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Le sommet de l'amertume

par Kharroubi Habib

 80 pays ont pris part au 3e sommet Europe-Afrique, dont les travaux se sont déroulés lundi et mardi à Tripoli, la capitale libyenne. Beaucoup - trop - d'entre eux ont été représentés par des délégations ne comprenant pas leurs chefs d'Etat ou de gouvernement. Preuve s'il en est que la thématique du Partenariat économique entre les deux continents sur laquelle le sommet a planché a beaucoup perdu de son actualité et de son attractivité pour les sphères dirigeantes des deux blocs.

 Deux raisons à cela s'imposent. La première étant la «maigreur» du bilan de ce partenariat convenu et défini lors du 1er sommet Europe-Afrique de Lisbonne en 2007. Ce bilan, les Africains n'en sont pas satisfaits, estimant que l'Europe n'a pas tenu les engagements qu'elle a contractés à l'égard de leur continent. Sentiment de désillusion que le leader libyen a exprimé en allant jusqu'à considérer que «le Partenariat économique entre les deux continents a échoué».

 La seconde est que l'Europe semble estimer que la crise économique et financière dans laquelle elle se débat lui impose d'autres urgences que l'approfondissement du partenariat contracté avec le continent africain.

 Autant dire par conséquent que le 3e sommet Europe-Afrique ne s'est pas caractérisé par l'optimisme sur l'avenir de ce partenariat entre les deux continents. Un climat dont Guedaffi, encore lui, a parfaitement rendu compte en avertissant les participants européens que «l'Afrique a d'autres alternatives, dont celle de se tourner vers d'autres puissances comme l'Amérique latine, la Chine ou l'Inde». Son propos a été jugé «agressif» par le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, mais il exprimait le point de vue de nombre de pays africains, lassés de voir le contient européen ne s'intéresser au leur que sous l'angle de ses seuls intérêts.

 La «menace» proférée par le Guide de la Djamahiria n'est pas simple «écart de langage». Elle reflète bien au contraire la détermination africaine de ne plus se contenter des vaines promesses que l'Europe fait miroiter au continent noir et dont la concrétisation tarde à se réaliser. Pour preuve, les spectaculaires percées qu'ont faites, au détriment de l'Europe dans le continent noir, les régions et pays cités par Mouammar El-Gueddafi.

 L'Afrique n'est plus le «pré carré» de l'Europe et si celle-ci veut ne pas en être totalement évincée, elle se doit de prendre en compte le souhait formulé, lors de ce troisième sommet Europe-Afrique, par le président de la Commission de l'Union africaine, que «les deux parties s'engagent à rétablir le juste équilibre entre la dimension politique et la dimension développement dans la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie commune».

 Ce qui veut dire, en d'autres termes, que l'Europe doit cesser de conditionner son partenariat économique avec l'Afrique par des clauses et des considérations d'ordre politique. Ce qu'ont bien compris et pratiquent les pays qui sont en train de «tailler des croupières» en Afrique au vieux continent.

 Si par conséquent le sommet Europe-Afrique doit «donner un signal fort», comme l'a estimé le président de l'Union européenne, c'est celui que l'Europe est vraiment décidée à renoncer à concevoir son partenariat avec l'Afrique sous des rapports léonins, pour aller à celui d'égal à égal basé sur l'intérêt mutuel et non sur l'exploitation.