie, si l'on soigne uniquement la fièvre, on n'ira pas au fond de sa survenance.

* Le réveil des zizanies internes :

Les deux folles années de feu ont eu tout de même ,le mérite considérable d'avoir eu un consensus inter-factionnel de la résistance. Déjà que le fossé tant idéologique que stratégique entre l'Autorité et Hamas était assez large. Maintenant que la furie semble avoir cessé, voilà que vont apparaître au sein même des différentes corporations nationales des règlements de compte. Sans toutefois parler de ceux qui minent les courants politiques au sein même de la résistance. L'on parle déjà de confrontations entre milices et forces de l'ordre ou pouvoir civil. Du moins ce qui en reste.

D'une part, le rapport de force qui s'est instauré depuis l'arrivée de Trump au pouvoir n'est pas à l'identique de ses prédécesseurs.

Ce rapport est imposé par la menace pour l'adhésion à un plan concocté génétiquement à Tel-aviv. « Vous signez ou c'est l'enfer ! « leur avait-il affirmé récemment. N'est-ce pas là, un nombrilisme égocentrique, qui ne force pas l'admiration ?

* le contre-effet du déluge d'El Aqça :

D'autre part, le «déluge d'El Aqça « n'aurait rien rapporté en termes d'acquis supplémentaires, au plan des combats de terrain. Bien au contraire, le bilan final est plus dramatique que le résultat escompté par l'opération du 7 octobre. Destruction totale de la bande, l'exil et l'errance, les milliers de morts, les mutilés, l'accentuation de la pauvreté, la famine. Le conflit ne s'est pas contenté de ne se contenir qu'à l'intérieur, il s'est étendu à tous ceux qui,dans un temps, constituaient l'axe de la résistance. La Syrie est démantelée, affaiblie et inopérante. Le Liban dévasté et estropié du principal bras d'assistance. Hizbollah carrément annihilé. L'Iran amoindri dans ses avancées nucléaires, mis au défi et sous étroite surveillance. Le Yémen vivote et se place continuellement en ligne de mire . Voilà la comptabilité pragmatique du 7 octobre, selon une lecture neutre, arithmétique, sans émotions. L'histoire démontrera un jour, s'il était judicieux de consentir ces sacrifices pour se voir après deux années, obligé de se retirer et remettre les otages. Néanmoins, la politique a ses controverses. Rien n'est permanent,tout se module selon le contexte et les exigences de l'heure. Hamas a bien fait de signer. Cela ne la déshabille pas, cependant de ses principaux idéaux. Ni réduire à néant l'acharnement de ses alliés dans le combat.

*Hamas et ses ultimes soubresauts :

L'aisance d'action d'antan n'est plus de mise. Tout l'arsenal balistique est détruit. Plate-forme de lancement de missiles neutralisées. L'approvisionnement est coupé. La capacité de riposte, de défense, de positionnement est hors service. L'on ne peut lutter contre une armée des plus équipées du monde de surcroît épaulée par les grandes industries militaires. Même les tunnels ,œuvre mythique et exceptionnelle ne se justifient plus et ne sont que des grottes éventrées. Il y a de ces circonstances où la volonté seule, sans perspicacité reste insuffisante,voire inutile.

Le mouvement a aussi perdu tout son entrain, en plus de ses leaders charismatiques, de Heneya à Sinwar jusqu'à Abou Oubeida( il serait toujours en vie). Il n'en reste qu'un groupe de négociateurs, abrités au Qatar, pays de bons offices et qui a son tour n'a pas échappé aux attaques israéliennes. Le mouvement,devant l'hémorragie de son exécutif, s'est abstenu de désigner un chef. Il se gère sans commandement identifié. Une direction collégiale dit-on, de peur ,que tout chef désigné ne puisse constituer, sans doute une cible privilégiée. En tous cas, Hamas a engrangé une victoire politique idéale pour la Palestine, tout en semblant la perdre sur le terrain. Sans pour autant permettre à Neten-yahu l'honneur de l'avoir gagnée à son tour.

*Le mérite d'un peuple héroïque :

Rien n'aurait été acquis ,s'il n'y avait pas cette farouche détermination de la population ghazouie, à se fixer sur sa terre, malgré toutes les mesures coercitives pour la déraciner. Les citoyens ont péniblement patienté. Ils ont résisté à toutes les atrocités, jamais subies, en faisant de l'épreuve une source de courage. Les camps de regroupement, les tueries collectives et systématiques, la malnutrition criarde, l'insalubrité insupportable n'ont pu égratigner leur honneur ni les forcer à baisser du nez.

C'est grâce à cette plurielle abnégation que des centaines de prisonniers palestiniens ont pu quitter les geôles, après tant de souffrance, de maltraitance et d'humiliation. C'est un peuple qui a subjugué ,avec gloire l'ensemble de l'opinion internationale.

* Le pharaon du proche-orient :

Le sommet de Charm Echeikh revêt une seule importance, c'est qu'il a certifié le cessez-le-feu, il n'a pas instauré la paix. La présence de dirigeants ayant pignon sur la situation, sous la férule du président américain a donné plus d'épaisseur au consensus entre l'entité sioniste et Hamas. Sous statut d'invités d'honneur, ils sont là, comme témoins d'un acte qualifié d'historique « une nouvelle aube» et se portent ,pour certains garants quant à son exécution. Le Qatar et l'Égypte, à vrai dire ont assez fait pour que cela se réalise. Trump, maître de céans,tel un pharaon des siècles modernes a bien voulu prendre les plus actifs, les plus près de la cause palestinienne , pour les mettre devant le fait accompli. Il n'a pu alors faire assister Neten-yahu, devenu indésirable et détesté à travers le monde entier. Pour lui, ce sommet est un schow où il est aisé de démontrer sa capacité à dénouer les obstacles qui ne l'arrangent pas. D'affirmer son leadership. Ce sommet n'a pas pour but de négocier les clauses du plan Trump,ni d'y apporter des correctifs. C'est une simple cérémonie de couronnement. Une séance protocolaire pour parapher,de facto un contrat d'adhésion.

Le problème de la solution des deux Etats :

Énormément de pays de la communauté internationale ont reconnu l'Etat de Palestine. Néanmoins Israël et les États-Unis s'y opposent. Le sommet de Charm Echeikh a bien zappé cette alternative. Encore que, ni la Cisjordanie, ni le Golan n'ont été évoqués. Seul le président égyptien, entre autres a tenu à clamer l'Etat palestinien, avec une conviction salutaire pour la stabilité de son pays.

Sans cette solution le conflit ne connaîtra aucune issue. Un travail gigantesque est donc attendu de tous. Reconnaître un État, sans lui reconnaître un territoire souverain et un pouvoir autonome reflète une position inachevée. Un exercice politique de scène. Tout le problème de cette region passe par la solution de deux Etats. L'on ne peut trop tergiverser avec la vérité. L'on ne peut trop acquiescer l'injustice. Et ce ne sera pas à un sommet bonnement trituré, serti de complaisance, de prétendre cacher le visage criminel d'un occupant, voilà dévoilé à tout le monde.